Cela s’explique. Pour Josée, cet endroit a quelque chose de différent, de beau et de vrai, tout simplement.
«J’aime dire que je ne suis pas au travail, mais au foyer. C’est mon deuxième chez-moi.»
D’ailleurs, le lendemain, jour du grand jour, son père est venu l’y rejoindre. Ils sont repartis ensemble pour l’église, bras dessus, bras dessous, suivis de près par ceux et celles avec qui Josée partage son quotidien depuis 2007. Bienvenue à l’Arche Mauricie.
C’est dans cet ancien presbytère de la rue Saint-Paul, à Trois-Rivières, que je l’ai rencontrée avec ses collègues qui portent le nom d’«assistants» et qui veillent au bien-être des «personnes accueillies».
C’est comme cela qu’on appelle les résidents de cette chaleureuse demeure où, comme une famille, on fait des activités, des sorties et les repas ensemble. Souvent on rit, parfois on pleure, mais toujours, on s’excuse, on se pardonne, on s’entraide et on s’aime.
Ce sont nos voisins, des gens plutôt discrets qui vivent avec une déficience intellectuelle et un coeur grand comme le monde.
L’Arche Mauricie n’est pas une communauté unique à la région. Elle fait partie d’un vaste réseau international ayant également pignon sur rue à Québec, dans l’Outaouais, en Montérégie, du côté de Chaudière-Appalaches, dans Lanaudière, à Montréal et en Abitibi-Témiscamingue.
En 2016, j’étais venue y faire la connaissance de Marie-Paule Ladouceur, un spécimen rare, si je peux me permettre. La femme de 60 ans vivait au foyer depuis 25 ans, parmi les personnes accueillies. C’est toujours le cas aujourd’hui. Vocation un jour, vocation toujours.
«Après plus de 30 ans, même à 66 ans, j’apprends encore beaucoup auprès d’eux, comme à dépasser mes limites...», a-t-elle confié autour de la table où jeunes et moins jeunes écoutaient attentivement leur compagne.
On m’a invitée dans le cadre de la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle qui avait lieu au cours des derniers jours. Pour l’occasion, Nancy Lamothe, responsable de communauté, était entourée d’une douzaine d’assistants issus de toutes les origines, des gens qui se consacrent aux personnes accueillies pendant une ou plusieurs années.
Contrairement à Paule, ils ne logent pas sur place à temps plein. Pendant longtemps, c’était le mode de vie des assistants. Depuis janvier 2022, sauf exception, ils ne cohabitent pas avec les personnes ayant une déficience intellectuelle.
Leur coeur est cependant en permanence avec Gisèle, Diego et compagnie, des hommes et des femmes de tout âge qui s’épanouissent aussi en leur présence.
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«Les assistants sont des missionnaires des temps modernes», me les a présentés Nancy Lamothe à tour de rôle. Pour l’occasion, elle a servi du café et des viennoiseries, le combo parfait pour engager la conversation avec deux questions fondamentales que la responsable a lancées en guise d’introduction.
«Pourquoi avez-vous choisi l’Arche? Pourquoi êtes-vous toujours là?»
Les cheveux teints en vert et une étincelle dans les yeux, Leïla Sévigny, 20 ans, n’arrive pas d’un autre continent. Il n’y a pas si longtemps encore, la jeune femme de Trois-Rivières ne connaissait pas l’existence de l’Arche Mauricie, encore moins ceux et celles qui y résident.
«Je savais que je voulais travailler avec des gens qui ont une déficience, mais je ne savais pas où exactement. Je n’ai pas d’études là-dedans. L’école, ce n’est pas ce qui fonctionne le plus pour moi. L’Arche, c’est comme un trésor qui me permet de faire ce que j’ai envie de faire!»
En prime, Leïla y développe des liens «super forts» avec les personnes accueillies et les autres assistants, comme Amine Fani, originaire du Maroc. Âgé de 28 ans, il a étudié et travaillé en biotechnologie avant de tout quitter pour tenter l’expérience du volontariat à l’étranger.
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Amine a d’abord franchi les portes de l’Arche, à Grenoble, avant de poursuivre sa route jusqu’à Trois-Rivières, en septembre 2021. Ça lui plaît beaucoup.
«Les journées ne se ressemblent pas. C’est très différent de mon travail en laboratoire», raconte celui qui a rapidement développé un sentiment d’appartenance au sein de l’Arche Mauricie où la liberté des personnes côtoyées est respectée et les différences, valorisées.
Amine n’est pas le seul à être passé d’un univers à un autre pour vivre une telle aventure. À Trois-Rivières depuis un an, Francisco Bernal, un Colombien de 32 ans, travaillait dans le monde de la finance lorsqu’il a décidé de poser ses valises dans une Arche de la France avant de bifurquer vers le Canada.
«J’y ai trouvé l’opportunité de grandir en tant que personne. Avant, j’étais dans un bureau et devant un ordinateur toute la journée. Maintenant, je développe des relations plus spirituelles. À l’Arche, les assistants aident les personnes accueillies qui nous aident aussi. Elles m’apprennent à aimer, simplement.»
Originaire de la République démocratique du Congo, Charlotte Kikangala abonde dans le même sens. À Trois-Rivières depuis près de trois ans, elle retrouve ici un lieu de compassion où , dit-elle, «on accepte l’autre sans condition»...
La jeune femme de 27 ans a connu la mission de l’Arche durant sa formation religieuse, par l’entremise de membres de sa congrégation qui lui ont fait part de leur expérience auprès de personnes ayant une déficience intellectuelle, et ce, avec beaucoup d’enthousiasme.
Charlotte est arrivée en Mauricie en pleine pandémie, il y a près de trois ans. Malgré les contraintes liées à cette période, elle a retrouvé à l’Arche une joie de vivre qui la nourrit.
«On se complète mutuellement dans l’équipe», dit-elle en parlant de sa nouvelle famille.
Je pourrais continuer comme ça pendant longtemps, à vous raconter ce qui a motivé Lisa Cossette (Trois-Rivières), Anicet Olinga (Cameroun), Chantal Fleurent (Trois-Rivières), Amandine Levy (France), Kathleen Belleville (Shawinigan) ou Mélissa Gutacker (Allemagne) à venir cogner à la porte de ce lieu de travail qui n’en est pas vraiment un.
À quelques mots près, ces missionnaires dans l’âme ont affirmé leur volonté de s’engager dans une société plus humaine, où chacun a besoin de l’autre pour devenir une meilleure personne.
J’aurais cru entendre cette chère Josée qui a opiné de la tête chaque fois que ses collègues assistants ont dit à quel point les personnes accueillies ont changé leur vie.
Pas surprenant que tout ce beau monde était présent à son mariage.
L’Arche Mauricie, ce sont des frères et des sœurs de coeur qu’on invite aux noces pour également célébrer la force du lien qui les unit.