Le gouvernement américain avait approuvé en juin 2020 la vente potentielle au Canada de 50 missiles AIM-9X «Sidewinder», dans le cadre d’un effort plus large visant à moderniser la flotte vieillissante de CF-18 canadiens - et à les faire voler jusqu’en 2032.
Ces mises à niveau ont été jugées nécessaires après que le gouvernement fédéral a retardé le remplacement de la flotte de CF-18 par des F-35, et à la suite d’un rapport cinglant du vérificateur général du Canada, en 2018, qui avertissait déjà que les avions de chasse étaient devenus obsolètes.
Le Canada a depuis commandé 36 de ces missiles AIM-9X, mais le porte-parole du ministère de la Défense nationale, Daniel Le Bouthillier, a déclaré lundi qu’aucun n’avait été livré à l’Aviation royale canadienne, encore moins monté sous des CF-18.
Le Pentagone a précisé que des avions de chasse américains avaient utilisé de ces missiles AIM-9X pour abattre quatre objets volants depuis le 4 février, dont un au-dessus du Yukon samedi dernier.
Le gouvernement a précisé que des avions canadiens avaient été déployés pour intercepter et suivre l’objet volant au-dessus du Yukon, et Justin Trudeau a de nouveau défendu lundi la décision de le faire abattre par un avion de chasse américain.
En visite lundi au Yukon, le premier ministre a expliqué que des avions de chasse canadiens et américains étaient «sur place» et que l’ordre avait été donné à celui qui avait «la meilleure option, le plus rapidement possible» de l’abattre - et que c’est l’appareil américain qui était le mieux placé.
«On est moins préoccupé par qui reçoit le crédit pour ça et beaucoup plus préoccupé par le résultat qu’on veut», a insisté le premier ministre lors d’une conférence de presse à Whitehorse, alors que les équipes de recherche s’efforçaient de récupérer l’épave de l’objet volant abattu au-dessus de ce territoire nordique.
M. Trudeau a également souligné le caractère binational et conjoint du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), «ce qui signifie que nous faisons des choses ensemble en Amérique du Nord».
De petits objets difficiles à suivre
Lors d’un point de presse tard dimanche, le commandant américain du NORAD a décrit certains des défis auxquels les pilotes de chasse avaient été confrontés pour suivre et abattre dimanche l’objet volant au-dessus du lac Huron, qui se serait écrasé ensuite dans les eaux canadiennes.
«Maintenir une trace radar sur un objet aussi petit est très difficile», a déclaré le général de l’armée de l’air américaine Glen VanHerck aux journalistes. Il a ajouté que si les pilotes envisageaient d’utiliser des canons ou des missiles guidés par radar pour tirer sur les objets volants, ils ont finalement estimé que l’AIM-9X à recherche de chaleur constituait la meilleure option.
«Dans chaque situation, l’AIM-9X, un missile guidé par infrarouge ou par contrastes, a été l’arme de choix contre les objets que nous avons vus.»
Le major-général Paul Prévost, directeur de l’état-major de l’État-major interarmées stratégique, a déclaré aux journalistes lors d’un breffage technique que le CF-18 «peut s’occuper de certains de ces objets».
«Et il existe également des outils dans l’inventaire américain pour s’en occuper», a ajouté le major-général Prévost. «Ça dépend vraiment des objets auxquels nous avons affaire. Et il y a toujours une analyse en cours sur le meilleur outil à utiliser pour la situation à laquelle nous sommes confrontés.
«On ne nous a pas demandé d’utiliser des CF-18 sur aucun de ces objets, simplement à cause de l’endroit où ils se trouvaient et l’endroit où se trouvaient nos ressources au Canada à ce moment-là, a soutenu le major-général. Mais il y a des capacités sur le CF-18 qui pourraient leur permettre de s’occuper de certains de ces objets, selon l’endroit où ils se trouvent et ce qu’ils sont.»
M. Prévost a précisé plus tard que les CF-18 déployés à partir de la base de Cold Lake, en Alberta, samedi, étaient «à quelques minutes» de rencontrer le ballon au-dessus du Yukon, lorsqu’un F-22 américain l’a abattu.
«Je ne vais pas révéler tous les détails sur les capteurs et les armes qui étaient à bord, a-t-il déclaré. Mais ils étaient prêts à poursuivre l’opération si les Américains n’avaient pas pu continuer plus loin, alors qu’ils transitaient par l’espace aérien canadien.»
Une vieille version des AIM-9
Le général canadien à la retraite Tom Lawson, qui a piloté des CF-18 avant d’être commandant adjoint du NORAD, puis chef d’état-major de la Défense de 2012 à 2015, a précisé que les CF-18 canadiens utilisent actuellement une ancienne version de l’AIM-9 «Sidewinder».
«Lorsque je pilotais des CF-18, je n’avais pas d’arme capable d’abattre quelque chose à plus de 40 000 pieds d’altitude s’il se déplaçait trop lentement, a-t-il expliqué. Mon radar ne se serait pas verrouillé dessus. Mon missile à tête chercheuse, mon AIM-9, ne se serait pas verrouillé sur cet objet.»
Des responsables ont déclaré que le premier objet détecté, un ballon chinois présumé abattu au large de la Caroline du Sud la semaine dernière, volait à environ 60 000 pieds d’altitude. Les deuxième et troisième objets, abattus vendredi et samedi, volaient à environ 40 000 pieds; le quatrième, dimanche, volait encore plus bas, à environ 20 000 pieds.
Le ministère de la Défense n’a pas immédiatement répondu aux questions quant à savoir si les missiles AIM-9 actuellement montés sur les CF-18 canadiens auraient été capables de se verrouiller sur l’un des objets volants et de l’abattre.
Le lieutenant politique conservateur pour le Québec, Pierre Paul-Hus, estime que ces incidents démontrent que les systèmes de défense du Canada sont tous «en piètre état». Il a indiqué lundi que «le Canada devait être en mesure d’avoir les appareils pour intervenir au même titre que les Américains».