«Ma chère Sophie, c’est à ton tour, de te laisser parler d’amour», ont chantonné les centaines de membres Syndicat des professeur.e.s de l’Université Laval (SPUL) en marchant sur le Grand Axe, au coeur du campus, lundi matin.
Un message directement adressé à la rectrice de l’Université, Sophie D’Amours, qu’on invite à «arrêter de se cacher derrière [son] droit de gérance». Le président du syndicat et professeur de droit, Louis-Philippe Lampron, souligne avoir directement interpellé la rectrice dans les dernières semaines, pour finalement recevoir une réponse du vice-recteur André Darveau.
«Je m’étonne du silence de la rectrice, tonne le syndicaliste. Le rectorat, c’est une posture élue, c’est l’incarnation de la collégialité universitaire, rappelle M. Lampron. Et c’est silence radio du côté de la rectrice», déplore-t-il.
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Sans surprise, la question salariale est au coeur des discussions: les professeurs réclament un rattrapage important à leur employeur.
Mais il y a plus, insiste le syndicat. «Ce sont vraiment deux visions de l’Université qui s’opposent», assure le SPUL. «Il y a manifestement une divergence d’opinions sur c’est quoi une Université et comment ça devrait être dirigé», tranche le président.
Les grévistes répètent que sur les quatre points où les négociations coincent, trois n’ont pas d’incidence budgétaire. Il est plutôt question d’organisation du travail, d’inclusion des professeurs dans les processus décisionnels et de liberté académique.
«L’Université business, c’est une chose, mais il y a des principes de base qui doivent être reconnus et respectés par la direction.»
— Louis-Philippe Lampron, président du Syndicat des professeur.e.s de l'Université Laval
Les 1300 professeurs grévistes réclament notamment que l’administration D’Amours s’engage à appliquer «une collégialité qui n’en est pas seulement une d’apparat.
«On veut une collégialité contraignante, réclame M. Lampron. Pas [des consultations] où après, on fait quand même ce qu’on voulait avant en se disant que c’est légitime parce qu’on a consulté, mais pour respecter les volontés de la communauté universitaire.»
La liberté académique, sujet qui fait couler beaucoup d’encre, fait également partie des points de discorde entre la direction de l’Université Laval et le syndicat. Ces derniers estiment que le processus de plainte actuel «permet à la direction de s’ériger en juge et partie».
«Quand des collègues disent des bêtises et qu’on n’est pas d’accord, ce n’est pas par la sanction qui vient du haut de l’université qu’on doit agir. C’est par le débat entre nous, entre experts, où on doit se challenger les uns les autres», explique le président du SPUL.
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Salaire et charge de travail
Côté salaire, les professeurs de l’Université Laval exigent de la direction un important rattrapage «sur un retard qui traîne depuis des années».
Les professeurs demande une hausse des salaires de 12%, soit la moitié de l’écart avec salaire moyen des professeurs d’universités comparables. Le SPUL veut aussi un 5% additionnel en réponse à l’inflation, en plus d’augmentations annuelles indexées à la hausse basée sur l’indice des prix à la consommation.
«On veut que les bottines suivent les babines. On ne cesse de nous comparer au [Regroupement des universités de recherche du Canada] pour nos performances en recherche [...] mais quand on se compare avec les salaires des professeurs de ces universités, on est tellement loins qu’on n’est pas sur le graphique.»
— Louis-Philippe Lampron, président du Syndicat des professeur.e.s de l'Université Laval
À quelques jours du début du débrayage, l’Université Laval a précisé estimer à 20% la hausse salariale exigée par les professeurs, les invitant à «respecter la capacité de payer» de l’établissement universitaire.
Mais l’argument budgétaire est rejetée du revers de la main par les grévistes. «C’est ce que les patrons vont toujours dire : ils n’ont jamais l’argent, ironise M. Lampron. Mais quand on regarde les choix budgétaires des dernières années, il y a de l’argent.»
Selon lui, depuis 2008, la masse salariale des dirigeants de l’Université Laval aurait «explosé» de 96%, alors que celle des professeurs n’aurait grossi de 37%.
Les professeurs en grève s’indignent aussi de ne pas voir plus d’embauches au sein des différents départements. Selon eux, depuis 1998, le nombre de professeurs à l’Université Laval aurait chuté de 11%, alors que le nombre d’étudiants, lui, a bondi de 26%.
Dans les universités québécoises «comparables», on aurait observé une hausse du nombre de professeurs de 21%, soutient le syndicat.
«Il faut que la direction arrête la rhétorique culpabilisante où on dit qu’il faut «apprendre à dire non». Il y a un problème d’organisation à régler»
— Louis-Philippe Lampron, président du Syndicat des professeur.e.s de l'Université Laval
Dans un statu quo, les professeurs estiment que le manque de ressources «affecte la capacité de donner le meilleur de soi-même» aux étudiants.
La grève déclenchée lundi, qui devrait perturber certains activités de l’Université Laval jusqu’au 3 mars, est le premier débrayage du SPUL depuis 2008.