Le constat ne semble toutefois pas assez sérieux au Québec pour que la province se munisse d’une loi sur le droit à la déconnexion, comme en Ontario.
Depuis un peu plus d’un an, toutes les entreprises ontariennes qui comptent plus de 25 employés sont tenues d’adopter une politique de «déconnexion au travail».
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«Il n’y a plus de fin, c’est ça, l’enjeu»
— Marianne Plamondon, avocate en droit du travail et associée chez Langlois
Si cette loi se fait discrétionnaire selon les besoins de l’entreprise, elle permet néanmoins aux employés et aux cadres de ne plus répondre aux communications en dehors des heures de travail.
Au Québec, le ministre du Travail, Jean Boulet, a plutôt recommandé un chemin informel, c’est-à-dire laisser le choix aux entreprises de décider si elles veulent ou non emprunter le chemin de la déconnexion.
Les périodes de pause restent toutefois présentes au Québec. Du moins, pour une majorité de la main-d’œuvre québécoise.
Des dispositions de la Loi sur les normes du travail encadrent certains aspects du repos (lire le texte «Quelques dispositions de la Loi sur les normes du travail» plus bas). Néanmoins, ces grandes lignes ont été écrites «alors qu’il n’y avait pas cette multitude de technologies qui nous permettent d’être joignables de partout», fait état Marianne Plamondon, avocate en droit du travail et associée chez Langlois.
«Il n’y a plus de fin, c’est ça, l’enjeu, tranche-t-elle. Avant, il y avait quand même un dépassement des heures normales de travail, mais si on n’était pas au bureau, les gens ne nous appelaient pas. Mais, maintenant, le bureau est aussi à la maison.»
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Le double standard de l’hyperconnectivité
Une ligne se dresse quant à la déconnexion pour les employés syndiqués et les professionnels. Les premiers peuvent récolter des heures supplémentaires, tandis que les deuxièmes, payés annuellement, n’ont pas de limite sur le nombre d’heures requises par l’employeur.
«Pour ceux qui sont payés de façon annuelle, il n’y a pas d’incitatif pour l’employeur d’arrêter de [réquisitionner des heures] à l’employé, passé les heures normales d’ouverture. C’est un premier bémol», détermine l’avocate.
Et dans les faits, ajoute Mme Plamondon, «des professionnels qui font plus que 50 heures, il y en a quand même beaucoup».
«La Loi sur les normes a donc très peu d’utilité. Alors, on a tout intérêt à demander aux employeurs d’encadrer davantage la façon de faire les communications, que ce soit clair quand ça demande une réponse immédiate.»
Du ressort de l’entreprise
Mais avons-nous besoin d’utiliser l’avenue législative, comme certains pays d’Europe?
Plusieurs pays européens ont instauré une loi protégeant les périodes de pause de leurs travailleurs dans les dernières années. Plusieurs de ces lois sont notamment entrées en vigueur en 2021, accélérées par les nouvelles habitudes de travail causées par la pandémie. Mais peu d’entre elles imposent des sanctions en cas de non-respect de la loi.
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Selon Annie Boilard, présidente du Réseau d’Annie RH, l’important, «c’est d’avoir la discussion dans les équipes de travail. Car en général, c’est ça que les lois imposent», rappelle-t-elle.
Marianne Plamondon ajoute néanmoins qu’une prise de conscience devra être réalisée au Québec. «Il reste que si les gens se conscientisent, ça entraîne une réflexion sur leurs habitudes de communication. Plus on en parle, plus les gens vont avoir une utilisation saine des outils de communication pour assurer l’épanouissement et la santé mentale des gens.»
Et les entreprises ont tout intérêt à mettre de l’avant de bonnes pratiques en ce qui concerne l’utilisation des communications, confirment Mme Boilard et Mme Plamondon.
Car si une entreprise veut faire la sourde oreille, son taux de roulement risque d’augmenter.
Mme Boilard est convaincue que la communauté d’affaires «est capable d’avoir cette discussion sans passer par le législatif. Les gens sont capables de se responsabiliser».
«Ce que je vois, c’est que ce mouvement va perdurer en 2023 et même s’accentuer, parce que c’est une voie forcée. Ça va entrer dans les organisations, soit pour faciliter le recrutement ou la rétention des talents, ou à cause des enjeux de santé mentale ou d’absentéisme. Ça va rentrer, peu importe la porte.»
QUELQUES DISPOSITIONS DE LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL
— L’employeur doit permettre une pause repas de 30 minutes après 5 heures de travail consécutives. Les pauses café ne sont toutefois pas obligatoires.
— La plupart des employés ont également droit à au moins 24 heures consécutives de repos par semaine et à des vacances selon le nombre d’années de service. S’ajoutent également les congés de conciliation travail-famille ainsi que les journées fériées.
— La Loi encadre également le droit de refus. L’employé peut refuser de travailler quand il est en poste plus de deux heures au-delà de ses heures habituelles ou plus de 14 heures par période de 24 heures, ou encore plus de 50 heures par semaine.