COVID-19 | Une facture de 12 milliards en deux ans pour Québec

Les ressources humaines représentent la dépense principale de la crise de la COVID-19.

EXCLUSIF - La crise de la COVID-19 a coûté près de 12 milliards aux établissements de santé du Québec, entre mars 2020 et mars 2022, révèlent des documents obtenus par le biais de la Loi sur l’accès à l’information. Près de 70% de cette somme a été utilisée pour payer les nombreux employés appelés au front.


À elles seules, les trois régions sociosanitaires les plus populeuses du Québec, soit Montréal, la Montérégie et la Capitale-Nationale, représentent la moitié des dépenses.

Une somme supplémentaire de 6,8 milliards doit être ajoutée aux 12 milliards dépensés dans les régions pour couvrir l’ensemble du portefeuille du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), incluant les organismes qui relèvent de la responsabilité du ministre.

La facture liée à la COVID-19 est un surplus aux budgets réguliers des CISSS et des CIUSSS et a été assumée en totalité par Québec. Une partie des dépenses a pu être compensée par des économies liées à du délestage. En contrepartie, plusieurs listes d’attente ont gonflé à des niveaux historiques en raison par exemple des chirurgies qui ont été annulées.

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«On savait que ce serait une crise exigeante pour le système de la santé et son personnel déjà au début de 2020. La pandémie était une situation de crise, ce qui amène à devoir débloquer des ressources d’urgence pour gérer la crise», analyse Maude Laberge, professeure en économie à la faculté de médecine de l’Université Laval.

Enjeux majeurs de ressources humaines

Sans surprise, les ressources humaines représentent la dépense principale de la crise de la COVID-19: environ 70% de cette somme a servi à payer les salaires, les «primes COVID» et l’ajout de ressources humaines dans le réseau, notamment en CHSLD.

Les autres dépenses sont attribuables à la vaccination (5%), aux mesures de protection et de contrôle des infections (13%), de même qu’à d’«autres mesures et achats» (9%).

L'ouverture de centres de dépistage fait partie des dépenses assumées par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour faire face à la crise.

Les besoins en ressources humaines ont été très importants dans de nombreux secteurs. D’abord, il a fallu gonfler les rangs des équipes de santé publique, de prévention et de contrôle des infections, mais également d’entretien ménager dans tous les points de service. Les établissements de santé ont aussi et contraints d’embaucher des agents de sécurité par dizaines pour faire respecter les mesures sanitaires.

Les patients hospitalisés en raison de la COVID-19, durant les premières vagues, étaient généralement très malades et exigeaient beaucoup de soins. Une fois rétablis de la COVID-19, des centaines de patients âgés ont dû rester à l’hôpital pendant des jours, puisque les transferts des patients rétablis vers les résidences privées pour aînés ou les CHSLD ont souvent été interdits.

L’ouverture de centres de confinement, de vaccination et de dépistage a aussi demandé beaucoup de personnel supplémentaire.

Les cliniques de vaccination ont nécessité de nombreuses embauches afin d'offrir la vaccination rapidement à un grand nombre de Québécois.

Main-d’œuvre indépendante et temps supplémentaire

L’emploi de main-d’œuvre indépendante a été nécessaire dans plusieurs régions. En plus des infirmières, de nombreux agents de sécurité, des préposés aux bénéficiaires et du personnel de bureau ont été embauchés par le biais d’agences.

Le temps supplémentaire a aussi eu un impact considérable sur la masse salariale.

«Quand on emploie de la main-d’œuvre indépendante ou du personnel en temps supplémentaire, tout à coup, on se retrouve avec un coût beaucoup plus élevé pour le même service», explique la professeure Maude Laberge, spécialiste de l’économie de la santé.

Maude Laberge est professeure en économie de la santé à la faculté de médecine de l’Université Laval.

Prenons quelques exemples aux deux extrémités du spectre. Le CISSS de Chaudière-Appalaches a dépensé un peu plus de 500 millions en lien avec la COVID-19, entre mars 2020 et mars 2022. Près de la moitié de cette somme (52%) a été utilisée pour payer les employés du CISSS, alors que 12% de ce demi-milliard a servi à payer la main-d’œuvre indépendante (voir graphique ci-dessous).

Le CISSS de l’Outaouais a présenté une facture de 378 millions, durant la même période de deux ans. Au total, 60% de cette somme a été utilisée pour payer les employés du CISSS, alors que la main-d’œuvre indépendante a représenté 5% du budget total lié à la pandémie.

Autre région, autre portrait. Le CIUSSS de l’Estrie-CHUS a dépensé 62 % de son budget de 554 millions en ressources humaines, mais seulement 1% en main-d’œuvre indépendante.

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Ce n’est pas fini

L’état d’urgence sanitaire a été levé par le gouvernement du Québec le 1er juin 2022.

«La phase aigüe de la pandémie est terminée, nous sommes dans une phase de retour à la normale», explique le Dr Vincent Masse, microbiologiste-infectiologue et chef de service d’infectiologie au CIUSSS de l’Estrie-CHUS.

Ça ne veut pas dire que le réseau de la santé et des services sociaux est au bout de ses peines. Les défis qui l’attendent sont nombreux.

« Le Québec devra faire face à une croissance démographique et donc à une croissance des besoins et au vieillissement de la population qui s’accentue», énumère la professeure Laberge.