Les symboles étaient forts, jeudi, à l’hôtel de ville de Québec. Quatre politiciens assis côte à côte, main dans la main pour la photo officielle, les deux ministres régionaux et les deux maires semblaient plus unis que jamais.
Les conflits qui ont jadis divisé les villes de Québec et de Lévis semblaient officiellement chose du passé.
En présence des maires Bruno Marchand et Gilles Lehouillier, les ministres régionaux de Chaudière-Appalaches, Bernard Drainville, et de la Capitale-Nationale, Jonatan Julien, ont jeté les bases d’une nouvelle «zone économique métropolitaine».
Pas plus tard que mardi, lors d’un premier discours devant la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, le ministre Jonatan Julien avait mis la barre haute pour cette annonce, qu’il vendait comme un symbole de la «collaboration» régionale du gouvernement Legault.
En droite ligne, le quatuor n’en avait que pour les mots «complémentarité» et «collaboration» pendant une conférence de presse convoquée pour l’occasion.
Une telle unité est unique au Québec, se targuent d’ailleurs les politiciens. Elle servira à propulser la région comme «un pôle économique majeur» dans la province.
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Déjà en campagne électorale, le gouvernement sortant de la Coalition avenir Québec partageait sa vision pour la Capitale-Nationale, qu’il voyait devenir la «deuxième métropole» du Québec.
Pour ce faire, il fallait d’abord réparer les pots cassés au fil des dernières années, quand Québec et Lévis se tournaient le dos.Voilà qu’on parle désormais d’une grande région Capitale-Nationale—Chaudière-Appalaches, dans laquelle le fleuve agira comme un «lien unificateur».
«Quand Québec est forte, personne n’y perd. Quand Lévis est forte, personne n’y perd. Le fleuve a parfois été une barrière, on veut qu’il soit un lien qui nous unit. On ne veut plus développer nos villes dos au fleuve», exprime le maire Bruno Marchand.
Tous quatre ont dû se défendre de présenter une structure plus politique que des engagements traduisant un réel impact économique, qui semble vouloir mettre la table à l’aube d’une potentielle récession. Alors que plane une certaine incertitude économique, ce nouveau forum permettra aux acteurs de se concerter.
«Les résultats, on va en être fiers quand il va y avoir un apport économique concret. Mais pour en arriver à ce résultat, c’est la première étape», ont-ils expliqué.
La recherche de remèdes aux enjeux de main-d’oeuvre, d’immigration et de recrutement d’entreprises sera au coeur des discussions. À des «défis communs», des «solutions communes», ont plaidé les quatre hommes. Il faudra, pour ce faire, que chacun aille «au-delà» de ses propres intérêts, insistent-ils, jurant que les deux régions ne se concurrenceront pas.
Cette bonne entente ne pave toutefois pas la voie à une fusion des deux régions, a-t-on nuancé. «On travaille en respect des responsabilités et des rôles de chacun et on pense qu’on n’a pas besoin de fusion pour arriver à ces objectifs», tranche le maire Marchand.
La fracture du troisième lien
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Reflet de cette collégialité qu’ils souhaitaient apparente, les politiciens se sont appelés par leur prénom tout au long de la conférence de presse, histoire de traduire de l’harmonie qui règne. «Bernard», «Gilles», «Bruno» et «Jonatan», le quatuor apparaissait au diapason.
Mais ils ne se leurrent pas. Ils ne s’entendront pas toujours sur tout, anticipent-ils.
Déjà, l’un des liens qui pourrait unir des deux rives, les divise: le troisième lien. Dans ce dossier, les «divergences» d’opinions persistent.
Le maire Bruno Marchand campe sur sa position: contrairement à son homologue lévisien, il ne se rangera pas derrière ou contre le mégaprojet tant et aussi longtemps qu’il n’aura pas eu en main des données qu’il réclame depuis son entrée en poste.
«On verra où on aboutira chacun par rapport à ce projet-là, mais ça ne nous empêchera pas, même si on n’était pas d’accord ultimement [...] de continuer de travailler ensemble.»
Pourtant, pour créer une «métropole prospère et durable», le troisième lien sera essentiel, estime le gouvernement du Québec.
«On n’est pas ici pour vous dire qu’à partir de maintenant on va s’entendre sur tout. On est ici pour dire qu’à partir de maintenant, on va chercher activement ce sur quoi on s’entend», exprime le ministre Drainville.
«Du manger mou», s’amusent les oppositions
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Les oppositions de l’hôtel de ville de Québec ont vite fait de ridiculiser l’annonce de création d’une zone économique métropolitaine avec Lévis. «Je trouve que c’est du manger mou», a promptement réagi le chef de Québec d’abord, Claude Villeneuve, incapable de trouver «du concret» dans la présentation des quatre élus.
«Je ne vois pas vraiment ce qu’on nous annonce de nouveau aujourd’hui, à part qu’on va essayer de se parler et de rester en contact», a-t-il cinglé. Le chef de l’opposition officielle s’est aussi inquiété de voir Québec sortir perdante d’un développement concerté régionalement.
«J’ai entendu M. Marchand dit « Peut-être qu’on va dire que telle usine, ce serait mieux qu’elle aille à Lévis ». J’essaie de m’imaginer Régis Labeaume dire une chose comme ça et je tombe des nues», a soulevé M. Villeneuve, réitérant sa critique que le maire est «spectateur» du développement économique de Québec.
La deuxième opposition s’interroge aussi sur les implications de la zone annoncée, et surtout, sur son implantation. «On se demande où on s’en va avec ça et les gains que Québec va faire», a lancé le conseiller Stevens Mélançon d’Équipe priorité Québec. L’élu a entre autres souligné la différence de 30% entre les taxes commerciales des deux villes. Avec Simon Carmichael
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LA ZONE ÉCONOMIQUE MÉTROPOLITAINE EN BREF
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La zone économique métropolitaine sera coordonnée par un bureau coordonnateur composé d’acteurs économiques existants.
Son budget, qui n’a pas été dévoilé, sera financière à 50% par le Secrétariat à la Capitale-Nationale et aux quarts par les villes de Québec et de Lévis.
Ses axes prioritaires, ses objectifs et ses pistes d’action seront présentés en juin, lors d’une journée économique à Lévis.
«On veut qu’en juin, il y ait un livrable. On ne veut pas accoucher d’une souris», s’engage le ministre Julien.
Si Québec ne tire pas son épingle du jeu, d’autres la tireront à sa place
— Bruno Marchand, maire de Québec
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LA ZONE ÉCONOMIQUE MÉTROPOLITAINE SELON...
«L’objectif qu’on a les quatre, c’est qu’on veut faire éclater les frontières qui existent, on veut assurer et créer une synergie qui va nous amener plus loin. L’idée derrière tout ça, c’est un partage des idées pour travailler ensemble dans une perspective régionale pour aller plus loin ensemble.»— Jonatan Julien, ministre responsable de la Capitale-Nationale
«L’engagement qu’on est venu prendre, c’est un engagement de travailler ensemble pour nos concitoyens des deux côtés du fleuve. Le fleuve, il nous sépare, mais il peut nous unir aussi. On a la conviction qu’ensemble, [...] on peut devenir une grande force régionale au bénéfice de nos concitoyens des deux côtés du fleuve.»— Bernard Drainville, ministre responsable de Chaudière-Appalaches
«Ces enjeux de la région dépassent comme solution l’intérêt et les capacités de Québec et de Lévis. On pense que les solutions résident dans la capacité de dépasser ce qui nous [est] propre pour penser à quelque chose de plus grand que soi.»— Bruno Marchand, maire de Québec
«Une région métropolitaine Québec-Lévis économiquement forte et politiquement soudée lancera certainement un message de solidarité à nos deux collectivités pour aller encore plus loin dans notre croissance économique.»— Gilles Lehouillier, maire de Lévis