Le gouvernement du Québec décrit la maltraitance comme «une attitude, une parole, un geste ou un défaut d’action appropriée, singulier ou répétitif, qui se produit dans une relation avec une personne, une collectivité ou une organisation où il devrait y avoir de la confiance et qui cause, intentionnellement ou non, du tort ou de la détresse chez une personne adulte».
Concrètement, la maltraitance se manifeste à travers une forme de violence physique ou psychologique : la force, l’intimidation, la négligence ou l’absence d’action appropriée pour répondre aux besoins d’un aîné sont autant de variations sur ce même thème sinistre.
La négligence aussi
Selon Mélanie Couture, titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées de l’Université de Sherbrooke, le fait que la négligence soit aussi de la maltraitance est souvent moins bien compris.
«Dans l’esprit de bien des gens, ne pas agir face à une situation n’est pas associé à de la maltraitance, mais c’est pourtant le cas, explique-t-elle. Beaucoup pensent qu’il ne faut pas s’inquiéter si un acte n’est posé qu’une seule fois, qu’il faut qu’il y ait répétition pour qu’on soit alerté. Pourtant, il y a maltraitance dès le premier abus, quel qu’il soit. Si on laisse faire, on ouvre la porte à une escalade.»
La professeure Couture cite notamment le cas des abuseurs qui prennent l’argent de leurs parents en prétextant que ceux-ci n’en ont pas besoin puisqu’ils ne s’en servent pas. Si rien n’est fait, ces abuseurs vont recommencer.
De bonnes intentions qui dégénèrent
Certaines personnes peuvent abuser d’un aîné sans que ce soit intentionnel. Par exemple, illustre Mélanie Couture, quand une fille conseille à sa mère de ne plus prendre ses médicaments et lui propose des produits naturels à la place. Là aussi, il y a maltraitance, car la mère, qui fait confiance à sa fille risque de tomber malade et n’ira pas chercher d’aide, surtout si sa fille s’entête à dire que c’est pour son bien.
Détecter les signes
Certains signes physiques ou psychologiques inhabituels laissent à penser qu’il y a maltraitance. Par exemple, la personne :
- présente des signes de blessures dont elle ne veut pas parler;
- a peur de quelqu’un de manière inexpliquée;
- s’isole et réduit ses contacts;
- a changé de caractère, est souvent triste alors que ce n’est pas dans sa nature;
- n’a plus le goût de sortir;
- ne veut surtout pas qu’on aborde cette question devant d’autres;
- est en difficulté financière alors que ça ne lui est jamais arrivé;
- fait des retraits d’argent qui ne sont pas coutumiers;
- ne paye pas ses factures.
Se faire aider
Si vous êtes confronté à une situation de maltraitance, pour vous-même ou un proche, la première chose à faire est d’appeler la ligne Aide Abus Aîné au 1 888 489-2287. Cette première étape – appeler – représente un grand pas pour la victime.
«Des intervenants psychosociaux professionnels répondent sept jours sur sept de 8h à 20h, dit Mélanie Couture. L’intervenant sera en mesure de dire s’il s’agit de maltraitance ou pas, puis il va indiquer ce que vous pouvez faire et mettre en place un plan d’action au besoin.»
En cas d’urgence, il faut toujours composer le 911 et appeler la police.
La prise de conscience : un enjeu majeur
«Une personne aînée peur avoir besoin de beaucoup de temps pour prendre conscience qu’elle est maltraitée. Généralement, elle ne s’en rend pas compte et elle ne veut pas dénoncer son agresseur, par crainte de perdre la relation avec la personne qui la maltraite», explique la professeure Couture.
La victime peut aussi avoir honte ou craindre des représailles. Alors elle endure, comme le font les femmes victimes de violence conjugale, qui font le choix de rester avec leur conjoint. «Les personnes maltraitées peuvent refuser des services, et on ne peut évidemment pas les forcer, mais on peut les accompagner dans ce processus», dit-elle. Par exemple, si vous vous rendez compte qu’un adulte abuse de sa mère ou de son père, vous pouvez essayer de persuader la victime de faire appel à des services compétents. «Appeler ne serait-ce qu’une fois, c’est un énorme pas vers la guérison. Et si on doit rappeler, le contact est déjà établi, l’historique est pris en compte», conclut Mélanie Couture.
Une croissance inquiétante
Adoptée en 2017 puis bonifiée à deux reprises, la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité oblige les travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux à signaler les situations de maltraitance contre un aîné ou un adulte vulnérable, qu’ils en soient témoins ou qu’ils aient simplement des soupçons, que ce soit dans un CHSLD, une résidence pour aînés (RPA) ou d’autres types de résidences.
Le dernier rapport des commissaires aux plaintes montre que le nombre de dénonciations a plus que triplé en trois ans. Il y en a eu 2870 en 2021-2022, contre 866 en 2018-2019 (première année complète où s’appliquait la loi).
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