De la cybersécurité, à l’économie circulaire, en passant par l’agriculture jusqu’à la santé, plusieurs secteurs verront grandir de nouvelles spécialités dans leur domaine.
Certaines sont déjà le pain et le beurre d’une petite force de main-d’œuvre, et prendront de l’importance dans les prochaines années. D’autres pourraient voir le jour dans cinq ans et certains dans une ou deux décennies. Mais d’ici à ce qu’elles deviennent une réalité, rien n’empêche de s’y intéresser.
1. Éleveur d’insectes comestibles
Un grillon au chocolat? Des ténébrions au barbecue?
Au Canada, quelques entreprises ont essayé d’amener les insectes dans nos assiettes. Il est entre autres possible de retrouver des grillons ou des ténébrions sous forme de farine ou de barre protéinée sur les étagères de certaines épiceries.
Si ces mets n’ont pas encore fait leur place dans les garde-manger au Québec, il risque toutefois d’avoir un avenir prometteur. Et «déjà il y a de l’intérêt de petite entreprise de ce côté-là», note Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec.
Considérant les gaz à effet de serre produits par l’élevage de bétail, cette option pourrait devenir une plaque tournante dans le secteur de l’alimentation destinée aux humains et aux animaux.
Et le Québec est sur la bonne voie pour se réserver une place dans cette industrie.
En plus de la jeune Association des éleveurs et transformateurs d’insectes du Québec (AÉTIQ), fondée il y a un peu plus de cinq ans, l’Université Laval détient également une Chaire de leadership en enseignement en production et transformation primaire d’Insectes comestibles (CLEIC).
Et en avril dernier, le gouvernement du Québec, conjointement avec Investissement Québec, a notamment accordé 20,8 millions $ à l’entreprise Entosystem pour soutenir la construction d’une usine de production de farine d’insectes protéinée, destinée à la consommation animale, et de biofertilisants issus des larves de mouches soldats noires, à Drummondville.
2. Cultivateur de viande en laboratoire
«Tu fais pousser de la viande en laboratoire, soit d’une cellule souche, et tu l’as fait multiplier. Un steak in vitro», résume Rémi Quirion.
Différente de la viande à base de plantes, celle cultivée en laboratoire fait également partie de ces nouvelles alternatives alimentaires permettant de lutter contre les changements climatiques. Mais elle répond aussi à une demande grandissante de la population pour des options ne provenant pas de l’abattoir.
Du poulet, au bœuf, en passant par les œufs, jusqu’aux fruits de mer, des centaines d’entreprises mondiales travaillent à développer les technologies nécessaires pour cultiver de la viande in vitro. Entre 2020 et 2021, leur nombre a augmenté de 24 %, selon la Good Food Institute.
En novembre dernier, la Food and Drug Administration (FDA) a notamment approuvé le poulet cultivé en laboratoire, aux États-Unis. Un premier pas chez nos voisins du sud, qui pourrait faire des petits au Canada.
Le Québec détient notamment la biotech alimentaire, Meatleo, qui se spécialise dans la production de viande cultivée dans un bioréacteur à partir de cellules prélevées sur des bœufs.
Les astres s’alignent donc pour que cette industrie soit sur le point de prendre son envol, aussi rapidement que dans les «cinq ou six prochaines années», estime Rémi Quirion.
3. Scientifique en génération d’organe synthétique
La pénurie d’organes pour transplantation n’est pas près de disparaître.
Pour répondre à ce besoin vital, plusieurs scientifiques étudient des méthodes pour reproduire des organes en laboratoire, à partir de cellules souches. Le processus étant plus complexe, on peut le comprendre, que pour un steak in vitro, cette science est encore à l’étape embryonnaire.
Selon le scientifique Rémi Quirion, «on n’est pas encore rendu a implanté ça dans des humains, mais d’ici 10 ou 15 ans ça pourrait certainement arriver.»
François Gingras, vice-président, Investissement Québec-CRIQ, croit que nous devrons attendre encore plus longtemps, mais convient que la technologie revêt des allures prometteuses.
En particulier au Québec, où le Laboratoire d’organogénèse expérimentale (LOEX) de l’Université Laval fabrique de la peau — le plus grand organe du corps humain — à partir de cellules souches pour les grands brûlés depuis 1985.
Ce centre est un des premiers laboratoires au monde à reconstruire des organes, soit le derme et l’épiderme, par génie tissulaire.
4. Éboueur de déchets spatiaux
Les déchets spatiaux — satellites inactifs et morceaux de fusée — orbitent autour de la Terre depuis des décennies.
«Mais à un moment donné, ils vont sortir de leurs orbites et après, ils vont où? Soit ils restent dans l’espace, soit ils tombent sur la planète Terre», résume Ravy Por, mathématicienne spécialisée en intelligence artificielle.
Effectivement, certains spacejunk entrent en collision avec d’autres, les multipliant. D’autres tombent sur terre, posant des risques de sécurité. Selon la NASA, plus de 27 000 débris spatiaux sont suivis par des capteurs du Réseau mondial de surveillance spatiale du Département de la Défense américain (SSN).
«Mais beaucoup plus de débris — trop petits pour être suivis, mais suffisamment grands pour menacer les vols spatiaux habités et les missions robotiques — existent dans l’environnement spatial proche de la Terre», souligne un rapport de l’agence spatiale.
«Ça va bien quand on lance quelque chose, mais après on ne pense pas aux effets que ça fait. Et les gens lancent beaucoup de satellites maintenant», ajoute Ravy Por.
Seulement pour la compagnie d’Elon Musk, SpaceX, près de 4000 satellites Starlink ont été lancés depuis 2019.
Plusieurs entreprises et ingénieurs ont développé des outils et des méthodes pour nettoyer l’espace de débris spatiaux. Mais afin de poursuivre notre exploration spatiale, l’innovation devra se poursuivre avec une relève d’ingénieurs spatiaux avec de l’ambition.
5. Rudologue
La Terre accueille désormais 8 milliards d’humains. Multipliez chaque tête par un sac d’ordures, de la vidange, ça en fait.
La définition d’un rudologue n’existe ni dans la version numérique du Larousse ni dans celle du Robert. La rudologie, toutefois, hérite de cette courte définition : étude des déchets et de leur recyclage ou de leur valorisation.
Dans les faits, un rudologue a le mandat d’étudier le contenu des ordures ménagères et industrielles, afin de dresser des bilans concernant les modes de production, pour finalement proposer des solutions pour réduire leur augmentation.
Le Centre de recherche industrielle du Québec (CRIQ) détient notamment une grande équipe de rudologues qui accompagne les entreprises pour améliorer leur performance environnementale et industrielle.
Selon le vice-président d’Investissement Québec-CRIQ, cette expertise permet d’être «capable d’intégrer les concepts de circularité pour voir plus loin que le cycle classique linéaire [de production]».
«Et ça va être de plus en plus recherché dans nos économies et pour les bonnes raisons.»
6. Hacker éthique
La cybersécurité est l’enjeu de l’heure. Que ce soit sur nos ordinateurs personnels, pour les banques ou pour les entreprises manufacturières, la sécurité des données et des réseaux est cruciale.
Le hacker éthique, terme qui attire surtout l’attention, renvoie aux personnes ayant les compétences pour faire des audits de sécurité. Ce qui permet de répertorier les failles d’un système et ainsi prévenir toute intrusion.
«C’est en demande, confirme M. Gingras. Il faut aussi comprendre que tout l’aspect de la cybersécurité se complexifie et va venir à créer des profils de carrière multiple à l’intérieur du créneau.»
Les pirates informatiques existent et se multiplient. Dans la dernière année, plusieurs entreprises et organismes de Québec ont malheureusement croisé leur chemin. Néanmoins, si plusieurs choisissent d’être «du mauvais côté de la force, de plus en plus de hackers passent du bon côté», souligne Rémi Quirion.
«Mais ils deviennent dépassés très rapidement, car les jeunes hackers trouvent toujours des moyens d’aller plus loin, et ce n’est pas facile de rester en avant de la parade. Mais ça devient de plus en plus critique, parce que tout le monde est en risque de se faire hacker.»
Et avec la numérisation de nos entreprises, les portes d’entrée pour le piratage sont multiples chez les manufacturiers et les planchers de production, explique François Gingras.
7. Spécialiste en gouvernance d’algorithme et de base de données
Les algorithmes et les bases de données deviennent chaque jour plus présents dans notre vie quotidienne. Cela peut prendre la forme d’une prime d’assurance plus salée ou simplement d’une réponse erronée par un agent conversationnel.
«La gouvernance des données est importante, car on vit à travers le virtuel, fait état Ravy Por. Nous sommes des cybercitoyens également et on commence tranquillement à avoir les mêmes droits que dans la vie réelle.»
Et pour leur bon fonctionnement, il est crucial qu’ils ne soient pas biaisés. En d’autres mots, que les bases de données, ainsi que les «filtres» des algorithmes, soient neutres et partiales.
«Si on crée un algorithme, j’ai besoin de ma base de données. Mais si mes données sont biaisées, [ma sortie] le sera aussi. Ensuite, les données peuvent être «propres», mais si l’algorithme est biaisé, [la sortie] va l’être aussi», explique Ravy Por.
Et si la gouvernance des données est bien implantée avec la Loi 25 sur la protection des renseignements personnels, souligne-t-elle, «la prochaine étape, c’est celle de la gouvernance algorithmique.»
8. Architecte de données
De plus en plus de données sont générées pour différentes utilisations. «Que ça soit par téléphone, vocal, vidéo, 3D, énumère Ravy Por. Et ça fait juste s’accélérer avec le temps.»
Avant qu’un organisme puisse consulter ces données et les utiliser, elles doivent être consolidées dans un format exploitable et compréhensible, par un architecte de données.
Ce métier, très recherché par les entreprises, est encore méconnu, mentionne Ravy Por, puisqu’aucun parcours scolaire n’amène directement au chapeau.
«Il n’existe pas de programme pour devenir architecte de données. Tu peux soit commencer par devenir ingénieur logiciel ou informatique, ensuite, avec le temps et l’expérience, tu pourrais devenir architecte de données.»
9. Thérapeute en désintoxication numérique
Parmi les dépendances qui se développent de plus en plus, nous retrouvons celle à l’écran. Que ce soit à travers les petits plaisirs du quotidien, comme la lecture, ou le boulot, avec le télétravail, le numérique est partout.
Et les dégâts comportementaux liés à l’abus du numérique pourraient gonfler en importance dans les nouvelles générations.
Selon les données de l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire, menée en 2019, près de 18 % des jeunes ont souvent ou très souvent du mal à s’arrêter lorsqu’ils naviguent sur Internet. Et 10 % rapportent avoir essayé de passer moins de temps sur Internet, sans y parvenir.
Et prenant en compte que cette étude a été réalisée avant la pandémie, il peut être possible de croire que ces chiffres pourraient être revus à la hausse.
10. Spécialiste de l’informatique quantique
Parmi les secteurs qui pourraient vivre de grands changements, se trouve celui de l’informatique quantique, soupçonne Rémi Quirion. Un domaine qui n’est pas né de la dernière pluie.
«Les experts dans ce domaine-là nous disent que les ordinateurs que nous avons aujourd’hui, dans quelques années, on va rire de ça. Comme le Commodore 64», souligne-t-il.
L’informatique quantique permet d’obtenir une puissance de calcul et d’analyse nettement supérieure à ce que connaissent nos ordinateurs actuels, en plus de consommer beaucoup moins d’énergie.
Récemment, le gouvernement du Québec a notamment acheté les droits d’usage d’un superordinateur quantique d’IBM. Les chercheurs de la Plateforme d’innovation numérique et quantique du Québec (PINQ2), à Sherbrooke, pourront tester tout son potentiel pendant les cinq prochaines années.