QUÉBEC | Le Dossier santé numérique mettra fin aux aberrations

Les scans effectués dans le cadre de projets de recherche ne sont pas classés dans les dossiers médicaux des patients.

L’implantation du Dossier santé numérique (DSN) des Québécois mettra de l’ordre dans le chaos informatique du réseau. Il pourrait permettre de diminuer de façon marquée le nombre d’examens, de traitements et de consultations jugés inutiles qui embourbent actuellement le système de santé.


Le Dr Jean-François Éthier se souvient comme si c’était hier de toutes ces heures perdues à chercher les images d’un scan dans les méandres du système informatique du système de santé.

C’était un vendredi après-midi et le Dr Éthier était de garde à la salle d’urgence d’un hôpital quand un patient s’y est présenté en affirmant être en train de faire une embolie.



«Il avait subi un scan dans le cadre d’un projet de recherche où on avait vu l’embolie et on lui a dit d’aller à l’urgence tout de suite», explique celui qui est aussi codirecteur du Groupe de recherche interdisciplinaire en informatique de la santé.

Chaque minute comptait pour sauver son patient. La situation était sérieuse: l’embolie est une condition grave, urgente, qui peut être mortelle.

Le médecin est parti à la recherche des images de l’examen que son patient venait de subir, à quelques pas de là, dans le même immeuble.

«Comme le scan avait été fait dans le cadre d’un projet de recherche, l’examen a été classé dans un silo, pas dans le dossier du patient», rapporte le Dr Éthier.



Le Dr Jean-François Éthier est notamment le codirecteur du Groupe de recherche interdisciplinaire en informatique de la santé. (Archives La Tribune)

À contrecoeur après de longues recherches, le patient a été renvoyé au scan, qui a révélé la même chose que le premier. Le Dr Éthier parle longuement des coûts et conséquences pour le système de santé et des effets secondaires inutiles pour son patient.

«Ça peut arriver n’importe où au Québec. C’est le genre de situation qui m’empêche de dormir la nuit», dit celui qui exerce la médecine interne sur les étages et à la salle d’urgence du CIUSSS de l’Estrie.

Une vision tronquée du patient

Les histoires d’aberrations de ce système information où cohabitent des centaines de logiciels différents sont légions.

Prenons donc un autre exemple, celui d’un patient victime d’un grave accident de la route. Le médecin qui le reçoit aujourd’hui à l’urgence ouvre son dossier afin de connaître sa condition de santé, les médicaments qu’il prend, ses directives anticipées… Plus souvent qu’autrement, l’urgentologue ne verra pourtant qu’une poignée de données.

À l'arrivée d'un patient à la salle d'urgence, souvent un urgentologue n'a accès qu'à une poignée de ses données de santé.

Le dossier médical du patient chez son médecin de famille? Inaccessible. Les notes des examens effectués dans une autre région du Québec, chez d’autres médecins spécialistes travaillant en cabinet? Rien, pas une trace.

«Pour avoir accès aux informations, il faut faire une demande explicite avec la signature du patient. C’est lourd et rarement fait. Et encore faut-il que les médecins puissent être au courant de l’existence de ces informations et, si c’est le cas, pouvoir les obtenir et les intégrer efficacement dans le système utilisé localement», explique le Dr Éthier.



Pour le médecin, c’est alors l’incertitude. «Quand on n’a pas accès à toute l’information sur un patient qui est devant nous, si on a vision tronquée du patient, on ne prend pas de chance et on demande des tests.»

Le patient au centre de ses données

Le Dr Jean-François Éthier est catégorique: «On a besoin de voir le patient dans son entièreté, pas par organisation comme c’est le cas actuellement.»

Il y a aussi une foule de données qui pourraient permettre aux médecins à mieux traiter leurs patients: celles des études cliniques, de la santé publique, des services sociaux, de montres connectées, de cliniques de physiothérapie, de psychologie...

«Dans certains cas, plusieurs de ces données pourraient nous permettre d’avoir une bien meilleure vue d’ensemble du patient. Il faut mettre le patient au centre de ses données », insiste-t-il.