Au sortir d’une présentation de près d’une heure à l’hôtel de ville de Copenhague, jeudi, en compagnie de ses homologues Stéphane Boyer et Julie Bourdon, maire de Laval et mairesse de Granby, Bruno Marchand avait les yeux grands. Et la tête remplie d’idées.
Sitôt met-on le pied dans la capitale danoise, à la toute première journée d’une mission de 10 jours, que le constat frappe toute la délégation québécoise: le vélo domine en roi.
Les couloirs réservés aux cyclistes en bordure de rues, observent un achalandage si important que des files se créent aux feux qui leur sont réservés. Chaque coin de rue, les stationnements à vélo installés partout sont bondés de montures métalliques, même en plein mois de mars.
Copenhague «brisée»
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Ville nordique, mais avant tout cyclable, Copenhague n’a pas toujours eu le même visage.
Dans les années 1950, les habitants priorisaient déjà le vélo comme mode de transport. Dans cette ville, alors industrielle et peu fortunée, les voitures étaient moins populaires.
Jusqu’à il y a quarante ans, Copenhague était figée. «La ville de Copenhague était presque brisée», a résumé mercredi le vice-président du conseil municipal et responsable du comité culture et loisirs, Klaus Myging.
C’était avant sa transformation.
Loin de ce qu’elle représentait jadis, une ville «sale où les gens ne voulaient pas vivre», avec un haut taux de chômage, Copenhague est graduellement devenue l’une des précurseurs, avec Amsterdam, de la mobilité active. La capitale danoise a depuis été nommée parmi les villes où il fait bon vivre plusieurs fois.
Acculés au pied du mur, l’administration municipale et le gouvernement danois ont choisi d’agir plutôt que de subir ses «enjeux». «Nous avions l’ambition de faire de Copenhague un endroit où les gens voudraient vivre de nouveau», se souvient celui qui est élu au conseil de ville de Copenhague depuis 2009.
...Puis «transformée»
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Infrastructures, recherche, éducation, bâtiments culturels et nouvelles places communes: des investissements «majeurs» ont été réalisés dans les années 1980-1990. Avec une «attention spéciale» à rendre les rues et les espaces urbains «attractifs».
«Depuis, Copenhague a traversé une incroyable transformation dans laquelle durabilité et habitabilité ont été les clés».
Le transport a notamment constitué un secteur prioritaire de cette transformation. Le métro a notamment ouvert ses premières lignes en 2002 et le réseau devrait être complété à l’horizon de 2035.
Les 400 autobus auront aussi bientôt tous troqué le diesel pour l’énergie verte. «Cela veut dire que nous avons 85% moins de pollution de l’air depuis 2008», se félicite-t-il.
Sans compter que tout près de la moitié des Copenhaguois empruntent le réseau de 380 kilomètres de voies cyclables pour se rendre quotidiennement au travail ou à l’école. Les ponts qui traversent le port sont notamment réservés uniquement aux cyclistes et aux piétons.
Copenhague planche par ailleurs sur des solutions comme la suppression de stationnements, des rues moins larges et plus de parcs, pour limiter la place de la voiture en son centre.
Modèle pour Québec?
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À des milliers de kilomètres, Québec aussi, projette d’accroître la part du vélo en ville, alors que plus de 90% des trajets de 5 kilomètres et moins ne se font ni en transport actif ni en transport collectif. Lui-même un cycliste, son maire, Bruno Marchand, a des ambitions de faire grandir le réseau cyclable quatre saisons.
Copenhague, elle, vise que tous les gens qui demeurent dans un rayon de 15 kilomètres du centre-ville ne s’y rendent pas en voiture. Un objectif «réaliste», selon M Marchand.
Selon lui, Québec a «encore bien plus de potentiel que ça», mais il lui faudra d’abord «améliorer les infrastructures».
Mais Québec ne deviendra pas Copenhague. Son modèle est peu importable, «pour des raisons de densité, de proximité et d’étendue de la ville», constate le maire Marchand.
N’empêche, «ils ont fait des choses que d’autres villes qui étaient dans les mêmes considérations il y a 40 ans n’ont pas faites. Il y a quelque chose d’inspirant», dit-il.
L’administration Marchand ambitionne toujours de voir naître en 2024 son premier corridor Vélo cité reliant Charlesbourg au centre-ville à l’année. Mais le souhait y est de «marquer le pas dès 2023», avec d’autres annonces en avril, glisse le maire, sans en dire plus.
Promettant, au passage, des retombées positives pour les artères commerciales, il entend aussi miser sur des projets pilotes, comme cet été dans le Vieux-Québec, où la place de la voiture sera limitée.
«Chaque fois qu’on est capable d’apaiser la circulation, que les gens peuvent y venir de différentes façons, en auto, en vélo ou à pied, les commerçants font plus d’argent, rapporte-t-il. Il y a un gain pour tout le monde».
À Copenhague l’opposition a pu être forte lorsque venait le temps de voir les habitudes être modifiées, témoignent les élus.
«Il faut assumer qu’on ne sera peut-être pas réélu», croit l’élu Klaus Myging.
La prochaine étape est ambitieuse. Faire de Copenhague une ville carboneutre dans les 10 prochaines années, visionne l’élu. Et devenir, peut-être, la première capitale à l’accomplir.