Ces affirmations déjà condamnées par le Bureau de la concurrence et dénoncées par l’industrie québécoise du recyclage qui redoute maintenant les effets qu’elles auront sur le comportement des citoyens.
Le PDG de KDP Olivier Lemire s’exprimait dans le cadre d’une entrevue publiée mardi dernier dans La Press.
En déclarant que les capsules de plastique sont recyclables, le dirigeant répétait une déclaration environnementale jugée fausse pour laquelle l’entreprise a dû en 2022 payer une amende de 3 millions $, verser un don de 800 000$ à un organisme de bienfaisance environnemental et rembourser 85 000$ de frais d’enquête.
Or à ce jour, les dosettes ne sont toujours pas recyclées ni facilement détectables par l’équipement, confirment les porte-parole des centres de tri Ricova à Montréal et Tricentris à Lachute.
«Parce qu’elles sont petites, les dosettes en plastique Keurig sont très difficilement détectables par les machineries des centres de tri, explique Laurence Tôth, directrice des communications, affaires publiques et gouvernementales chez Ricova. Par conséquent, elles ne sont pas valorisées adéquatement. À l’heure actuelle, sur le territoire de la ville de Montréal, ces dosettes ne sont pas acceptées dans les centres de tri et doivent être jetées à la poubelle.»
Le centre de tri de Québec exploité par Société VIA refuse également les capsules de café Keurig. Il a été établi lors d’«analyses de faisabilité» que «ce n’était pas possible de procéder au traitement des capsules de café pour des raisons techniques et opérationnelles, et que cela pouvait compromettre les opérations régulières du centre», indique la porte-parole de la Ville de Québec, Mireille Plamondon.
«Le même mensonge»
Responsable des affaires publiques chez Tricentris et Coach du bac, Grégory Pratte trouve pour sa part inacceptable le comportement de KDP. «Keurig
persiste et signe en disant, oui, vous pouvez la mettre au bac et, oui, elle est recyclable. Pourtant, il y a eu un procès, ils ont été condamnés à une amende de 3 millions$, et ils continuent à répéter le même mensonge. Au fond, c’est ça qui est scandaleux.»
Keurig n’en est pas à ses premiers démêlés avec la justice. Aux États-Unis, dans le cadre d’une action collective lancée en 2018, l’entreprise a dû verser 10 millions$US (13,5 millions$CAN) pour avoir omis d’«informer le consommateur des chances extrêmement minces que le produit soit finalement recyclé».
La dosette de café de Keurig, désormais fabriquée en plastique numéro 5 (polypropylène) et munie d’un opercule d’aluminium, est théoriquement recyclable. Dans la réalité, la probabilité que cela se produise, au Québec ou ailleurs, est presque nulle. Chose certaine, sa présence sur le convoyeur d’un centre de tri vient surtout perturber la bonne marche des opérations.
«Cette dosette est mal conçue, confirme M. Pratte. Elle est trop petite pour les équipements, elle se perd dans le centre de tri et elle vient contaminer d’autres matières. Ensuite, il faudrait que les citoyens aient vidé le marc de café qu’elle contient avant de la mettre au bac, ce qu’ils ne font pas. Et introduire de la matière organique dans un centre de tri, on sait que ce n’est pas une bonne idée.»
En outre, la dosette n’est pas faite d’une seule matière, mais de deux, ce qui vient encore compliquer ses chances de récupération.
«La seule dosette vraiment recyclable et vraiment recyclée, c’est celle d’aluminium qui vient de chez Nespresso», clarifie le Coach du bac.
Ce dernier dit maintenant craindre l’effet qu’aura la récente déclaration du pdg de KDP sur le comportement des gens. «Ça va faire augmenter la contamination au bac parce que les gens vont y mettre la dosette Keurig en se disant «Je l’ai lu dans La Presse, donc c’est vrai.»
Appelée à s’expliquer, la compagnie Keurig Dr Pepper n’a pas voulu répéter au Soleil que sa capsule est réellement recyclée. Dans un courriel, jeudi dernier, Cynthia Shanks, première directrice principale, communication et développement durable de Keurig Dr Pepper Canada a déclaré que «les capsules K-Cup® de Keurig sont acceptées au recyclage dans la plupart des municipalités au Québec, en Colombie-Britannique et dans d’autres endroits au Canada. Nous continuons notre travail avec les municipalités et l’industrie du
recyclage pour accroître l’acceptation des capsules K-Cup au recyclage. À l’extérieur du Québec et de la Colombie-Britannique, les consommateurs devraient vérifier si les capsules K-Cup sont acceptées dans le programme de recyclage local».
Avant 2020, selon plusieurs estimations publiées sur Internet, 10 milliards de capsules Keurig finissaient à l’enfouissement chaque année aux États-Unis. Un chiffre qui serait en constante augmentation depuis.