Couples en affaires: pour le meilleur et pour... l’imprévu

Andrée-Ann Adam et Jean-Philippe Côté, en compagnie de leur chien Goldie, ont fondé Animora en 2018.

Nos parents nous l’ont maintes fois répété : il vaut mieux séparer les affaires de celles du cœur. Mais est-ce vraiment mieux ainsi?


Plusieurs couples ont choisi de faire autrement en optant pour la vie entrepreneuriale à deux. Propulsés par la montée de l’entrepreneuriat, de plus en plus de jeunes (et moins jeunes) couples n’hésitent plus à s’associer et à investir ensemble temps et argent dans l’entreprise commune.

Portrait de quatre couples de la région de Québec qui ont dit oui à l’entrepreneuriat.

Séparer travail et couple

En pleine pandémie, le salon d’Andrée-Anne Adam et de Jean-Philippe Côté avait des allures d’entrepôt. «Quand on ne voyait plus la télé, on pliait d’autres cartons d’emballage pour nos produits», disent-ils. Avant de s’y perdre, ils ont pris une (sage) décision : sortir leur entreprise de la maison.

C’est une passion commune pour les animaux qui est à l’origine de la rencontre entre Andrée-Ann Adam et Jean-Philippe Côté, qui sont ensemble depuis leurs études universitaires. C’est cette même passion qui les a motivés à fonder leur entreprise Animora en 2018.

Les deux passionnés ne comptaient pas leurs heures, énergisés par leur projet entrepreneurial. Mais, de fil en aiguille, la fatigue se faisait sentir. «On travaillait tout le temps, soirs et fins de semaine. Ça occupait nos journées et nos pensées», raconte Andrée-Ann.

C’est que leur produit vedette, un gel dentaire pour les animaux à base de canneberges, dont la formulation est unique et brevetée, connaissait un grand succès. «On a rapidement été débordés et notre couple a été mis de côté», constate Jean-Philippe.

Les deux jeunes entrepreneurs de Québec ont alors déménagé l’entreprise dans un local commercial. «Notre meilleure décision jusqu’à maintenant!». Ils ont aussi établi un horaire de travail, afin de réserver du temps à leurs loisirs et activités de plein air les dimanches. «Il fallait se mettre des limites. Encore aujourd’hui, on se permet de “tricher” un peu dans les périodes achalandées.» Ils ont embauché du personnel et reçoivent un coup de main de la famille, au besoin. Ce qui laisse également du temps à Jean-Philippe pour compléter son doctorat tout en poursuivant la recherche et développement de nouveaux produits de santé animale. Une dizaine est actuellement en préparation.

«On se consulte, on prend toujours les décisions ensemble», soutient Andrée-Anne, présidente de l’entreprise.

Se lancer «dans le vide»

Copropriétaires de La Bûche Glacée, un bar laitier de Beauport, Sara-Jeanne Bouchard et Philippe Larouche ont également lancé Charlo Jeu, dont les chasses aux bonbons sont distribuées dans les épiceries et pharmacies.

L’histoire de Sara-Jeanne Bouchard et Philippe Larouche a débuté au cégep. Animée par l’entrepreneuriat, la jeune femme alors âgée de 20 ans souhaitait se «lancer en affaires» et son amoureux Philippe s’est rapidement greffé à son projet. Est alors née La Bûche Glacée, un bar laitier qui s’est démarqué avec ses bûchettes roulées et ses cornets inversés. «On voulait réinventer les produits de bar laitier», dit celle qui se présente comme la créative du couple.

«On était plein d’énergie, mais aussi de naïveté», raconte-t-elle. Guidés par les parents de Sara-Jeanne, qui sont propriétaires de maisons pour aînés, les deux jeunes entrepreneurs se sont lancés «dans le vide». «On habitait chez nos parents, on n’avait rien à perdre!» poursuit Philippe.

Huit ans plus tard, deux entreprises en roulement, le couple est toujours complice. «On a fait du chemin et nos entreprises sont en croissance», se réjouissent-ils.

En plus de La Bûche Glacée, ils ont lancé Charlo Jeu, une deuxième marque qui propose des chasses aux bonbons en boîte, à faire à la maison. «L’idée au départ était de sauver l’Halloween durant la pandémie. Notre chasse aux bonbons a connu beaucoup de succès et nous avons continué sur la lancée avec d’autres produits thématiques», explique Sara-Jeanne.

Des profils complémentaires

Les deux font la paire. «On a des personnalités différentes, complémentaires, je dirais, mais on avait à nos débuts la même énergie et la même inexpérience. On s’est forgé notre personnalité d’affaires ensemble et on poursuit le même chemin», dit Sara-Jeanne, qui est toujours en quête de nouvelles idées.

Philippe, ce sont les chiffres et la structure d’entreprise qui l’interpellent. «Mais on prend toutes les décisions ensemble, c’est 50-50».

La planification est partout, même dans leur vie personnelle. «On essaie même de prévoir le bon moment pour éventuellement fonder une famille, en fonction de la croissance de nos entreprises.»

Trois enfants et des compresses



Marie-Jeanne Gauthier et Sébastien Bolduc conjuguent leurs rôles de parents de trois jeunes de 11 et 14 ans et la croissance de leur entreprise Amma Thérapie.

Parents de trois enfants, dont des jumeaux, Marie-Jeanne Gauthier et Sébastien Bolduc savaient que leur couple était «assez solide» pour affronter les imprévus de l’entrepreneuriat. Ensemble, ils ont fondé Amma Thérapie en 2015.

La petite entreprise basée sur la Côte-de-Beaupré conçoit et fabrique des compresses thérapeutiques. Il y a quelques mois, ils ont mené le projet plus loin en ouvrant le centre de bien-être Amma Thérapie, lequel regroupe des services d’orthothérapie, de massothérapie et de yoga.

Amma Thérapie est le résultat des forces de chacun. Sébastien est orthothérapeute et Marie-Jeanne, une designer de mode. Toujours attirée par les tissus, elle s’amuse aujourd’hui à coudre des produits «qui font du bien», épaulée par une équipe de couturières.

C’est que la gamme Amma Thérapie a fait du chemin. Elle est aujourd’hui distribuée dans plus de 200 points de vente, en plus de son site Web. Elle se démarque non seulement par ses tissus colorés et sa qualité de confection, mais aussi par l’utilisation de grains biologiques. L’approvisionnement en grain a d’ailleurs donné quelques maux de tête aux deux entrepreneurs durant la dernière année. «Il faut passer nos commandes plus tôt pour les grains, mais aussi pour les tissus», dit Marie-Jeanne.

S’ajuster au fur et à mesure, c’est aussi le quotidien à la maison pour ces parents de trois jeunes de 11 et 14 ans. Les enfants ont souvent été les «testeurs» officiels des prototypes des produits.

«Au départ, la confection se faisait à la maison. C’est vite devenu problématique, dit Marie-Jeanne. Depuis qu’on a un atelier de confection et un bureau à l’extérieur, c’est plus facile de séparer la vie professionnelle de la vie de famille.»

Marie-Jeanne et Sébastien se plaisent à dire qu’ils ont bâti un rythme de vie où l’entrepreneuriat rime avec liberté et vie de famille. Les valeurs à la base de l’entreprise sont les mêmes qu’à la maison : respect, bien-être et authenticité.

Complicité de chaque instant

D’abord associés d’une agence de marketing, Johannie Lambert et Michael Anctil sont devenus des partenaires de vie.

Le parcours de Michael Anctil et Johannie Lambert est différent. Ils ont d’abord été partenaires d’affaires avant de le devenir dans la vie. «On travaillait ensemble et on est tombés amoureux», résument-ils.

Tous deux associés dans une agence de marketing, ils ont longuement hésité avant d’en parler à leurs employés. Finalement, ces derniers ne semblaient pas du tout étonnés. «Ils nous ont toujours vus comme des complices.»

Malgré tout, ils ont voulu prendre leur temps. Jusqu’à l’été dernier, chacun avait son logement et s’occupait d’un département de l’Agence M, que Michael a fondé en 2015. Lorsque Johannie s’est ajoutée, elle a pris en charge la direction des opérations, tandis que Michael a préféré se concentrer sur les ventes et le développement des affaires. «Nos bureaux sont séparés, mais on est toujours ensemble», constate la jeune femme.

Le bien-être au cœur de l’agence

Au bureau, l’ambiance de travail est importante, et ce, pour tous les employés. Plusieurs arrivent même plus tôt pour déjeuner avec les collègues, alors que le café et les croissants sont fournis.

«On se préoccupe beaucoup du bien-être au travail : le nôtre, celui des employés aussi. Nous sommes une agence à dimension humaine, avec 15 employés et on souhaite que ça reste ainsi», dit Michael.

C’est pourquoi il y a toujours une oreille à l’écoute chez l’Agence M. «On est dans un milieu compétitif qui peut être stressant parfois. On communique beaucoup et on a l’aide de professionnels, au besoin», ajoute-t-il. Ce dernier ne le cache pas : il a longtemps été hanté par l’échec entrepreneurial de son père. «Mon père était d’une autre génération. Il parlait peu de ses difficultés et son couple a éclaté», évoque-t-il.

Pour l’heure, le duo de Michael et Johannie a plusieurs projets en chantier, non seulement pour l’agence, mais aussi pour le couple. «On débute la construction d’une maison. Ça aussi, c’est un bon test pour le couple!»