Le maire de Québec et président du comité itinérance de l’UMQ, Bruno Marchand, fait un constat sans appel. «On ne fera jamais suffisamment tant qu’on n’en fera pas un projet collectif, a-t-il lancé devant un parterre de quelques centaines de délégués. Il faut se donner un projet de société pour lequel on ne s’arrêtera pas tant qu’on ne sera pas rendu. Une fois qu’on aura une vraie volonté politique d’en faire une priorité, qu’on choisira comme société qu’on ne tolère plus de voir des gens souffrir, on va se rapprocher de la solution.»
M. Marchand cite en exemple la Finlande, d’où il est revenu il y a tout juste quelques jours. Il s’agit, dit-il, du seul pays européen qui voit l’itinérance diminuer sur son territoire. Le pays comptait 18 000 itinérants il y a 35 ans. Ils n’étaient plus que 4000 l’an passé et le pays vise la fin de l’itinérance sur son territoire en 2024. Le virage, a expliqué le maire, s’est amorcé en 1986, après un hiver très rude au cours duquel de nombreux itinérants sont décédés. Depuis, des refuges pour itinérants ont carrément été transformé en logement pour ces derniers.
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«Les politiciens ont décidé que c’était terminé, qu’ils n’allaient plus fermer les yeux et qu’ils en faisaient un projet de société, a mentionné M. Marchand. La première chose qu’ils ont faite c’est de comptabiliser parce que pas de données, pas de problème. Des données, ça cause des problèmes aux élus, mais ça les force à agir. […] Ce qui manque ici ce sont des gens au gouvernement du Québec qui vont dire que c’est terminé, qui vont s’engager à travailler avec les municipalités pour y arriver.»
Protéger les plus vulnérables
Dans la métropole, l’itinérance est loin d’être un phénomène nouveau, mais les années pandémiques ont exacerbé le problème comme partout ailleurs au Québec. La mairesse Valérie Plante précise que Montréal comptait plus de 3000 itinérants en 2018. Le portrait n’est plus le même aujourd’hui, admet-elle. «Il faut sortir de la logique saisonnière du gouvernement qui retire des lits des refuges l’été et les remet dans l’urgence l’hiver, a-t-elle insisté. Il faut pousser le gouvernement à investir à longueur d’année. À Montréal, on a mis sur pied une escouade de travailleurs sociaux municipaux. C’est un choix qu’on a fait. Les Montréalais paient pour ça. Est-ce que c’est normal que les Montréalais doivent assumer une facture qui est de la responsabilité du gouvernement du Québec? On a dû se positionner comme collectivité.»
La mairesse Plante ajoute que les villes peuvent aussi agir en utilisant les règlements d’urbanisme, notamment pour protéger les maisons de chambres et empêcher les rénovictions. «Il faut le faire, a-t-elle insisté. Les maisons de chambres sont souvent le dernier rempart des gens qui sont sur le point de basculer dans l’itinérance. Il faut protéger ces endroits parce que ce sont toujours les plus vulnérables qui en paient le prix. Avoir un toit au-dessus de sa tête n’est pas un luxe, c’est la base, c’est fondamental.»
Les villes n’ont d’autre choix que d’intervenir dans la lutte contre l’itinérance, même si la responsabilité première appartient au gouvernement du Québec, a répété le maire Marchand. Elles sont cependant à «bout de souffle», dit-il. «Les enjeux de cohabitation, c’est au conseil municipal qu’ils font surface, dit-il. Et quand on est rendu là, ça provoque de l’intolérance et ça nous éloigne des solutions. Il faut travailler avec les citoyens et les commerçants. […] Les villes font avec ce qu’elles peuvent, avec des ressources et des compétences qu’elles n’ont pas. Elles sont inventives et importent des bonnes pratiques. […] Mais les villes sont à bout de souffle à tenter de tout tenir ensemble alors que le principal acteur n’est pas là. Nous, on joue notre rôle, on est là, mais beaucoup de villes sont à bout de souffle.»
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Le défi du logement
Interpellé sur la question de l’itinérance et des besoins en logements sociaux lors de son passage à Thurso, jeudi matin, le premier ministre du Québec, François Legault, a rappelé que son gouvernement a réservé 1 milliard de dollars dans le dernier budget pour la construction de logements sociaux et abordables. «Il y a des gens qui disent que ça va en prendre plus que ça, sauf que le défi actuellement ça va être de le dépenser ce milliard-là, a-t-il lancé. Il faut trouver les gens de la construction pour construire. Il faut passer à travers une bureaucratie et ce que la ministre de l’Habitation essaie de faire actuellement c’est d’être créative, donc de travailler avec des organisations comme Desjardins, comme le Fonds de solidarité, pour construire plus rapidement des logements, donc on va en construire jusqu’à ce qu’il y en ait pour tout le monde.»