
Mort de Joyce Echaquan: une préposée congédiée, la famille entame des poursuites
La famille dit vouloir obtenir «une réparation juste et appropriée» en raison des circonstances entourant le décès de Mme Echaquan «combiné au traitement raciste et dégradant qu’elle a injustement et tristement subi».
L’objectif est également de s’assurer que de «tels gestes discriminatoires et répétés, d’une violence inconcevable à l’égard des autochtones, cessent enfin», peut-on lire dans un communiqué de presse.
L’annonce sera officialisée lors d’une conférence de presse vendredi à 15 h au Centre d’amitié autochtone de Lanaudière. Le chef de la communauté de Manawan, Paul-Émile Ottawa accompagnera la famille et Me Jean-François Bertrand.
Le détail «des procédures judiciaires qui seront prises» sera présenté. «Un an après le dépôt du Rapport de la Commission Viens, la triste histoire de Mme Echaquan démontre une fois de plus que rien n’a changé, les autochtones sont victimes de préjugés et de discrimination injustifiés. Les temps doivent changer» a précisé Me Bertrand dans ce même communiqué.
Congédiement de la préposée
Pour ce qui est du congédiement de la préposée, c’est la direction du CISSS de Lanaudière, responsable de l’hôpital de Joliette où la femme autochtone de la Nation Atikamekw est décédée lundi, qui l’a confirmé jeudi. Cette femme est entrée lundi dans la chambre de Mme Echaquan, avec l’infirmière qui a déjà été renvoyée. Dans une vidéo filmée et diffusée en direct sur Facebook par la femme originaire de la communauté de Manawan, on la voit appeler à l’aide, convaincue qu’elle avait été droguée par le personnel et craignant les conséquences sur sa santé, puisqu’elle était cardiaque. On entend par ailleurs les deux femmes qui ont été congédiées tenir des propos dénigrants et dégradants envers leur patiente, qui semble très souffrante et qui halète.
La vidéo, qui a largement circulé dans les médias sociaux, a déclenché une onde de choc et d’indignation. De nombreuses voix se sont levées pour dénoncer le racisme existant envers les Autochtones. Le premier ministre François Legault avait dénoncé ces propos, mardi soir, tout en révélant qu’une infirmière de l’hôpital de Joliette avait été congédiée. Une vigile à la mémoire de Mme Echaquan a par ailleurs eu lieu mardi soir, devant l’hôpital de Joliette.
Selon des proches de Mme Echaquan, ce ne serait pas la première fois que des Atikamekw sont mal traités à l’hôpital de Joliette. Lors d’audiences publiques de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, plusieurs d’entre eux auraient témoigné avoir été victimes des préjugés de certains membres du personnel.
Le CISSS a aussi fait savoir qu’une rencontre sera organisée prochainement afin de mettre en place des actions concrètes en partenariat avec la communauté atikamekw, après s’être entretenu avec Paul-Émile Ottawa, chef du Conseil des Atikamekw de Manawan.
«Ça ne nous ramènera pas Joyce»
L’annonce de ce second congédiement ne rassure cependant nullement Réginald Echaquan, un cousin de Joyce Echaquan, pas plus qu’elle ne le réjouit.
«Deux personnes ont perdu leur emploi. En ce moment, beaucoup de personnes perdent leur emploi à cause de la COVID, alors deux de plus... Ça ne nous ramènera pas Joyce et ça ne corrigera sûrement pas ce qu’elle a subi tant qu’il n’y aura pas de changement profond», souligne-t-il.
Ce changement, il doit selon lui s’effectuer dans toute la société québécoise, pas seulement dans le réseau de la santé.
«Il y a toujours de la propagande sur les Autochtones. Ils sont toujours décrits comme des gens non instruits, sans éducation, qui profitent de la société, etc. Tant qu’il n’y aura pas d’éducation, tant qu’il n’y aura pas de propagande positive à notre égard, il va toujours y avoir de la haine envers notre personne. Il faut dire la vérité sur les autochtones au Canada», soutient M. Echaquan.
Celui-ci donne comme exemple les propos voulant que les Autochtones soient avantagés par le fait qu’ils ne paient pas d’impôt.
«Les gens disent qu’on ne paie pas de taxes, mais tout ce qu’on achète dans la communauté coûte deux fois plus cher. On est rémunérés moins cher que les non-autochtones, puisqu’on nous dit que de toute façon, on ne paie pas d’impôt. Nous n’avons aucune espèce d’avantage social et pourtant, c’est la première chose qu’on nous dit quand on nous insulte», affirme-t-il.
Enquêtes en cours
Le CISSS de Lanaudière avait déjà annoncé mardi avoir lancé une enquête interne pour faire la lumière sur ce qui s’est passé ce soir-là dans la chambre de la mère de sept enfants. Une investigation menée par le coroner est aussi en cours, notamment pour déterminer la cause du décès de Mme Echaquan.
Rappelons que cette dernière s’était rendue à l’hôpital de Joliette pour des douleurs à l’estomac, le 26 septembre.
-Avec La Presse canadienne