{"accessibility":"METERED","authors":[{"description":{"fr":"Journaliste politique à l'Assemblée nationale pour le Soleil."},"email":"tlaberge@lescoops.ca","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F46ae9599-6e17-4e50-b22d-ad1cf013234b.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","name":"Thomas Laberge","source":"Le Soleil","twitter":"Thomas8Laberge"}],"channel":"Politique","chapters":[{"position":0,"text":"

«Les législateurs doivent se saisir de ce dossier», lance l’élu des Îles-de-la-Madeleine.

Les Coops de l'information révélaient lundi que le rapport et les recommandations du Comité national de transformation du système préhospitalier d’urgence, présidé par Michel C. Doré, n’ont pas été rendus publics.

Le rapport recommandait notamment de confier l’exploitation et la gestion du système préhospitalier d’urgence à une organisation nationale.

Joël Arseneau dénonce le tablettage du rapport. «Il n’a jamais été rendu public et l’une des recommandations phares n’a pas été retenue, alors que ça crie de toute part au Québec parce qu’on a un système défaillant», déplore-t-il.

Les consultations menées entre 2019 et 2021, au coût d’environ 1 million $, ont débouché sur des recommandations qui n’ont pas été rendues publiques par Québec, mais que nous avons pu consulter.

Fort de son expérience en soins d’urgence et en gestion des catastrophes, Michel C. Doré a été mandaté il y a quatre ans pour présider un comité chargé d’optimiser le système préhospitalier à partir des principaux rapports publiés sur le sujet (Ouellet en 2014 et Dicaire en 2000), qui avaient notamment mis en lumière des enjeux de gouvernance.

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Au terme de consultations élargies menées entre 2019 et 2021 au coût d’environ 1 million $, le Comité national de transformation du système préhospitalier d’urgence a produit des rapports et des recommandations qui n’ont pas été rendus publics par Québec — sauf dans le cadre de demandes d'accès à l'information — mais que nous avons pu consulter.

Parmi les propositions du comité Doré: confier à une organisation nationale l’exploitation et la gestion du système préhospitalier d’urgence.

Cette proposition, qui ne se retrouve pas dans la Politique gouvernementale sur le système préhospitalier d’urgence déposée par Québec l’été dernier, aurait été mal reçue par le ministère de la Santé et les entreprises ambulancières.

Dans un communiqué diffusé en avril 2021, Dessercom et Services préhospitaliers Laurentides-Lanaudière affirmaient qu’il était «complètement superflu» de créer une «nouvelle entité bureaucratique spécialisée» afin de gérer les opérations des services ambulanciers de tout le Québec.

Selon les deux organisations, le «mirage bureaucratique» mis de l’avant par le comité Doré serait coûteux et n’apporterait rien aux patients, d’autant plus qu’il «donne l’impression d’une première étape vers la nationalisation des services ambulanciers en région».

Des travaux dérangeants

Michel C. Doré est conscient que les travaux de son comité ont «beaucoup dérangé les pouvoirs en place», particulièrement «l’establishment commercial» qui ne veut pas perdre ses acquis.

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L’ambulancier paramédical et infirmier qui compte 40 ans d’expérience dans le milieu préhospitalier d'urgence juge «inconcevable» qu’avec un milliard d’argent public injecté chaque année dans ce système, incluant Urgences-santé, on ne soit «pas plus avancé que ça en termes d’organisation et de prestation de services».

«Quand on compare ça avec le budget de la Sûreté du Québec: la SQ est présente sur tout le territoire, elle a des équipes spécialisées, des équipes héliportées, des équipes sur bateau, des équipes sur motoneige. Et avec une somme comparable de fonds publics, on n’est pas capable de faire [dans le système préhospitalier d'urgence] la moitié de ce que fait la SQ parce que l’argent sort de partout», résume M. Doré en entrevue.

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L’argent profite d’abord et avant tout aux organisations ambulancières. Les gens vont dire qu’il ne faut pas se scandaliser qu’une entreprise fasse 20% ou 30% de profits. C’est vrai quand elle est dans un libre marché de libre concurrence, mais quand on est un prestataire de services publics, il y a une limite.

"},"type":"quote"},{"position":6,"text":{"fr":"

Pas de compétition

Le conseiller stratégique au Collège des administrateurs de sociétés et professeur associé à l’UQAM souligne que les entreprises ambulancières évoluent dans un contexte «non concurrentiel, sans risque d’affaires, où tout est financé et garanti par l’État». Qu’il y ait «30%, peut-être plus, de l’argent qui s’en va ailleurs, ça ne marche pas», dit-il.

Michel C. Doré déplore qu’il n’y ait «aucune compétition et aucune remise en question des relations contractuelles qui ont été établies sur une base historique et qui ne reflètent plus du tout la nature du service attendu».

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Le comité Doré a proposé de confier à une «organisation nationale» l’exploitation et la gestion du système préhospitalier d’urgence."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Nouvelliste"},"position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F153aa014-c1e6-4eba-90b0-5f40c5475dee.png&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":8,"text":{"fr":"

«C’est un monopole d’État actuellement le transport ambulancier. Personne ne peut faire de l’ambulance sans détenir un permis, et personne ne peut obtenir de nouveaux permis parce que les titulaires de permis se sont mis dans une relation contractuelle exclusive avec l’État. C’est malheureusement la situation telle qu’elle est aujourd’hui», résume M. Doré.

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C’est drôle, on a été capable d’accepter Uber même si ça avait un effet négatif sur la valeur des permis de taxi, mais il n’y a personne qui ose mettre en place quoi que ce soit qui pourrait affecter la valeur d’un permis d’ambulance.

"},"type":"quote"},{"position":10,"text":{"fr":"

M. Doré insiste: «Il y a des intérêts financiers importants de la part de titulaires de permis qui achètent tout ce qui bouge.» Il cite l’exemple de Paraxion «qui achète à rabais tous les petits permis d’ambulances à droite et à gauche, même sur des territoires non contigus».

«Dessercom fait la même chose, note-t-il. [..] On est plus dans une consolidation de marché historique que [dans l’idée de] prendre un virage dans un intérêt public.»

Une «Sûreté du Québec préhospitalière»

Michel C. Doré croit par ailleurs qu’il faut arrêter de «tarifer l’ambulance comme un taxi». «On ne tarife pas la police, on ne tarife pas les pompiers, et les gens ne se disent pas: j’appellerai pas la police ou les pompiers parce que ça coûte trop cher», expose l’expert.

Le système, dit-il, ne doit pas être «otage de ses acteurs». Selon lui, le meilleur système préhospitalier d’urgence est celui où prime l’intérêt des patients en détresse, où qu’ils soient au Québec, et qui va pouvoir offrir des services «avec une transparence et une reddition de comptes».

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D’où la proposition de son comité de mettre en place une «gouvernance publique systémique pour le préhospitalier».

«La finalité souhaitée, c’est qu’on ait une Sûreté du Québec préhospitalière. Dans 10 ans, c’est là qu’on devrait être», estime Michel C. Doré, qui ne croit pas que ce projet soit réalisable du jour au lendemain. «Il y a une approche étapiste à faire avec les régions. […] Si on créait une entité nationale à ce stade-ci, il y a un risque que ça devienne une grosse bibitte bureaucratique qui passerait à côté de l’objectif.»

Mais pour corriger le déséquilibre des pouvoirs — le rapport de force est «toujours au désavantage de l’État» dans le contexte actuel, déplore-t-il —, «c’est probablement le scénario ultime».

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Michel C. Doré"},"position":13,"text":{"fr":"

On veut être sensible à la réalité régionale, mais il est inconcevable qu’on ait un système préhospitalier à multiples vitesses selon le type d’organisation de prestation de services, qu’il soit privé, public ou coopératif.

"},"type":"quote"},{"position":14,"text":{"fr":"

«Compréhension déficiente»

Selon ce qu’il a été possible d’apprendre, le ministère de la Santé était en désaccord avec le projet d’organisation nationale préhospitalière d’urgence proposé par le comité Doré.

Professeur au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM, Robert H. Desmarteau, qui a siégé à ce comité, croit que la proposition a fait l’objet d’une «compréhension déficiente» au ministère.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Professeur à l’UQAM, Robert H. Desmarteau a siégé sur le comité Doré."},"contentType":"image","credits":{"fr":"UQAM"},"position":15,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fdd9ec92d-aa42-4b97-a539-49ebf2cec740.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":16,"text":{"fr":"

L’organisation nationale n’aurait pas ajouté une couche de bureaucratie, selon M. Desmarteau. Au contraire, dit-il, elle en aurait enlevé. Le territoire québécois aurait été subdivisé en cinq «pôles» de coordination des opérations au lieu des 18 régions sociosanitaires actuelles. Chacun des pôles aurait regroupé plusieurs régions, explique le professeur.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Robert H. Desmarteau"},"position":17,"text":{"fr":"

Vous savez comme moi que la Sûreté du Québec n’a pas 18 régions. Hydro-Québec n’a pas 18 régions. Alors, pourquoi un service ambulancier aurait besoin de 18 régions?

"},"type":"quote"},{"position":18,"text":{"fr":"

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PRENDRE SOIN DES PARAMÉDICS

En entrevue, Michel C. Doré a insisté sur l'urgence de s’attaquer à la pénurie de main-d’oeuvre dans le préhospitalier.

«On a de la misère à retenir les paramédics parce qu’ils n’ont aucun cheminement de carrière, se désole-t-il. […] C’est quoi la chance qu’on donne aux paramédics d’évoluer dans le système si, dès qu’ils changent d’employeur, ils doivent recommencer à zéro? C’est quoi leurs chances d’évoluer dans une équipe spécialisée si, dans leur région d’attache, il n’en existe pas de services comme ceux-là?»

Après avoir «détruit leur dos, leurs épaules, leurs genoux», les paramédics «peuvent probablement encore offrir de précieux services dans un système où il est mis en valeur», dit Michel C. Doré.

«Actuellement, quand un paramédic n’est plus bon pour être dans une ambulance, il ne peut plus travailler comme paramédic nulle part ailleurs. C’est un non-sens.»

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FORMER LA SOCIÉTÉ CIVILE

Michel C. Doré déplore également que le Québec soit «la province la moins développée en termes de formation en secourisme, d’éducation du public sur la prévention des accidents, de mobilisation des premiers répondants et d’arrimage avec les équipes de recherche et sauvetage».

«Le seul dossier sur lequel on sent qu’il y a une préoccupation, c’est le temps de réponse des ambulances et ça, ça ne suffit pas. Ce n’est pas ça qui va corriger notre taux de mortalité et notre faible desserte», fait valoir M. Doré, qui se désole qu’on n’ait encore «aucune campagne concertée pilotée par le gouvernement pour mousser l’intérêt de former la société civile».

«On aura beau mettre une ambulance à 10 minutes de temps réponse partout au Québec, s’il n’y a pas de manœuvres de réanimation, s’il n’y a personne pour donner de la naloxone, on va encore voir des gens mourir indûment.»

Avec Marc Allard, les Coops de l'information

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«Nous croyons effectivement que la responsabilité nous incombe d’entendre les divers intervenants, paramédics et experts en matière de services préhospitaliers d’urgence, de sorte que les parlementaires puissent identifier des pistes de solutions à long terme pour améliorer l’accès aux services partout sur le territoire du Québec», indique Joël Arseneau dans une missive envoyée au président de la Commission de la santé et des services sociaux, le député caquiste Luc Provençal.

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Soins préhospitaliers d’urgence:
J’ai demandé aujourd’hui que la Commission de la Santé et des services sociaux mène des consultations sur la crise actuelle: découvertures régionales, valorisation des paramedics, financement et gouvernance du réseau.#polqc pic.twitter.com/HjxWNZ4dDe
— Joël Arseneau (@joel_arseneau) February 20, 2023

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Les libéraux et les solidaires appuient la démarche du PQ.

Les porte-parole libéral et solidaire, André Fortin et Vincent Marissal, siègent également sur cette commission. Pour la Coalition avenir Québec, on retrouve notamment Youri Chassin et Shirley Dorismond.

«Maximiser le retour sur investissement»

Le député péquiste souhaite que la commission entende les entreprises et les coopératives de services préhospitaliers comme Paraxion et Dessercom. On espère aussi avoir le point de vue de la Vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, et de Michel C. Doré.

Les services ambulanciers coûtent 1 milliard $ d’argent public annuellement. M. Doré, qui compte 40 ans d’expérience dans le milieu préhospitalier, affirmait lundi que les Québécois ne recevaient pas des services ambulanciers à la hauteur de cette somme.

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Une question qui préoccupe également Joël Arseneau. «On doit voir ce qu’on doit faire pour maximiser le retour sur investissement pour le gouvernement», indique-t-il.

La semaine dernière, l’équipe d'enquête des Coops de l’information mettait en lumière le fait que les compagnies ambulancières privées faisaient des millions de profits chaque année sans avoir à rendre de comptes, et ce, malgré qu’elles soient financées par des fonds publics.

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Près de 10 ans après le rapport Ouellet qui sonnait l’alarme sur le manque de transparence des entreprises ambulancières, le gouvernement québécois continue d’être tenu dans l’ignorance.

«Dans les faits, ni le Ministère ni les CISSS/CIUSSS ne sont en mesure de connaître la situation financière réelle de leurs partenaires, les entreprises ambulancières, ni les profits générés», confirme Marie-Claude Lacasse, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux.

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\n"},"position":1,"type":"html"},{"position":2,"text":{"fr":"

Consultés par les Coops de l’information, les états financiers de Dessercom et de la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM) donnent un aperçu des profits générés par deux des plus importantes entreprises ambulancières au Québec.

En 2021-2022, Dessercom a touché des profits de 9,6 millions $, selon les données de l’Agence du revenu du Canada. L’année précédente, ses bénéfices s’élevaient à 15,6 millions $. La presque totalité (96%) des revenus de 89,5 millions $ de l'entreprise ambulancière proviennent des fonds publics. Grâce à son statut d’organisme de bienfaisance, Dessercom ne paie ni impôt ni taxes foncières.

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De son côté, la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM) a enregistré des profits de 6,1 millions $ en 2021-2022 et de 7 millions $ l’année précédente, selon les documents que nous avons obtenus.

Pour l’ex-ministre de la Santé, Rémy Trudel, maintenant professeur à l’École nationale d'administration publique (ENAP), «on ne peut pas se nourrir à la mamelle de l’État et ne pas avoir à rendre de comptes de ce qu’on en tire comme résultats et comme profits».

Des négociations

Dès octobre, le ministère de la Santé a indiqué aux entreprises ambulancières qu’il ne renouvellerait pas le contrat de service «dans sa forme actuelle». L’entente, qui sera renégociée par l’ex-premier ministre Lucien Bouchard au nom des entreprises ambulancières, vient à échéance le 31 mars prochain.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Le cabinet du ministre de la Santé, Christian Dubé"},"position":5,"text":{"fr":"

Nous avons posé plusieurs conditions pour le renouvellement. Entre autres, on a besoin de plus de transparence, de plus d’imputabilité, d’un meilleur contrôle des coûts et de plus de clarté sur les responsabilités de chacun.

"},"type":"quote"},{"position":6,"text":{"fr":"

Tant Dessercom que la CETAM ont décliné notre demande d’entrevue, évoquant le processus de renégociation du contrat de service qui s’est amorcé à la fin janvier.

«En amont de cet exercice, nous avons (les entreprises de services préhospitaliers d’urgence) présenté nos données financières pertinentes au ministère. Dans le contexte du début des négociations, nous ne ferons pas de commentaire pour le moment», a indiqué un porte-parole de la CETAM, Patrick Jasmin.

Le directeur général de la Coopérative des ambulanciers de la Mauricie (CAM), Marcel Garceau, nous a envoyé exactement la même déclaration, mot pour mot, en réponse à notre demande d'entrevue.

Une «goutte d’eau»

En 2020-2021, la vérificatrice générale déplorait le manque d’information dont Québec dispose pour négocier les contrats de service et évaluer la performance des entreprises ambulancières. Alors que les dépenses liées aux services préhospitaliers d’urgence ont connu une hausse de 44% entre 2011-2012 et 2018-2019, le nombre de transports ambulanciers n’a progressé que de 12% au cours de la même période, soulignait la vérificatrice générale Guylaine Leclerc dans un audit de performance portant sur les services ambulanciers.

La vérificatrice générale a demandé à trois entreprises ambulancières l’accès à des documents «qui nous auraient permis de mieux évaluer l’utilisation qu’elles font des sommes qui leur sont versées». Sans succès. «L’une de ces entreprises nous a refusé catégoriquement l’accès à ses registres et à ses états financiers au motif que les sommes reçues du gouvernement ne sont pas des subventions, mais plutôt le paiement pour un achat de services. Nous ne sommes pas d’accord avec cette position, qui va à l’encontre de l’intérêt public et du contrôle parlementaire […].»

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Le nombre de transports ambulanciers a progressé de 12% en l'espace de sept ans."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives La Tribune"},"position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F08fc5d27-9317-4c03-8693-ea2379508e01.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":8,"text":{"fr":"

L’été dernier, les travaux du Comité national de transformation du système préhospitalier d’urgence ont mené au dépôt d’une nouvelle politique gouvernementale, qui prévoit que «l’accès aux données financières, la reddition de comptes et l’imputabilité des parties prenantes» devront figurer dans les ententes entre les CISSS, les CIUSSS, le ministère de la Santé et les entreprises ambulancières.

Mais il faudra attendre encore avant que la réforme promise ne voie le jour. Le gouvernement veut d’abord consulter les «acteurs du milieu» et adopter un «plan d’action».

Selon le professeur Rémy Trudel, le «laisser-aller» à l’égard du système préhospitalier d’urgence et des entreprises ambulancières s’explique par la vision «hospitalocentriste» du ministère de la Santé. Il y a toujours eu une «monopolisation de l’attention sur les hôpitaux», déplore celui qui a été ministre de la Santé de 2000 à 2002.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"L’ex-ministre de la Santé, Rémy Trudel, est maintenant professeur à l’École nationale d'administration publique."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives La Presse canadienne, Jacques Boissinot"},"position":9,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F8de60421-5979-408f-bd1e-8c78eaeb6f9b.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":10,"text":{"fr":"

Un autre interlocuteur qui s’est intéressé de près aux entreprises ambulancières — et qui, comme la plupart des sources consultées dans le cadre de ce reportage, a requis l’anonymat parce qu’il n’avait pas l’autorisation de nous parler — souligne que les services ambulanciers représentent une «goutte d’eau» de quelque 660 millions $ par année dans l’océan de 47 milliards $ du budget du ministère de la Santé, qui a «d’autres chats à fouetter».

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\n"},"position":11,"type":"html"},{"position":12,"text":{"fr":"

Une source qui a été haut placée au ministère de la Santé a constaté que les entreprises ambulancières privées jouissaient d’une grande influence auprès des élus et des hauts fonctionnaires du ministère.

Une autre source explique que les entreprises ambulancières ont longtemps eu devant elles une «minuscule» équipe de fonctionnaires qui «s’épuisait» à tenter de faire en sorte qu’il y ait par exemple une meilleure reddition de comptes. «Ça finissait toujours par se gérer au politique», expose-t-elle.

Recours aux tribunaux

Des entreprises ambulancières n’hésitent pas à s’engager dans des procédures judiciaires pour défendre leurs intérêts ou réclamer plus d’argent au gouvernement.

Comme elles sont presque entièrement financées par l’État — «on leur paie pratiquement les trombones» —, c’est donc dire qu’elles «se servent de l’argent public pour se payer des avocats pour avoir plus d’argent du gouvernement», résume une source, tout en soulignant que les établissements et le ministère de la Santé doivent débourser «une fortune et demie pour se défendre».

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Les services ambulanciers représentent environ 660 millions $ par année dans le budget de 47 milliards $ du ministère de la Santé."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Quotidien"},"position":13,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fbb15852e-1df2-4796-b830-0c8fa47f3da3.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":14,"text":{"fr":"

En 2017, les entreprises ambulancières ont poursuivi le gouvernement du Québec après que le ministre de la Santé de l’époque, Gaétan Barrette, eut décrété «unilatéralement» le contenu de leur contrat de services, qui comprenait selon elles des clauses «abusives» et des conditions «arbitraires, inéquitables et discriminatoires». Elles alléguaient que les modifications à leur entente représentaient une compression budgétaire de 121 millions $.

La poursuite s’est conclue par un règlement hors cour intervenu sous la CAQ en 2019 et dont les détails sont confidentiels.

Bris de service: quelles conséquences?

Les médias font régulièrement écho aux trop longs délais de réponse et aux bris de services générés par certaines entreprises ambulancières.

En principe, la Loi sur les services préhospitaliers d’urgence prévoit que les entreprises incapables de livrer les services prévus à leur contrat s’exposent à la suspension ou à la révocation de leur permis d’exploitation. Selon les informations obtenues, aucun permis n’aurait jamais été retiré.

En cas de manquements à leurs obligations, les entreprises ambulancières se voient imposer une retenue équivalente à 1/365 (et plafonnée à 7/365) du budget annuel qui leur est alloué, ce qui, de l’avis d’une de nos sources, n’est «pas une grosse tape sur les doigts pour des entreprises multimillionnaires».

Et ça, c’est quand elles sont imposées. Sur la Côte-Nord, par exemple, l’entreprise ambulancière Paraxion a accumulé 6300 heures de rupture de service dans une dizaine de villes situées entre Baie-Comeau et Natashquan dans les 10 derniers mois. Aucune pénalité ne lui a été imposée. L’année précédente, les ambulances de Paraxion étaient restées clouées dans les casernes de la Côte-Nord durant près de 4000 heures. Aucune pénalité.

"},"type":"paragraph"},{"position":16,"text":{"fr":"

Le directeur général de Paraxion, Laurent Hamel, estime qu’il serait injuste que les autorités de santé infligent à l’entreprise ambulancière des amendes pour ses 6000 heures de ruptures de service.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Laurent Hamel, directeur général de Paraxion"},"position":17,"text":{"fr":"

Ce n’est pas de la mauvaise gestion qui fait qu’on est là. C’est complètement contextuel, c’est le fait qu’on est en pénurie de main d'œuvre. Les gens ont déjà oublié: on vient de sortir de trois ans de COVID qui ont eu un impact majeur sur la disponibilité des paramédics, sur l’écoeurantite.

"},"type":"quote"},{"position":18,"text":{"fr":"

Selon M. Hamel, de nombreux paramédics se sont réorientés dans la foulée de la pandémie. Certains ont par exemple décidé «d’aller passer le balai à 40 $ de l’heure à l’aluminerie, parce que c’était moins dur qu’être paramédic, parce que c’était plus payant qu’être paramédic ou parce que les conditions répondaient plus à une famille moderne». Au Québec, les paramédics gagnent un salaire maximum de 35,60$ de l'heure.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Au Québec, entre 2019 et 2021, le salaire maximum des paramédics était de 35,60$ de l'heure. "},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Droit"},"position":19,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F23094877-4517-45f7-af48-a81c45b28253.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":20,"text":{"fr":"

Paraxion fait des profits, indique M. Hamel, sans préciser combien. Le directeur général ne croit pas que les entreprises ambulancières devraient être tenues de dévoiler leurs profits. «Nous, on s’est fait dire depuis des années qu’on est un contracteur, on est payés à l’heure pour ce qu’on livre, dit-il. Est-ce que le gouvernement demande des livres ouverts quand il utilise des firmes de consultation pour lui dicter ses stratégies?»

Un contrat lucratif

L’actuel contrat de service avec les entreprises ambulancières, qui prend fin en mars 2023, est considéré par trois de nos sources comme «très avantageux» pour les titulaires de permis d’exploitation de services ambulanciers, contrairement à celui décrété par l’ex-ministre Barrette en 2017.

On pointe notamment les «clauses remorques à l'inflation», ce qui, souligne-t-on, «neutralise les principaux risques économiques pour une entreprise dans le contexte actuel».

Les critères de performance sont absents et la reddition de comptes est incomplète, déplore-t-on, en précisant que l’audit financier indépendant ne vise pas certaines dépenses ni la marge bénéficiaire. «Pourtant, on demande ça aux organismes communautaires et aux CHSLD privés conventionnés», compare une source.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Le contrat de service des entreprises ambulancières vient à échéance le 31 mars prochain."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Droit"},"position":21,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F771058aa-f302-4d8d-8c02-fa314f8e4c4b.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":22,"text":{"fr":"

Le professeur Rémy Trudel fait aussi le parallèle avec les CHSLD privés conventionnés, qui sont soumis à des normes de surveillance et à des mécanismes de reddition de comptes «rigoureux». Selon lui, rien ne justifie que les entreprises ambulancières financées par l’État ne soient pas soumises aux mêmes règles.

Le président de la Fraternité des travailleurs et travailleuses du préhospitalier du Québec (FTQ), Benoit Cowell, déplore lui aussi que les entreprises ambulancières cachent leurs profits. «On n’a pas accès à ces chiffres-là. Même si c’est de l’argent du gouvernement, on se fait répondre que c’est des entreprises privées», dénonce-t-il.

Jean-Marc Breton, qui a jusqu’à tout récemment été coordonnateur des services préhospitaliers d’urgence en Montérégie, croit que le gouvernement doit «mettre son pied à terre».

«Comme dans tous les milieux, il y a de très bonnes entreprises et il y en a d’autres qui sont moins performantes. Le défaut du système, c’est qu’il fait en sorte que tout le monde est traité de la même manière», expose M. Breton.

+++

DES PROFITS ET DES RISTOURNES

Dans son rapport de 2014, le Comité national sur les services préhospitaliers d’urgence souligne que «presque toutes les dépenses des entreprises ambulancières sont assumées par l’État, y compris un seuil de rentabilité».

«Certains propriétaires d’entreprise conservent la totalité des profits. [...] Le Comité a aussi été informé que certaines coopératives ont versé des ristournes annuelles, parfois importantes (plus de 10 000 $), à chacun de leurs membres [...], à même les profits générés par leur entreprise», lit-on dans le rapport Ouellet.

Les états financiers de la Coopérative des techniciens ambulanciers de la Montérégie (CETAM), dont nous avons obtenu copie, montrent par exemple que la coop ambulancière a affiché des profits de 6,1 millions $ en 2021-2022. Sur ce montant, elle a versé 3,1 millions $ en ristournes à ses membres.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Les coopératives ambulancières peuvent verser des ristournes à leurs membres."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Nouvelliste"},"position":23,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fad8e3dfc-3c40-4685-82e4-eb0bd8bd817f.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":24,"text":{"fr":"

Selon une source à la CETAM, les paramédics qui ont cumulé le maximum d'heures travaillées en 2021-2022 ont touché environ 9000$ en ristournes. «L'argument des ristournes est utilisé sans gêne pour attirer des paramédics» à la CETAM, indique notre source.

À la Coopérative des ambulanciers de la Mauricie (CAM), les employés touchent généralement une ristourne d’environ 7000 $ annuellement. Malgré plusieurs appels, il n’a pas été possible de consulter les états financiers de la CAM ni d’obtenir une entrevue.

Des paramédics qui font partie de coopératives nous ont fait valoir que les ristournes versées aux paramédics compensent en partie pour les salaires qui restent relativement bas dans la profession, par rapport aux pompiers ou aux policiers, par exemple. Les quelques milliers de dollars de ristournes, «ce n’est pas négligeable», dit l’un deux.

— Avec Marie-Christine Bouchard, Les Coops de l’information
— Avec la collaboration à la recherche de «La dernière ambulance», un média indépendant spécialisé dans le secteur préhospitalier

"},"type":"paragraph"}],"creationDate":"2023-02-09T19:13:37.596Z","externalIds":{},"firstPublicationDate":"2023-02-14T08:00:00.000Z","free":false,"id":"51269882ea843f1056ad65d2ac0f1808","lead":"Des millions de profits chaque année. Des ristournes de plusieurs milliers de dollars aux employés des coopératives. Des milliers d'heures de rupture de service sans pénalité. Au Québec, les compagnies ambulancières privées sont financées par des fonds publics, mais n’ont pas à ouvrir leurs livres au gouvernement.","locales":["fr"],"metadata":{},"modificationDate":"2023-02-14T09:01:13.682Z","publications":[{"canonical":false,"organizationKey":"latribune","sectionKey":"ma-region"},{"canonical":false,"organizationKey":"lavoixdelest","sectionKey":"ma-region"},{"canonical":false,"organizationKey":"lequotidien","sectionKey":"actualites"},{"canonical":false,"organizationKey":"lenouvelliste","sectionKey":"actualites"},{"canonical":false,"organizationKey":"ledroit","sectionKey":"actualites"},{"canonical":false,"organizationKey":"lesoleil","sectionKey":"actualites"},{"canonical":false,"editionKey":"site","organizationKey":"lavoixdelest","sectionKey":"actualites/lequipe-dimpact"},{"canonical":false,"editionKey":"site","organizationKey":"latribune","sectionKey":"actualites/lequipe-dimpact"},{"canonical":false,"editionKey":"site","organizationKey":"lequotidien","sectionKey":"actualites/lequipe-dimpact"},{"canonical":false,"editionKey":"site","organizationKey":"lenouvelliste","sectionKey":"actualites/lequipe-dimpact"},{"canonical":false,"editionKey":"site","organizationKey":"ledroit","sectionKey":"actualites/lequipe-dimpact"},{"canonical":true,"editionKey":"site","organizationKey":"lesoleil","sectionKey":"actualite/lequipe-dimpact"}],"slug":"2023/02/14/ambulances-inc--des-millions-de-fonds-publics-peu-de-comptes-a-rendre-51269882ea843f1056ad65d2ac0f1808","tags":[],"templateName":"article1","title":"AMBULANCES INC. | Des millions de fonds publics, peu de comptes à rendre","type":"article","url":"global/contents/51269882ea843f1056ad65d2ac0f1808.json","visual":{"caption":{"fr":"Au Québec, les compagnies ambulancières privées sont financées par des fonds publics, mais n’ont pas à ouvrir leurs livres au gouvernement."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Droit, Patrick Woodbury"},"position":0,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F06188805-7c30-4e80-88d8-aca4b951a984.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},"color":null,"mainVisual":{"caption":"Au Québec, les compagnies ambulancières privées sont financées par des fonds publics, mais n’ont pas à ouvrir leurs livres au gouvernement.","contentType":"image","credits":"Archives Le Droit, Patrick Woodbury","position":0,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F06188805-7c30-4e80-88d8-aca4b951a984.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","contents":[],"photos":[]},"thumbnailVisual":{"url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F06188805-7c30-4e80-88d8-aca4b951a984.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"}},{"accessibility":"METERED","authors":[{"coverUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm-v2.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F37b5021f-7e32-4694-a7a4-0da2efc97b0c.jpg&width=1024&stripmeta=true","description":{},"email":"efleury@lesoleil.com","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm-v2.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F37b5021f-7e32-4694-a7a4-0da2efc97b0c.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","location":"","name":"Élisabeth Fleury","source":"Le Soleil","twitter":"e_fleury"}],"channel":"Santé","chapters":[{"position":0,"text":{"fr":"

Ce statut obtenu en 1992 permet à l’organisme à but non lucratif (OBNL) de ne payer ni impôt sur le revenu ni taxes foncières dans les villes où il est établi, dans une douzaine de régions au Québec.

Des municipalités ont tenté d’obtenir que Dessercom paie des taxes foncières pour ses immeubles, sans succès. C’est le cas de la Ville d’Amos, qui a transmis en 2019 une résolution à la Commission municipale du Québec (CMQ) pour exprimer son désaccord avec la demande d’exemption déposée par l’OBNL.

La municipalité arguait que Dessercom présente «des chiffres impressionnants pour un organisme à but non lucratif», rapporte la CMQ dans sa décision datée du 23 décembre 2019.

Amos considère que, par ses opérations, «Dessercom poursuit une fin mercantile» et que ses activités «s’apparentent à des activités commerciales lucratives». À ses yeux, «il serait inéquitable pour les entreprises assurant le même type de services d’octroyer à Dessercom une reconnaissance pour être exempté du paiement des taxes foncières».

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Des municipalités ont tenté d’obtenir que Dessercom paie des taxes foncières pour ses immeubles, sans succès."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Archives Le Soleil, Erick Labbé"},"position":1,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Faa2ee3b5-e469-4c7f-b443-4d809af51e1d.jpg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":2,"text":{"fr":"

Une de nos sources du secteur public de la santé qui connaît bien le milieu préhospitalier croit aussi que cette exemption de payer taxes et impôts confère à Dessercom «un avantage par rapport à leurs compétiteurs pour racheter d'autres entreprises et permis, ce qu'il a fait allègrement au fil des dernières années».

Pour la CMQ, bien que l’organisme de bienfaisance réalise d’importants bénéfices et connaisse une croissance importante grâce aux acquisitions faites au cours des années, ses activités sont bel et bien exercées dans un but non lucratif.

Reprenant les explications du directeur des finances de l’organisme, Gaétan Charette, la Commission souligne que les bénéfices de Dessercom sont non seulement versés en dons à des établissements de santé, mais sont aussi réinvestis dans l’amélioration des services, dans la formation du personnel et en immobilisations.

"},"type":"paragraph"},{"html":{"fr":"

"},"position":3,"type":"html"},{"position":4,"text":{"fr":"

Explications de l’Agence du revenu

L'Agence du revenu du Canada (ARC) reconnaît que les organismes de bienfaisance comptent souvent sur les dons pour mener leurs activités, ce qui n'est pas le cas de Dessercom, qui ne reçoit aucun don privé. Selon la porte-parole Anne-Flore Gnamaka, les organismes de charité «n’ont pas de seuil minimum de dons de bienfaisance à percevoir, ni de restrictions quant à la source de leurs dons ou de leurs fonds».

Quant au fait que les salaires des employés figurent dans les programmes de charité de Dessercom, l’ARC explique que «les dépenses liées aux activités de bienfaisance comprennent les fonds utilisés pour exécuter les programmes de l’organisme».

«Un service ambulancier, par exemple, déclarerait les salaires du personnel ambulancier qui traite les patients comme un montant dépensé pour des activités de bienfaisance», explique la porte-parole.

Des millions d’investissements privés

Dans le dernier rapport annuel de Dessercom — qui nous a été envoyé à notre demande par une firme de communications mandatée par l’organisme —, on constate que l’OBNL a investi plusieurs millions dans diverses entreprises et sociétés.

Nos sources du milieu préhospitalier et du réseau de la santé jugent «particulier» que Dessercom — qui est presqu’entièrement financé par le gouvernement, insiste-t-on — investisse dans des entreprises privées et verse des dons à d’autres organismes.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Une source du réseau de la santé"},"position":5,"text":{"fr":"

C’est de l’argent du gouvernement qu’ils investissent dans des compagnies!

"},"type":"quote"},{"position":6,"text":{"fr":"

Pour une de nos sources, les profits générés par l’organisme ne devraient pas être mis ailleurs que dans les conditions de travail de ses employés, dans la transformation des horaires de faction en horaires à l’heure et dans l'amélioration des services à la population.

En décembre 2019, la CMQ, forte des explications du directeur des finances de Dessercom, écrivait que les investissements de l’organisme dans des entreprises commerciales «n’ont pas pour but la réalisation d’un bénéfice, mais le soutien au développement de services ou d’équipements utiles ou novateurs dans le domaine de la santé».

De son côté, l’ARC rappelle que «les organismes de bienfaisance enregistrés ne peuvent pas offrir des avantages personnels (directs ou indirects) en versant à leurs membres, actionnaires, directeurs ou fiduciaires toute partie de leurs recettes, ou en mettant celles-ci à leur disposition».

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Anne-Flore Gnamaka, porte-parole de l'Agence du revenu du Canada"},"position":7,"text":{"fr":"

Ainsi, si un organisme de bienfaisance perçoit des profits, par exemple en menant une activité commerciale complémentaire, ces profits devraient être réinvestis dans les programmes de bienfaisance l’organisme.

"},"type":"quote"},{"position":8,"text":{"fr":"

D’abord acceptée, notre demande d’entrevue avec le directeur général de Dessercom, Maxime Laviolette, afin d’obtenir des précisions sur les activités et les finances de l’organisme a finalement été déclinée.

«Influencer des décisions»

Plusieurs sources nous ont souligné le pouvoir d'influence de Dessercom sur le gouvernement et les élus locaux et régionaux.

Dans le dernier rapport annuel de Dessercom, Maxime Laviolette ne s’en cache pas: un de ses rôles est «d’assurer des représentations et d’influencer des décisions des titulaires des charges publiques».

«À cet effet, tant Dessercom que la Coalition des entreprises de services paramédicaux du Québec [qui représente Dessercom et Services préhospitaliers Laurentides-Lanaudière], sont inscrites au Registre des lobbyistes du Québec [maintenant Lobbyisme Québec] et nous maintenons couramment à jour nos mandats», écrit-il.

Des administrateurs rémunérés

Selon les informations transmises à l'ARC et à la CMQ par Dessercom, Maxime Laviolette touche un salaire d'environ 200 000$ par année.

Bien que, règle générale, la charge d’administrateur soit gratuite, les neufs membres du conseil d’administration de Dessercom reçoivent chacun 6000$ en rémunération de base (+ 5000 $ pour le président, Clarence Pelletier), excluant les jetons de présence. Il a toutefois été décidé en juin 2021 que 50% du salaire des administrateurs soit versé à la Fondation de l’Hôtel-Dieu de Lévis, indique-t-on dans le dernier rapport annuel de Dessercom.

Dans ses décisions de décembre 2019, la CMQ rapportait que les membres du c.a. de Dessercom (ils étaient cinq à l’époque) recevaient une rémunération globale annuelle d’environ 70 000$, un montant jugé peu élevé par le directeur des finances de l’organisme, «compte tenu du grand nombre d’heures que les administrateurs doivent donner».

Parmi les membres du conseil d’administration de Dessercom figurent notamment Alain Francoeur, directeur des infrastructures à la Ville de Lévis, Jean-François Provençal, chef de cabinet du lieutenant-gouverneur du Québec, et Denys Légaré, ancien directeur général de la Fondation de l’Hôtel-Dieu de Lévis, où il siège maintenant comme simple administrateur.

— Avec la collaboration à la recherche de «La dernière ambulance», un média indépendant spécialisé dans le secteur préhospitalier

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«Ça serait un monde idéal. Il y a déjà eu des réflexions qui ont été faites [là-dessus]», souligne celui qui a décrété le contrat de service avec les organisations ambulancières privées en 2017.

"},"type":"paragraph"},{"position":2,"text":{"fr":"

L’ancien élu libéral cite en exemple l’organisme public Urgences-santé, créé en 1989, qui dessert les régions de Montréal et de Laval. Selon lui, la création d’une entité panquébécoise s’en inspirant favoriserait une «uniformisation des services» à l’échelle provinciale.

«C’est techniquement faisable, car c’est extrêmement protocolaire. Il y a deux grandes composantes dans les services préhospitaliers d’urgence: les paramédics et leurs véhicules, ainsi qu’un centre de répartition. Quand vous appelez au 9-1-1, ce n’est pas au bon vouloir de la personne qui répond. Elle a un écran et elle doit suivre un protocole. Ensuite, ça devient une question de géolocalisation, de qualité des véhicules et de formation du personnel», explique-t-il.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"L’ex-ministre de la Santé, Gaétan Barrette"},"position":3,"text":{"fr":"

Si on est capable de faire un réseau de santé hospitalier uniforme au Québec, on est capable de le faire avec les services préhospitaliers d’urgence. C’est une évidence.

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Un autre ex-ministre de la Santé, Rémy Trudel, ne croit pas que la solution passe par la nationalisation de l’ensemble des services préhospitaliers d’urgence. «On n’a pas besoin d’une autre super organisation bureaucratique» comme Urgences-santé, estime l’ancien élu péquiste, qui enseigne maintenant à l’École nationale d’administration publique (ENAP).

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La responsabilité de l’État est toutefois de s’assurer que «les services sont rendus à un juste prix, avec une reddition de comptes», ajoute Rémy Trudel. «On est capable de faire affaire avec des entreprises privées qui ont l’obligation de faire de la reddition de comptes. Tout le secret est là, dans la reddition de comptes», insiste le professeur.

Manque de transparence

Questionné à savoir si Québec fait preuve de laxisme en matière de reddition de comptes d’entreprises privées qu’il finance en grande partie, Gaétan Barrette mentionne que «l’État fait preuve, dans beaucoup de cas, d’indulgence» et que «les standards dans le monde préhospitalier ne sont pas appliqués à la grandeur du Québec». Il note également qu’il existe «des inégalités, en compétence et en qualité physique des services, qui sont difficiles à justifier».

Dans le cadre des négociations avec les organismes privés ayant mené au contrat de service de 2017, l’ancien ministre a été à même de constater que certains d’entre eux n’étaient pas naturellement portés à faire preuve de transparence, notamment en ce qui a trait à leurs états financiers.

«Quand je négociais avec qui que ce ce soit, peu importe l’organisation à laquelle je faisais face, quand elle était privée, je demandais d’ouvrir leurs livres. Il y en avait qui les ouvraient plus que d’autres. Ça nous permettait de voir si les marges de profit étaient raisonnables ou déraisonnables. C’est ça qui est l’enjeu. Je n’ai pas de problème à ce qu’une entreprise privée fasse un profit raisonnable. Mais il y a en a qui voient le gouvernement comme une machine à imprimer des piastres», laisse-t-il tomber, se refusant à cibler une organisation.

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