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Jonathan B. Roy était sur la route en vélo depuis un an lorsqu’il s’est fait offrir, par pur hasard, un emploi de juriste dans la capitale de la Malaisie, Kuala Lumpur. Il venait de pédaler la moitié du globe, un parcours 18 000 kilomètres en 14 mois; cette opportunité lui permettrait de reprendre son souffle.

Ce n’était toutefois pas la fin de ses aventures.

Alors qu’il écrivait le premier tome des Histoires à dormir dehors, il a replongé dans son périple. Chapitre après chapitre, il revivait son parcours avec un brin de nostalgie. «J’ai donc décidé de faire un petit voyage de vélo en Malaisie et, après quelques coups de pédales, je n’étais même pas encore sorti de la ville que j’étais déjà excité à l’idée de recommencer cette vie-là.»

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Il s’est alors lancé dans un nouveau périple à vélo, de 20 000 kilomètres cette fois. De la Malaisie jusqu’à Singapour, où il emprunte un cargo qui le transporte en Asie de l’Est pour finalement terminer son parcours dans la chaleur de l’Amérique du Sud.

Il documente cette expérience dans son nouvel opus, Histoires à dormir dehors 2. C’est un livre de vélo qui ne parle pratiquement pas de vélo. «Si j’avais voyagé en autobus, j’aurais peut-être parlé quelque peu de mes transports, mais ça n’aurait pas été le point focal du livre. J’aborde plutôt mes rencontres avec les gens», explique M. Roy. Son bouquin est d’ailleurs offert en librairie.

Plus facile de voyager en vélo

Jonathan B. Roy préfère voyager en vélo pour sa simplicité. Il est complètement indépendant, sa bécane porte sa maison. Il n’a jamais le besoin de trouver un hôtel ou de coordonner ses transports. Il n’est pas obligé de suivre un chemin en particulier, tant qu’il se dirige dans la bonne direction.

Le vélo est aussi un bon moyen pour traverser rapidement les frontières. «Entrer dans un pays par la terre est bien plus facile qu’à l’aéroport. En plus, personne ne ferait de la contrebande en vélo. On a fouillé mes sacoches que très peu de fois, et après être tombé sur mes vieilles bobettes sales, on m’a laissé passer. S’il y a une file à la frontière, les douaniers laissent même passer les vélos en premier parce qu’ils ont pitié», mentionne l’amateur de voyage.

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Voyager sur deux roues laisse également le temps à Jonathan B. Roy de visiter et de prendre le pouls de la population locale.

«Pour moi, le vélo est le meilleur moyen de transport pour aborder des gens, car il est assez lent pour que les personnes qui te voient passer viennent à ta rencontre. Partout dans le monde, les gens sont attirés vers le vélo, ils veulent connaître mon histoire et je veux découvrir la leur. C’est probablement la même chose à pied, sauf que c’est beaucoup plus long», affirme M. Roy.

«Le chapitre le plus fou à lire»

Notre aventurier a pédalé sur les routes éloignées du Paraguay pendant plus d’une semaine avant d’atteindre un village reculé. Fatigué et intrigué, il s’arrête à une épicerie où les produits sont en allemand et toutes les femmes ont les cheveux blonds tressés. Ça détonne du paysage habituel.

«Mais où suis-je?» s’est-il demandé.

Il venait d’arriver dans une communauté mennonite. «Ça me faisait penser à des amish qui n’avaient pas totalement ignoré la modernité», explique Jonathan B. Roy.

Les mennonites, fervents croyants de la religion chrétienne anabaptiste, ont quitté l’Europe au tournant du 20e siècle pour rejoindre les prairies canadiennes. Pendant plus de 20 ans, ils ont géré leurs écoles à leur manière afin de garder leur dialecte allemand. Cependant, un jour, les gouvernements du Manitoba et de la Saskatchewan leur imposèrent l’anglais à l’école, ce qui était inacceptable pour eux qui voulaient conserver leur langue coûte que coûte. Ils étaient alors à la recherche d’une nouvelle maison. C’est ici que le gouvernement du Paraguay entre en jeu. Celui-ci voulait développer ses terres du milieu qui étaient habitées par quelques tribus nomades. Le pays sud-américain leur a donc cédé des terres, mais la route pour s’y rendre ne fut pas une promenade de santé.

«Les terres sont tellement isolées que ça a pris deux ans aux mennonites pour se rendre à destination. Ils devaient remonter les rivières et défricher le chemin, raconte le grand voyageur. Beaucoup ont fait demi-tour ou sont décédés, mais ceux ayant réussi à atteindre les terres promises ont fondé une énorme coopérative laitière.»

La coopérative possède la ville et les habitants doivent faire partie de cet organisme. Les nouveaux habitants doivent racheter les années qu’ils ont manquées pour faire partie du clan. Tout passe par la coopérative, ce qui crée une communauté très homogène, explique-t-il.

Jonathan B. Roy a eu la chance de rencontrer un mennonite chez qui il a séjourné pendant une semaine. «Mes histoires sur le Paraguay portent bien sur la traversée du désert, mais aussi sur le contexte qui a mené ces gens ici. C’est ce genre d’histoire hors de l’ordinaire que je veux raconter.»

Les «joies» du camping sauvage

Tout au long de son périple, Jonathan B. Roy n’a jamais payé pour un espace de campement, il ne jure que par le camping sauvage lorsqu’il n’est pas hébergé. Cependant, ses nuits n’ont pas été de tout repos.

Lors de son séjour en Amérique du Sud, l’aventurier s’est retrouvé dans un minuscule village du Paraguay, au milieu de nulle part. Il a installé sa tente à l’arrière de la seule station-service qu’il a croisée depuis 300 kilomètres. Le seul hic : il y avait une seule lumière dans ce petit village, et c’était celle de la station-service.

«La nuit tombée, toutes les sauterelles des environs étaient attirées par la lumière, il y en avait tellement qu’elles formaient les pyramides d’Égypte. J’en avais dans mes cheveux, dans mes narines, partout sur moi», raconte-t-il.

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Il s’est donc éloigné de la station-service, sur une terre un peu plus reculée où des jeunes jouaient au soccer. Une fois sa tente piquée, ces mêmes jeunes lui ont pointé un terrier à environ un pied de son campement. Il s’agit de la maison d’un terrible serpent, une simple morsure suffirait pour signer son arrêt de mort. Les poumons arrêtent, les muscles se bloquent, le cou ne supporte plus la tête, c’est une mort en quelques minutes. Il s’est donc résigné à retourner dormir en compagnie des sauterelles.

Au Chili, Jonathan B. Roy a également eu la visite d’un animal peu amical. «Il rôdait et criait autour de ma tente. J’ai ouvert la porte pour voir à quel animal j’avais affaire et je suis tombé face à face avec un puma.» En Bolivie, un puma est même grimpé sur sa tente, mais celui-ci ne s’en est jamais rendu compte grâce à ses bouchons pour oreilles qu’il portait pour dormir.

Il y avait des serpents et des pumas, mais il y avait aussi des caïmans et des lions sud-américains qui habitaient dans les environs des routes. Afin de ne pas avoir à les affronter, le voyageur devait donc passer la nuit proche du chemin, dans le gravier.

«En raison de la température infernale, la roche avait tellement absorbé la chaleur de la journée, que j’avais l’impression de passer la nuit sur un four à raclette. Je dormais en étoile et je suais jusqu’à 4h du matin et, dès 6h, le soleil se pointait le bout du nez et le four était reparti sur broil», se remémore M. Roy.

Ses pays coups de cœur

Au fil de son périple, Jonathan B. Roy s’est créé une grille afin de classer les destinations qui l’ont charmé pour différentes raisons. Il y a des pays qui sont très beaux, d’autres qui possèdent une richesse culturelle et d’autres qui n’ont ni l’un ni l’autre, mais c’est ce qui fait leur charme.  

Le Chili, selon Jonathan B. Roy, est certainement le plus beau pays. «C’est un mélange entre l’Ouest canadien avec aucune trace de civilisation à des kilomètres à la ronde et la Norvège avec ses nombreux fjords. C’est notre planète, mais il y a 5000 ans.»

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Son pays préféré est le Japon pour sa culture. «La culture est bizarre, mais pas bizarre négatif, plus un bizarre que même la nourriture du dépanneur est excellente. Un bizarre du genre que Tokyo, l’une des villes les plus peuplées du monde, est tout le contraire du chaos.» Ce n’est peut-être pas le meilleur pays pour pédaler, admet-il, mais on y retrouve la plus belle piste cyclable du monde qui saute d’île en île : la Shimanami Kaido. La location de vélo est même offerte sur place.

La troisième catégorie regroupe des pays qui ont un petit charme bien à eux. Jonathan B. Roy y place deux pays, l’Uruguay et le Paraguay. Tous deux sont dans l’ombre du Brésil et de l’Argentine, ce qui fait que les habitants ne prennent pas les touristes pour acquis. «Les personnes se bataillaient pour me recevoir et ceux-ci prenaient soin de moi, surtout après avoir traversé des milliers de kilomètres dans le désert, car ils savaient à quel point c’est une épreuve difficile.»

Comme quoi l’accueil des gens peut tout changer.

Jonathan B. Roy sera de passage à Québec pour présenter Histoire à dormir dehors 2 au Salon Info-Vélo les 1er et 2 avril, ainsi qu’au Salon international du livre les 15 et 16 avril.

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