Le roi Charles III aurait dû se rendre en France de dimanche à mercredi.
«Nous ne serions pas sérieux (...) à proposer à Sa Majesté le roi et à la reine consort de venir faire une visite d’État au milieu des manifestations», a expliqué vendredi le président français Emmanuel Macron depuis Bruxelles.
«Nous avons proposé qu’au début de l’été, en fonction de nos agendas respectifs, nous puissions ensemble caler une nouvelle visite d’État» du monarque britannique, a-t-il expliqué.
«Leurs Majestés se réjouissent de l’opportunité de se rendre en France dès que des dates pourront être trouvées», a précisé Buckingham Palace.
Alors que la journée de mobilisation de jeudi contre la réforme, qui prévoit notamment le recul de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, a été émaillée de nombreux heurts, M. Macron a affirmé, toujours à Bruxelles, que l’exécutif «ne cèderait rien à la violence».
«Face aux violences, que je distingue des manifestations, nous continuerons à avoir la plus grande fermeté», a-t-il souligné.
«Usage excessif de la force»
«Pour le reste, nous continuons d’avancer, le pays le mérite», a-t-il dit. La France «ne peut pas être à l’arrêt. Nous avons des tas de défis».
La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, s’est alarmée vendredi d’un «usage excessif de la force» envers les manifestants, appelant la France à respecter le droit de manifester.
«Les actes de violence sporadiques de certains manifestants ou d’autres actes répréhensibles commis par d’autres personnes au cours d’une manifestation ne sauraient justifier l’usage excessif de la force par les agents de l’État. Ces actes ne suffisent pas non plus à priver les manifestants pacifiques de la jouissance du droit à la liberté de réunion», a-t-elle estimé.
Face à «la répression du mouvement social», le groupe de la gauche radicale LFI à l’Assemblée nationale a invité de son côté un représentant des Nations Unies à se rendre en France, et promis de rendre «un rapport» au comité des droits de l’Homme.
Porte de la mairie de Bordeaux (sud-ouest) incendiée, «scènes de chaos» dénoncées par la maire de Rennes (ouest), canons à eau à Lille (nord) et Toulouse (sud-ouest), manifestante avec un pouce arraché à Rouen (nord-ouest), commissariat pris pour cible à Lorient (ouest): les violences sont montées d’un cran presque partout jeudi, lors de la 9e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
À Paris, des heurts ont éclaté en tête de la manifestation avec leur lot de vitrines brisées et de mobilier urbain détruit, et des incidents se sont poursuivis en soirée dans le sillage de cortèges sauvages. À rebours d’un défilé où la grande majorité des manifestants a marché pacifiquement.
Le recours au 49.3, article de la Constitution française dégainé par le gouvernement pour faire passer en force à l’Assemblée sa réforme des retraites, et l’intervention mercredi du président Emmanuel Macron ont attisé les ardeurs des opposants.
Crainte d’un drame
Vendredi, M. Macron s’est montré de nouveau inflexible, soulignant que la réforme devait poursuivre son parcours jusqu’à une décision du Conseil constitutionnel.
Il s’est dit en revanche «à disposition» de l’intersyndicale pour avancer sur les conditions de travail ou de rémunération des salariés.
Le secrétaire général du syndicat modéré CFDT Laurent Berger avait proposé plus tôt que le gouvernement mette «sur pause» la réforme et ouvre une négociation plus globale avec les syndicats.
«Tout le monde est inquiet ce matin parce qu’il y a eu des violences qui sont inacceptables (...), il faut calmer le jeu maintenant, avant qu’il y ait un drame», avait plaidé le dirigeant syndical.
Jeudi, plus de 450 personnes ont été interpellées et «441 policiers et gendarmes» blessés, a indiqué le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en dénonçant la violence de «casseurs souvent venus de l’extrême gauche».
Forte de la mobilisation, l’intersyndicale a annoncé une nouvelle journée de mobilisation mardi, soulignant la «détermination du monde du travail et de la jeunesse à obtenir le retrait de la réforme».
«Situation explosive»
La direction générale de l’Aviation civile a d’ores et déjà demandé aux compagnies aériennes d’annuler 20% de leurs vols à Paris-Orly, Marseille, Toulouse et Bordeaux mardi et mercredi.
Pour les syndicats, les manifestations, grèves et débrayages «sont une réponse» à l’»entêtement incompréhensible» du président et «la responsabilité de la situation explosive» incombe au gouvernement.
«Il faut que tout le monde appelle au calme», a commenté la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, qui appartient à la majorité présidentielle.
Dans le monde, la situation en France suscitait de nombreux commentaires.
«Retraites: la France brûle», s’alarmait vendredi le quotidien italien Il Messaggero, tandis que le journal espagnol El Pais titrait: «La rage prend le dessus dans la rue en France».
Ironie de la situation, l’Iran, dont le gouvernement use d’une répression terrible, a appelé la France à éviter la violence et à «écouter» les manifestants.