C’est le cas des MRC de la Côte-de-Gaspé et du Rocher-Percé, des villes de Chandler et de Percé. D’autres villes, dont Gaspé, la MRC de Bonaventure et d’autres organismes publics ou à vocation sociale le feront dès que leur prochaine réunion sera tenue.
Neuf jours à peine après l’appel de la Coalition, la Fédération des clubs de l’âge d’or de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, la FADOQ-GIM, comptant 7444 membres, a adopté une résolution dans laquelle sa direction rappelle que la population de la région est privée des services de VIA Rail entre Matapédia et Gaspé depuis près de 10 ans, ce qui cause un préjudice à ses usagers sur les plans sanitaire, économique et social.
La FADOQ-GIM fait aussi valoir au gouvernement fédéral et à VIA Rail, un transporteur public sous juridiction canadienne, qu’un retour du train de passagers générera un bénéfice environnemental puisqu’il favorisera le transport en commun, par opposition à l’utilisation de l’auto individuelle.
«La société VIA Rail a comme mission fondamentale d’offrir à la population un service de transport ferroviaire et […] tout retard inutile constituerait un renoncement à l’accomplissement de ce devoir», souligne la résolution de la FADOQ-GIM.
Les municipalités, les MRC et la FADOQ-GIM rappellent l’importance, après la première étape que constituerait un retour du lien Matapédia-New Carlisle, que le gouvernement fédéral et VIA Rail «s’engagent à rétablir le service complet entre Matapédia et Gaspé aussitôt que les travaux de réhabilitation des infrastructures ferroviaires seront parachevés et permettront, par conséquent, la circulation sécuritaire des convois.»
Depuis 2019, la direction de VIA Rail stipule qu’un retour du train entre Matapédia et Gaspé ne sera assuré qu’au moment où la réfection du chemin de fer sera complétée jusqu’à Gaspé, ce qui prendra encore quelques années. Toutefois, l’ancien président de VIA Rail, Yves Desjardins-Siciliano, avait exprimé de l’ouverture pour que le transporteur fasse un retour en deux étapes, donc d’abord entre Matapédia et New Carlisle.
Une question de responsabilité et d’équité
Militant depuis 38 ans pour la protection et l’amélioration des services ferroviaires en Gaspésie, Cynthia Patterson croit que le moment est venu pour le gouvernement fédéral et VIA Rail d’agir de façon responsable à l’endroit des Gaspésiens et d’assurer le retour par étapes du train de passagers.
«VIA Rail l’a fait entre 2011 et 2013, alors que la fermeture d’un pont à Chandler avait forcé la société à couper son trajet à New Carlisle. Le principe peut s’appliquer en sens inverse, considérant que l’achalandage augmentera quand le reste du réseau rouvrira. La population régionale augmente de nouveau, comme on l’a encore vu cette année. Au moins 25% de nos émissions de gaz à effet de serre sont liées au transport. Les décisions politiques ne sont pas conséquentes avec les engagements pris en matière de réduction des GES», explique Mme Patterson.
«Il y a de multiples raisons, économiques, sociales, environnementales pour ramener le train de passagers. Il doit donc y avoir une volonté politique», dit-elle.
Jusqu’à maintenant, la volonté politique a surtout émané du gouvernement québécois, qui a annoncé 235 millions $ depuis mai 2017 pour remettre le réseau gaspésien en bon état, réseau qui lui appartient depuis mai 2015. Le gouvernement fédéral a annoncé 45,8 millions$ en août 2019 aux mêmes fins.
«Transports Québec a été lent à démarrer les réparations, mais depuis un an, le rythme s’est accéléré», précise Mme Patterson, une résidente du secteur Barachois de Percé.
«VIA Rail est très occupée avec d’autres projets, dont le remplacement du matériel roulant dans le corridor [Québec-Windsor]. Ils ont la capacité de faire plus au siège social. Il s’agit d’organiser le budget et d’accorder l’argent aux bons endroits», précise Cynthia Patterson.
«Il y a des régions à desservir dans ce pays. Nous pouvons rester en plan si nous ne bougeons pas. Alors nous revendiquons. Les Gaspésiens ont été totalement abandonnés en matière de transport pendant la pandémie. Le service d’autobus a été arrêté pendant un certain temps, comme le train et les services aériens. Nous avions jusqu’en 1990 un aller-retour quotidien du train de VIA Rail et [jusqu’en janvier 2015] deux allers-retours d’autobus. Le contexte actuel est bien pire et ça ne devrait pas être le cas. Nous devrions progresser», dit-elle.
VIA reçoit toujours de l’argent pour la Gaspésie
Cynthia Patterson rappelle que malgré la suspension du service de VIA Rail entre New Carlisle et Gaspé en décembre 2011, puis entre Matapédia et New Carlisle en septembre 2013, le transporteur a continué de toucher une subvention annuelle similaire.
«Ils n’ont pas mis cet argent dans un compte en fiducie! Nous payons aussi des taxes en Gaspésie. Nos taxes ont-elles été réduites? Non! Les dirigeants de VIA Rail ont le mandat de desservir les régions et ils l’ont abandonné dans notre cas. Ils ne peuvent garder l’argent et abandonner le mandat. Ils ne peuvent se servir de l’argent pour améliorer l’équipement ailleurs tout en négligeant notre service ou en l’abandonnant», tranche-t-elle.
Le budget de VIA Rail s’établissait entre 6 millions $ et 7 millions $ pour le train Montréal-Matapédia-Gaspé dans les années 2000. Les revenus de ventes de billets rapportaient entre 2 millions $ et 3 millions $ annuellement, ce qui en faisait le train régional avec l’un des plus hauts sinon le plus haut taux de recouvrement de ses frais. Près de 30 000 passagers par année prenaient ce train jusqu’en 2011.
La somme épargnée par VIA Rail en n’offrant aucun service entre Matapédia et Gaspé s’élève donc entre 40 millions $ à 50 millions $ depuis 10 ans.
Cet argent peut-il servir à couvrir les pertes de revenus qui découleront d’une reprise partielle du service jusqu’à New Carlisle à la fin de 2023, en attendant la réintégration des marchés comme ceux de Chandler, Percé et Gaspé? «C’est comme ça que je vois la situation. VIA Rail nous doit au moins ça», conclut Cynthia Patterson.
Transports Québec s’active à réparer la portion du réseau comprise entre Caplan et New Carlisle. Les 78 milles séparant Matapédia de Caplan sont fonctionnels. Il reste essentiellement des ponts et des ponceaux à réparer le long des 20 milles séparant Caplan de New Carlisle, le mille demeurant la mesure étalon en matière de chemin de fer. Les travaux de réfection sont accordés dans tous les cas, exceptés pour un pont de deux ponceaux.
Transports Québec ne s’est pas encore prononcé sur une date de réouverture du chemin de fer jusqu’à New Carlisle mais le ministère s’est engagé à terminer la réfection jusqu’à Port-Daniel en 2024. Port-Daniel est situé à l’est de New Carlisle.