Pas facile de résumer en deux heures une brique aussi sensoriellement chargée que Le plongeur. La plume vive de Stéphane Larue semblait à la fois faite pour être transposée à l’écran, mais se passait en même temps d’images, tant le texte, truffé de références, en est rempli en lui-même.
Le film souffre un peu de la comparaison. Mais pas tant. Francis Leclerc en a vu d’autres, lui qui a porté au cinéma les écrits de son célèbre père Félix (Pieds nus dans l’aube) ou l’univers florissant de Fred Pellerin (L’arracheuse de temps).
Avec le scénariste Éric K. Boulianne, il offre une adaptation rythmée, fidèle à l’esprit du roman de Stéphane Larue. Moins une couche de crasse et de honte, disons.
Le plongeur se décline comme un récit à la première personne livré par un jeune homme qui s’enfonce. Étudiant en graphisme passionné de musique métal, le narrateur part en vrille à cause de sa dépendance aux loteries vidéo.
Endetté de toutes parts, squattant chez un ami, Stéphane (Henri Picard) accepte un emploi de plongeur dans un restaurant chic montréalais. Pendant que tout est beau et lisse en salle, le laveur de vaisselle vit des quarts de travail qui ont de quoi donner des cauchemars.
L’humidité, le gras, les résidus de bouffe, les tâches qui s’accumulent de façon vertigineuse, les mains gercées, les collègues qui se crient par la tête, la pression qui s’accentue à chaque coup de feu... Tout est décrit avec une précision chirurgicale dans Le plongeur.
C’est un peu atténué dans le film, malgré une scène relatant un service absolument infernal piloté par un chef intoxiqué.
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Heureusement, il règne aussi dans l’équipe une camaraderie nourrie par le cuisinier Bébert (excellent Charles-Aubey Houde), flamboyant pour le meilleur et pour le pire; la consœur métalleuse Bonnie (Joan Hart) et même le truand busboy Greg (Maxime de Cotret), qui mène une double vie.
Et il n’est pas le seul. Sous ses airs de bon petit gars travaillant, notre antihéros Stéphane vit quelque chose de très laid. Il doit de l’argent à tout le monde. Il gaspille ses études et son don d’illustrateur. Il se montre complètement dépourvu devant une machine de vidéopoker.
Ça sera encore pire quand il cédera à la tentation du casino. Un chapitre frustrant et anxiogène dans le livre transposé de façon efficace à l’écran.
Henri Picard relève de convaincante manière le défi d’incarner ce personnage secret, qui ment constamment. Le genre de garçon charmant à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Mais qui a aussi un talent fou pour faire enrager ceux qui lui donnent des chances, aussitôt reçues, aussitôt trahies.
À une époque pas si lointaine (on parle du début des années 2000) où les réseaux sociaux ne monopolisaient pas les communications, on se régale de suivre le quotidien d’un gars de 19 ans accroché à son téléavertisseur, qui carbure aux chansons d’Iron Maiden.
L’impeccable trame sonore du Plongeur nous ramène à cette époque et à cet état d’esprit de magnifique manière.
Le plongeur est présenté au cinéma.
Au générique
Cote : 7,5/10
Titre : Le plongeur
Genre : Drame
Réalisation : Francis Leclerc
Distribution : Henri Picard, Charles-Aubey Houde, Maxime de Cotret
Durée : 2h08