Pour que la vérité sorte.
Vendredi matin, Annie Moreau a plaidé coupable au chef d’accusation qui a été porté contre elle par le Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues, chef qui a été vaguement résumé en ces mots sur le site de l’Ordre: «Responsabilité /qualité des services».
Plus précisément, le Conseil de discipline lui reproche d’avoir enfreint huit articles de son Code de déontologie, pas les moindres, entre autres de ne pas avoir «[exercé] sa profession selon des principes scientifiques et professionnels généralement reconnus et de façon conforme aux règles de l’art en psychologie» et de ne pas «[s’être acquittée] de ses obligations professionnelles avec compétence, intégrité, objectivité et modération».
La psychologue à l’emploi du CSSS des Sommets ne s’est pas non plus «[assurée] que le consentement demeure libre et éclairé pendant la durée de la relation professionnelle».
Les audiences devaient s’étaler sur quelques jours, mais les parties se sont entendues avant. Vendredi devant le Conseil de discipline, les parties ont suggéré qu’elle soit radiée pendant quatre mois et qu’elle ne puisse plus avoir de patients de moins de 14 ans. L’audience a eu lieu à Montréal au siège social de l’Ordre, sans possibilité d’y assister à distance.
Au cours de cette audience, la psychologue, qui a vu Lili 39 fois en un an, a reconnu n’avoir jamais évalué le risque suicidaire de l’adolescente ni, conséquemment, d’avoir établi un plan de sécurité qui s’impose lorsqu’un tel risque est présent. Elle a aussi admis ne pas avoir transmis certaines informations qui auraient pu être utiles au psychiatre.
Au bout du fil, Fanie Charbonneau, la mère de Lili, estime que c’est un pas dans la bonne direction, un pas vers la reconnaissance de la responsabilité, surtout dans les cas de suicides, de ceux qui «ne font pas leur job. C’est un message qui est envoyé aux professionnels. Dans notre cas, c’était clair, le risque suicidaire n’a jamais été évalué même si Lili avait tenu des propos suicidaires, même si nous [ses parents] lui avions donné des informations qui montraient qu’elle avait des idées noires.»
Lorsqu’ils ont contacté la psychologue en octobre 2017 pour leur dire qu’ils avaient découvert une corde attachée au plafond de la chambre de Lili et qu’elle s’y était terrée avec un couteau, Mme Moreau n’a pas jugé bon de les rencontrer ni te tenir compte de cette information dans son évaluation de l’état psychologique de la jeune surdouée. L’adolescente lui avait demandé de la voir chaque semaine, la psychologue lui a répliqué que leur rencontre mensuelle suffisait.
Lili a mis fin à ses jours le 15 novembre 2017.
Mais le problème, surtout, c’est que le syndic de l’Ordre des psychologues, lui, n’y a vu aucun problème. «On a d’abord déposé une plainte au syndic, ils ont décidé qu’il n’y avait pas lieu d’aller plus loin. Ils nous ont dit dans leur décision qu’ils avaient conclu une entente confidentielle avec le professionnel qui était de nature à les rassurer. C’est dégueulasse!»
Merci, bonsoir.
Les parents ont donc dû déposer une plainte privée devant le Conseil de discipline de l’Ordre, qui a vu, lui, qu’il y avait matière à poursuivre la psychologue. «Si c’était juste du syndic, tout ce serait arrêté là, ils ont dit qu’il n’y avait pas de manquements. La preuve était pourtant claire, il n’y a eu aucune évaluation qui a été faite.»
Fanie est très amère, elle a senti que l’Ordre protège d’abord et avant tout ses membres, quitte à fermer les yeux sur de graves manquements.
Patrick Lagacé avait écrit le 15 novembre 2018 dans La Presse sur le drame de Lili, Fanie lui avait raconté combien elle a dû se battre pendant de longs mois pour avoir des services qui ne sont pas venus à temps. «Ce que Fanie sait, c’est que ce fut long avant d’avoir l’aide adéquate en pédopsychiatrie, c’est qu’on lui a servi la mise en garde classique du «Vous savez, Madame, il y a des listes d’attente»; ce que Fanie sait, c’est qu’elle a dû se battre pour en avoir, de l’aide, c’est qu’elle a même dû supplier son propre psychiatre pour avoir de l’aide pour sa fille…»
Puis, à la toute fin, cette aide n’est jamais venue. «Les services étaient en place, constatait Fanie. Mais au moment où les mailles du filet auraient dû se resserrer, au moment où je disais que j’étais vraiment inquiète... rien de plus n’a été mis en place. C’est ce qui me fâche le plus.»
Ça, et le fait qu’elle ne saura jamais si ça aurait pu faire une différence.
Entre la vie et la mort de Lili.