Intersectionnelle. Le mot qui a mis le feu aux poudres féministes, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale du Québec.
Le mot a provoqué le refus de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur une motion de Québec solidaire (QS) en lien avec la Journée internationale des droits de la femme, célébrée chaque année le 8 mars.
La motion réclamait entre autres que l’Assemblée nationale «encourage [...] l’analyse différenciée selon les sexes dans une perspective intersectionnelle, afin de défendre les droits de toutes les femmes au Québec».
QS déposait sa motion d’avance en ces derniers jours de travaux parlementaires avant deux semaines de pause.
La CAQ a demandé de retirer le bout sur la «perspective intersectionnelle». QS a dit non. La CAQ n’a pas consenti à permettre un vote des députés sur la motion.
La ministre Biron, alors en mission en Asie en sa qualité de ministre des Relations internationales, a alors simplement fait savoir par son cabinet que «ce n’est pas notre vision du féminisme».
Dans un entretien de vive voix avec Le Soleil, cette semaine, la ministre a voulu mettre ses pendules à l’heure dans un débat qu’elle souhaite le plus possible éviter.
«Pourquoi aller s’enfarger dans différents courants à droite, à gauche, au centre, où tu veux? On doit ramer ensemble et en faire un débat positif, où tout le monde va vouloir agir», a déclaré Mme Biron, en entrevue téléphonique du Japon.
Panoplie de féminismes
«Il y a beaucoup de courants de pensée dans le mouvement féministe. Il y a l’intersectionnalité, il y a le féminisme universaliste. Ces temps-ci, c’est de ça dont on parle», explique-t-elle.
«Mais il y a le féminisme différentialiste, également le féminisme libéral, socialiste, radical, matérialiste. Il y a la théologie féministe. En tout cas, il y a du courant à boire et à manger. Google et tu vas en retrouver à ne plus te comprendre.»
La ministre veut avant tout «promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes» dans sa formule la plus large.
L’approche intersectionnelle stipule plutôt que les formes de discrimination que subit un même individu s’additionnent et que les membres les plus discriminés d’un groupe, comme les femmes racisées handicapées, doivent par conséquent être davantage défendus.
Le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) ont appuyé ladite motion. Avant que le PQ s’en dissocie en partie, près d’une semaine plus tard, affirmant ne pas adhérer à l’approche intersectionnelle.
«Est-ce qu’on va aller discuter ad nauseam de différents courants de pensée féministe? On doit agir. Le gouvernement doit être dans l’action et c’est l’action que je privilégie», insiste la ministre Biron.
«Je pense qu’on doit représenter toutes les femmes, quelles qu’elles soient. Pas plus une, pas moins une autre. Mon action est portée là-dessus. Je souhaite l’atteinte de l’égalité entre les hommes et les femmes, quelles que soient les femmes.»
Loi 21, loi féministe
D’aucuns l’accusent d’écarter l’intersectionnalité pour ne pas prêter flanc aux critiques contre la loi 21. Aussi connue comme la Loi sur la laïcité de l’État, adoptée en 2019 dans la première année du gouvernement Legault.
Cette loi empêche certaines personnes en position d’autorité de porter des signes religieux visibles dans l’exercice de leurs fonctions. Une enseignante de confession musulmane ne peut pas porter de hijab devant les élèves.
Mais cela n’a rien à voir, assure Mme Biron.
«On mêle les pommes et les oranges», croit la ministre. «Ça aide la condition féminine que l’État soit laïque. La loi 21 dans son ensemble, je l’appuie. Mais je ne mélange pas les deux.»
L’ex-journaliste politique de Radio-Canada est devenue l’automne dernier députée de la circonscription de Chutes-de-la-Chaudière, sur la Rive-Sud de Québec.
Elle insiste pour dire que son premier mandat à la Condition féminine s’axe sur la représentation des femmes dans toutes les sphères de la société et la lutte aux violences faites aux femmes.
Pour elle, épouser une approche du féminisme plutôt qu’une autre rend sa démarche moins inclusive.
Le débat doit se faire «simplement, de bonne humeur» et ne doit «pas s’enfarger dans les courants de pensée. Ils sont tous bons et intéressants. Mais leur point commun est le même, c’est l’égalité entre les hommes et les femmes», résume la ministre.