
Trêve olympique pour les deux Corées
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Le moment était bref, mais l’image forte. Le président sud-coréen Moon Jae-in serrant la main de Kim Yo-jong, sœur du chef d’État nord-coréen Kim Jong-un. La présence de cette dernière à PyeongChang marque la première visite d’un membre de la dynastie Kim en Corée du Sud depuis la trêve ayant mis fin à la guerre de Corée, en 1953.
Tout un contraste avec les derniers Jeux olympiques tenus en Corée du Sud, en 1988. À l’époque, le refus du CIO de tenir les JO conjointement en Corée du Nord avait suscité l’ire du régime nord-coréen, culminant non seulement par un boycottage, mais par l’explosion d’un avion commercial sud-coréen en plein vol, 10 mois avant la compétition. L’attaque à la bombe commandée par la Corée du Nord avait coûté la vie aux 115 passagers et membres d’équipage du vol 858 de Korean Air, apeurant les spectateurs internationaux potentiels à l’aube des Jeux de Séoul.
«On n’est plus du tout dans la même perspective qu’en 1988 ni dans la même économie. C’était avant la chute de l’URSS, qui a complètement changé l’équilibre politique. Aujourd’hui, la Corée du Nord n’a plus la guerre en tête. L’arme nucléaire n’a pas été développée pour attaquer, mais pour éviter de se faire attaquer. Ce que veut Kim Jong-un, c’est une discussion d’égal à égal», explique Juliette Morillot, coauteure de multiples ouvrages sur la Corée du Nord.
«Une véritable trêve olympique»
Vendredi, Kim Yo-jong, la représentante du pouvoir nord-coréen, est débarquée à PyeongChang accompagnée de Kim Yong-nam, président nonagénaire de l’Assemblée législative nord-coréenne ayant servi sous Kim Jong-un, son père Kim Jong-il et son grand-père Kim Il-sung. «C’est un véritable homme d’État. Il n’a jamais fait de déclaration violente ou eu de rhétorique enflammée envers les États-Unis, contrairement à d’autres dignitaires nord-coréens. Sa présence et celle de Kim Yo-jong sont significatives», assure la coréanologue d’origine française.
Leur présence à PyeongChang assure à tout le moins «une véritable trêve olympique» après une année de tension entre les États-Unis et la Corée du Nord.
Pour un mouvement olympique éclaboussé par divers scandales ces dernières années, il s’agit d’une occasion quasi inespérée de vanter l’aspect humaniste et pacifiste des JO. «Vous allez tous nous inspirer, pour vivre en paix et en harmonie, malgré nos différences. C’est ainsi que vous montrez le pouvoir unique du sport d’unir les gens», a lancé le président du CIO, Thomas Bach, lors de la cérémonie d’ouverture.

Pour le président sud-coréen Moon Jae-in, qui a fait campagne sur des rapprochements avec la Corée du Nord, le printemps dernier, il s’agit d’un début de dialogue. Si une réunification coréenne semble encore bien lointaine, de meilleures relations entre les deux Corées pourraient mener à certains gains à court terme. Notamment la reprise des évènements de réunion des familles coréennes séparées de part et d’autre de la frontière, sans contact, depuis près de 70 ans.
Kim Jong-un, l’habile diplomate
Nul ne gagne plus de la présence nord-coréenne à PyeongChang que Kim Jong-un, pointe toutefois Juliette Morillot. «Il est malin. Il se débrouille très bien diplomatiquement. Il utilise à merveille la vitrine que lui offrent les JO.»
D’un point de vue de politique intérieure, le leader nord-coréen gagne en popularité auprès de son propre peuple. «Les menaces de Donald Trump, ces derniers mois, aidaient déjà Kim Jong-un. Il devient en quelque sorte le protecteur du peuple contre la menace américaine. Maintenant, en acceptant de parler avec Séoul, il apparaît comme un pacificateur», explique l’experte qui a récemment séjourné en Corée du Nord et dont le nouveau livre, Le monde selon Kim Jong-un, paraîtra au Québec en mars.
En ce qui a trait à la politique extérieure, la présence des athlètes et meneuses de claques nord-coréennes à PyeongChang, en plus de la «très belle» Kim Yo-jong, vient adoucir l’image rude et froide de la Corée du Nord dans l’esprit du reste du monde.
Sans compter qu’en discutant directement avec la Corée du Sud, un allié des États-Unis, Kim Jong-un isole son rival Donald Trump, de plus en plus seul dans un camp en faveur d’une ligne dure envers la Corée du Nord. «Cela marginalise Donald Trump. On voit bien que les tensions des derniers mois ne sont pas réellement entre Pyongyang et Séoul, mais plutôt entre Pyongyang et Washington.» Avec AFP