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Les Québécois pourront repousser le RRQ jusqu’à 72 ans

À partir du 1er janvier prochain, les cotisations au RRQ seront facultatives, et en aucune circonstance ne seront exigées à partir de 72 ans.

CHRONIQUE / Avant qu’on s’enferme en huis clos, la rumeur d’un budget sans surprises dominait les informations matinales. Pourtant, on a eu droit à une nouvelle inattendue : les plus hauts salariés ne pourront plus cotiser aux fonds fiscalisés, habituellement par l’intermédiaire du REER, soit le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction de la CSN.


J’y reviens à la fin, réglons d’abord les changements qui seront apportés au RRQ, et ce dès l’année prochaine. Avant d’aborder les modifications qui s’en viennent, les gens seront surtout heureux de connaître l’élément qui ne bougera pas : l’âge minimal d’admissibilité à la rente. Les travailleurs québécois pourront toujours demander leur prestation du RRQ dès 60 ans.

Cotisations facultatives

Actuellement, toutes les personnes de plus de 18 ans sur le marché du travail doivent cotiser au RRQ sur leurs revenus excédant 3500 $. Cette obligation n’épargne personne, y compris les travailleurs âgés de plus de 65 ans qui touchent déjà leur rente.



Ces contributions améliorent leurs prestations du RRQ de 0,66 %, mais elles rebutent toujours de nombreux cotisants concernés, tellement qu’elles décourageaient ces personnes à demeurer sur le marché du travail.

À partir du 1er janvier prochain, ces cotisations seront facultatives, et en aucune circonstance ne seront exigées à partir de 72 ans. Détail important : elles ne le seront que pour les travailleurs bénéficiaires du RRQ.

Les travailleurs de 65 ans qui n’ont pas encore demandé leur prestation continueront d’y participer obligatoirement. Le RRQ vient ainsi s’arrimer sur le Régime de pension du Canada (RPC), l’équivalent de notre RRQ ailleurs au pays. C’est une bonne nouvelle.

Selon l’expert Daniel Laverdière, le fait que cette option ne soit offerte qu’aux bénéficiaires de la rente comporte néanmoins un danger. Cela pourrait inciter des travailleurs de 65 ans à demander leurs prestations du RRQ dans le seul but de cesser de cotiser.



«La modification permettant de cesser de cotiser au RRQ à compter de 65 ans si on est bénéficiaire de la rente de retraite pourrait amener un travailleur à demander sa rente du RRQ dès 65 ans de façon à augmenter ses liquidités de revenu de travail de 606 $ additionnels net.

«Pourtant, juste avant ce choix, le travailleur arrivait bien à se passer de sa rente [maximum de 15 679 $, brut] à 65 ans», soulève le planificateur et actuaire retraité invité par Les coops nationales de l’information.

Le montant de 606 $ est tiré de l’exemple présenté dans les documents budgétaires, les montants peuvent varier d’une personne à l’autre. Il représente le gain net pour un travailleur avec un salaire de 15 000 $ par année et des revenus de retraite de 38 429 $.

Exclusion des années de faibles salaires

Ceux qui ont décidé de repousser la prise de leur rente seront heureux d’apprendre que les années de faibles revenus d’emploi, à compter de 65 ans, ne seront plus considérées dans le calcul de la prestation du RRQ. Cela inclut les années à revenus nuls.

On doit rappeler que le montant de cette dernière est déterminé par les salaires gagnés au cours de la carrière, de 18 ans jusqu’à la prise de la rente. De ce calcul, 15 % des périodes de plus faibles revenus étaient exclus de la moyenne.

Les personnes qui décidaient de reporter leur RRQ au-delà de 65 ans ne bénéficiaient pas pleinement de la bonification de leur rente en raison d’années de faibles revenus qui s’ajoutaient au calcul. Elles se retrouvaient donc partiellement pénalisées.



La nouvelle méthode de calcul sera appliquée le 1er janvier 2024. S’il est un conseil à donner ici, le voici : si vous avez retardé la prise de la rente, retenez-vous de la demander avant l’année prochaine. Vous m’en remercieriez.

Report de la rente jusqu’à 72 ans

Actuellement, un retraité peut attendre jusqu’à 70 ans pour demander sa rente en échange d’une prestation bonifiée de 42 % (8,4 % pour chaque année de report). À compter de l’année prochaine, les Québécois pourront la repousser jusqu’à 72 ans, pour une rente améliorée de 58,8 %.

Le taux de bonification mensuelle reste donc le même que ce qu’il était, soit 0,7 % par mois de report. Dans sa réponse aux consultations publiques sur le RRQ menées plus tôt cette année, la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques (CFFP) de l’Université de Sherbrooke avait recommandé d’augmenter le taux de bonification avec l’âge. Elle proposait que la rente soit accrue de 66 % lorsqu’elle est demandée à 72 ans, ce qui aurait été plus équitable. Québec n’a pas retenu cette recommandation.

«Je me serais attendu à une revalorisation du facteur d’ajustement pour report de la rente à 72 ans. La CFFP suggérait une augmentation plus élevée que 58,8 %. Toutefois, l’élimination des salaires nuls ou faibles après 65 ans peut représenter un gain indirect de plus de 10 %. Ainsi, reporter la rente à 70 ans est encore meilleur qu’avant le budget, personnellement je vais assurément repousser à 72 ans, si ma santé ne se détériore pas», explique Daniel Laverdière.

Actuellement, une infime portion des participants repoussent leur rente au maximum. Ils seront moins nombreux encore à attendre à 72 ans.

Selon les calculs de l’actuaire, un retraité qui retarde à 70 ans avant de toucher son RRQ atteint le point d’équilibre à 84 ans, avec les nouvelles règles. Chaque année supplémentaire représente un gain. S’il patiente jusqu’à 72 ans, le point d’équilibre arrive à 88 ans. Le report de la rente constitue le meilleur moyen pour un retraité de se protéger contre les risques de longévité, soit de manquer d’argent à un âge avancé.

Fini les fonds de travailleurs pour les riches

Il en a déjà été question dans cette chronique, la popularité des fonds de travailleurs, avec leur crédit d’impôt de 30 % à la clé, fait en sorte qu’ils ferment leurs portes aux nouvelles cotisations de plus en plus tôt. Le Fonds de solidarité de la FTQ, par exemple, ne reçoit pas de cotisations forfaitaires depuis plus de deux ans.

Les deux fonds fiscalisés sont contraints dans les fonds qu’ils peuvent recevoir, pour deux raisons. Il y a un coût fiscal pour l’État à offrir un crédit d’impôt aux cotisants, un coût que le gouvernement veut plafonner. Il y a aussi une limite dans la capacité des fonds à redéployer l’argent récolté dans l’économie du Québec.



Afin de faire profiter du crédit d’impôt aux ménages qui en ont le plus besoin, Québec a décidé de restreindre l’accès aux fonds de travailleurs. À partir de 2024, les contribuables dont les revenus atteignent la dernière tranche d’imposition (112 655 $ en 2022) n’auront plus droit au crédit d’impôt de 15 % offert par Québec. Sans cet incitatif, les personnes concernées n’auront plus intérêt à cotiser à ces fonds. Cette mesure devrait libérer de la place pour 60 000 personnes.


Exemple de bloc HTML

La ligne noire représente le choix du meilleur moment pour demander la rente du RRQ pour une personne ayant déjà atteint 65 ans, ayant 7 années sans salaire suivies de 40 années de plein maximum des gains admissibles (MGA- 66 600 $ en 2023), mais cessant tout revenu dès 65 ans.

Ainsi, si le décès était avant 77 ans, le meilleur choix était la demande à 65 ans. Pour une durée de vie de 89 ans ou plus, le meilleur choix était de reporter à 70 ans. On présume ici une revalorisation de l’argent dans le temps à un taux de 2 %.

L’indexation des rentes selon l’IPC est prévue à 2 % avec une croissance du MGA de 3 %. Avec la nouvelle règle éliminant la réduction indirecte provoquée par les salaires nuls suivant 65 ans, le report de la rente est encore plus avantageux. Avec un choix de retarder à 72 ans maintenant (1er janvier 2024), une personne peut sortir gagnante de ce choix si elle vit au moins jusqu’à 88 ans. Pour reporter, il faut avoir une épargne REER par exemple pour combler le vide d’ici le début du RRQ