L’année chanceuse d’Enrico

L’organisme de traitements en toxicomanie, Portage, fête son 50e anniversaire.

Le 1er février dernier, Enrico Galimi, 27 ans, a emménagé dans «un beau 4 et demi» avec sa copine. Le 11 février, il célébrait une année complète de sobriété. Une date qui, à quelques jours près, coïncide avec le 50e anniversaire de Portage, l’organisme de traitements en toxicomanie où il a complété une thérapie l’an dernier.


Un déménagement à 40 degrés sous zéro, une voiture qui refuse de démarrer en raison du froid, une crevaison, un miroir d’auto arraché par une déneigeuse, un accrochage en camion U-Haul rempli de meubles, un dégât d’eau dans le nouveau logement…

«Pendant un instant, j’ai pensé à consommer», confie-t-il au Soleil. Mais Enrico s’est parlé, et en a parlé. «Je me suis stoolé (dénoncé)!»



Participant assidu du Postcure, programme de Portage qui, à la suite de leur traitement, assure un suivi des résidents pendant deux ans, Enrico a obtenu le soutien de ceux qu’il appelle ses «amis de sobriété».

«Juste d’en parler, de me commettre, le problème est parti.»

L’«autre vie»

«Dans une autre vie, avec toutes les bad lucks qui sont arrivées pendant le déménagement, j’aurais foutu le camp!» laisse tomber en ricanant celui qui n’avait pas toujours le cœur à rire au début du mois.

Et cette autre vie, c’est celle du Enrico des centres jeunesse, des familles d’accueil, de la prison.



«Je commettais des crimes [notamment des vols] pour me payer de la drogue.»

—  Enrico Galimi

À l’adolescence, Enrico consomme surtout du cannabis et de l’ecstasy. «J’étais un consommateur fonctionnel. À l’école, j’avais d’excellents résultats même si j’étais gelé», laisse-t-il tomber.

En plus de consommer des drogues, Enrico en fait le trafic. Une manière pour lui de contrer l’intimidation qu’il subissait, une façon de se faire respecter, dit-il.

«Il y avait plus de gains face à la consommation que de pertes», explique Myriam Khediri, responsable de la réinsertion sociale des adolescents et des jeunes adultes chez Portage, évoquant le besoin de «créer un lien d’appartenance», étroitement lié, selon elle, à la consommation, à la vente et à la criminalité.

Dans la jeune vingtaine, Enrico complète pour une première fois une thérapie de 16 semaines à Portage. «Mais je n’étais pas honnête, avoue celui qui consommait toujours secrètement du cannabis. Tu te sens pas bien avec ça, alors t’as le goût de te geler pour ne pas y penser. Ça n’aidait pas.»

À la suite du programme, il fréquente le centre de formation à l’emploi de Portage et s’inscrit au Cégep. C’est aussi à cette époque qu’il devient père. «La vie allait quand même bien, je fonctionnais, dit-il. Mais j’ai recommencé à consommer du chimique.»

Enrico abandonne alors le Cégep, vit une rupture avec la mère de son fils, et noie sa peine dans la consommation. Une spirale qui durera quelques années et qui le mènera dans la rue à quelques reprises, notamment à Toronto, et, à nouveau, en prison. «Je faisais beaucoup de crimes à travers tout ça.»



Loin de son fils, il admet avoir eu «le sentiment d’avoir échoué.»

«Passionné par la vie»

Quelques années plus tard, Enrico se dit aujourd’hui «passionné par la vie». Une vie rendue possible en se tenant loin des drogues et de l’alcool, il le sait. «J’étais tanné de tout perdre à cause de la consommation.»

De retour sur les bancs d’école depuis l’automne dernier, Enrico s’est vu décerner en novembre le prix Coup de cœur du Centre de formation professionnelle de Neufchatel, où il réalise un diplôme d’étude professionnelle (DEP) en arpentage… et où il «trippe ben raide».

«Je me suis trouvé une place pour mon stage cet été, lance fièrement l’étudiant. Je fais trois semaines de stage, et si ça va bien, ils vont m’engager pour l’été au complet!»

Comme pour confirmer le début d’un nouveau chapitre, le 1er mai, Enrico aura terminé — «pour de bon!» — les travaux communautaires qui lui ont été imposés par la cour. Le 1er mai marquera également sa première journée stage.

«Comme si tout était planifié!» s’amuse-t-il, avant de parler de son fils pour une énième fois.

Bien que les moments où il voit son garçon sont limités à des visites supervisées chez la mère d’Enrico, elles lui permettent de créer de meilleurs liens que lorsqu’elles avaient lieu en centre, par exemple. «Ça parait, dit-il. En plus, ça permet à mon gars de voir sa grand-mère!»

L’enfant aura 5 ans en juin, et papa est fier d’être à nouveau dans sa vie.



En décembre dernier, sa conjointe a manigancé pour lui faire une surprise de taille: un dîner d’anniversaire avec son garçon. Une première, et «un beau cadeau», lance celui qui a fêté en famille ses 27 ans le 27 décembre.

«Quand je me mets à penser à comment j’étais il y a un an, et à tout ce qui s’est passé de positif, et à où j’en suis aujourd’hui, c’est incroyable, l’évolution!» se réjouit-il.

«Ça va être une belle année. C’est sûr qu’il va arriver d’autres trucs plus négatifs, mais c’est la vie, tempère-t-il. J’ai eu 27 ans le 27 décembre. Cette année, c’est mon année chanceuse.»

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