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«Si on peut devenir et être tout ce qu’on veut, est-ce qu’on va avoir le droit de faire tout ce qu’on veut?», interroge le metteur en scène Maxime Perron.

Livres, théâtre, cinéma, jeux vidéo; les humains ont toujours aimé prendre congé de la réalité et de ses règles pour se projeter dans des fictions.

Des écrits de Sade à la série de jeux Grand Theft Auto (GTA), l’immoralité de certaines d’entre elles est à l’origine de nombreux débats de société.

L’arrivée de technologies immersives permettant à ces fictions d’exister dans des réalités virtuelles de plus en plus réalistes amène de nouvelles considérations éthiques et même légales auxquelles s’intéresse L’inframonde.

«Aujourd’hui, on est en plein dedans avec Facebook qui est devenu Meta qui a créé ses premiers univers virtuels comme Horizon Worlds. La technologie se développe, alors se pose la question de savoir comment on va agir demain dans ces univers-là», indique Maxime Perron.

«Un mois après le lancement de la plateforme Horizon Worlds de Facebook, il y a une utilisatrice qui s’est plainte que son avatar a subi des attouchements sexuels par un autre avatar», ajoute-t-il.

Dans L’inframonde comme dans la réalité, les gouvernements sont bien souvent dépassés par la vitesse à laquelle évoluent les technologies. À bien des égards, Internet et la réalité virtuelle sont de nouveaux continents que les citoyens colonisent avant les lois.

Dans ce thriller d’anticipation écrit par Jennifer Haley en 2013, la technologie est capable d’interpeler les sens des utilisateurs qui circulent dans le monde virtuel appelé l’inframonde. Ils peuvent goûter une fraise, sentir du caramel, caresser l’herbe fraîche; tout comme ils peuvent souffrir et jouir.

Le contenu violent et sexuel n’a évidemment pas disparu d’Internet.

Même qu’un homme nommé Roy, qui utilise le pseudonyme Papa, y a créé un domaine pour assouvir ses pulsions pédophiles.

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Il a créé un endroit où, selon lui, il n’y a pas de conséquences

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Le personnage affirme qu’il n’est jamais passé à l’acte dans le monde réel et que cet univers virtuel lui permet d’éviter que cela se produise.

Pour la détective qui désire fermer le serveur sur lequel se trouve le Refuge, il s’agit plutôt d’un endroit de légitimation de ces actes.

Aucun consensus n’existe sur l’efficacité de ce genre de pratiques qui, sans utiliser les mêmes technologies que dans cette fiction, sont envisagées par certains experts comme traitement thérapeutique pour des personnes souffrant de déviances comme la pédophilie.

Qu'est-ce que la réalité?

Dans son Refuge, Papa interagit avec des utilisateurs adultes et consentants qui revêtent des avatars d’enfants.

À ce moment, est-ce que ce jeu de rôle est si différent de celui auxquels peuvent s’adonner des adultes dans leur chambre à coucher avec des déguisements?

La frontière entre le réel et le virtuel est devenue très mince dans cette pièce traduite par Étienne Lepage. C’est en partie ce qui incite la détective à vouloir y appliquer les mêmes lois.

D’abord, parce que les utilisateurs peuvent réellement sentir la douleur autant que le plaisir, mais aussi parce que les humains passent de plus en plus de temps dans l’inframonde. Ils étudient, travaillent et socialisent dans des espaces virtuels devenus beaucoup plus attrayants que la planète ravagée qui porte le monde réel.

«Il y a beaucoup de gens qui disent qu’ils veulent faire le saut. Faire le saut, dans cet univers, c’est d’être branché en permanence dans l’inframonde et vivre là», explique Maxime Perron.

Le metteur en scène remarque qu’on peut déjà trouver dans notre monde des individus qui ont choisi un style de vie semblable et qui consacrent plus de temps et d’argent à leur vie virtuelle que physique.

Les contraintes physiques

Cet audacieux scénario invite également le public à réfléchir à propos de l’expression de notre identité une fois que celle-ci est libérée des contraintes physiques.

Au-delà des personnes qui rêvent de voler comme oiseau, il y a des gens qui ne s’identifient pas à leur corps. On peut penser à des personnes trans, des personnes avec un handicap ou une personne vieillissante.

La réalité virtuelle pourrait permettre à un homme de 80 ans en fauteuil roulant de vivre sa fantaisie de patineuse artistique.

«Ça ouvre un infini de possibilités que je trouve à la fois angoissant et vertigineux, mais merveilleux aussi», déclare Maxime Perron.

Une mineure sur scène

Cette production de L’homme qui a vu l’ours ne met pas en scène de nudité ni d’actes de pédophilie. Ceux-ci sont sous-entendus.

Tout de même, le metteur en scène a choisi de travailler avec une directrice d’intimité, notamment en raison de la présence d’une interprète mineure dans la troupe.

Âgée de 17 ans, Octavie Carrée joue le rôle d’Iris, un des avatars d’enfants du Refuge.

La directrice d’intimité Stéphanie Breton a participé à créer un environnement de travail sécuritaire autant physiquement que psychologiquement pour tous les interprètes et l’équipe de production.

Maxime Perron assure qu’il n’a pas succombé à une mode en engageant une directrice d’intimité. Il évoque plutôt son désir de vivre dans un monde où les gens font attention les uns aux autres.

«Un des personnages a une réplique où il dit «je ne suis pas déprimé, je suis triste». Ça me touche beaucoup. Et j’espère que le monde de demain ne sera pas triste», conclut Maxime Perron.

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