Les arts vivants invitent à la rencontre

(Le Soleil, Frédéric Matte)

Même si la vie reprend son cours normal, les théâtres et salles de spectacles conservent des traces des dernières années. Si certaines productions affichent complet, d’autres peinent à remplir tous leurs sièges.


Selon un sondage SOM—Le Soleil, 40 % des gens soutiennent que leur intérêt à faire des sorties hors de la maison a beaucoup (15 %) ou un peu (25 %) diminué depuis la pandémie.

Ces chiffres font écho à ce que vivent plusieurs diffuseurs. 

À l’Orchestre symphonique de Québec, on s’attriste notamment de voir que plusieurs clients ne se sont pas abonnés de nouveau à la saison actuelle. C'est maintenant un défi de fidéliser les spectateurs. 

«Un abonné achète plusieurs billets. Ça donne donc une certaine sécurité à l’organisme [pour la saison]. […] Si cette tendance s’accentue, on va devoir remplacer les abonnés par encore plus de spectateurs», explique Astrid Chouinard, présidente-directrice générale de l’OSQ. 

De façon générale, les 35-55 ans sont d’ailleurs les spectateurs les plus difficiles à rejoindre.

On constate également ce phénomène au Trident : «les gens ne sont plus fidèles à un seul espace», note Olivier Arteau, codirecteur général et directeur artistique du théâtre. 

Celui qui est entré en poste à l’été 2022 s’inquiète notamment du désintérêt des jeunes envers le théâtre. 

«Je veux qu’on ait un théâtre qui s’adresse aux jeunes et aux moins jeunes, mais aussi aux immigrants, aux gens issus de la diversité sexuelle ou de genre. Je veux que ce soit représentatif du monde dans lequel on vit», note Olivier Arteau. 



Marie-Hélène Julien, directrice générale et programmatrice chez La Rotonde, estime que les défis sont encore nombreux pour convaincre le public d'être curieux et d'assister à des spectacles de danse.

Diversifier les programmations et séduire différents publics a «toujours été le nerf de la guerre» en danse, affirme de son côté Marie-Hélène Julien, directrice générale et programmatrice chez La Rotonde, diffuseur spécialisé en danse contemporaine.

Mme Julien ne s’étonne pas d’ailleurs des résultats du sondage SOM—Le Soleil qui place, sur une échelle de 0 à 10, l’intérêt moyen des gens pour la danse à 3,8. Et ce même si cette forme d’art attire particulièrement les téléspectateurs comme à l’émission Révolution.

«Il y a une majorité de gens qui sont heureux d’avoir accès à la danse sur leur téléviseur, dans leur salon, et qui ne viendront peut-être jamais en salle. 

«On pouvait penser qu’après les confinements, les gens auraient eu soif de propositions professionnelles en salle, mais force est d’admettre qu’on a encore du chemin à faire», explique celle dont l’organisation présente des spectacles au Grand Théâtre, chez Méduse ou encore à la Maison pour la danse de Québec.

Au théâtre La Bordée, on s’explique mal ce qui retient le public de venir en grand nombre dans les salles. 

«Ce qui me marque le plus, c’est que les gens ne voient pas la plus-value à ressortir. Ils ne voient pas ce qui pourrait plus les inciter à venir en salle. Mais en même temps, c’est une opportunité incroyable à saisir. 

«[…] On parle beaucoup de santé mentale, d’épuisement. Aller voir des shows, c’est énergisant», soutient Rosie Belley, co-directrice générale et directrice administrative de La Bordée.

Une offre trop compétitive?

Tous en conviennent : les spectateurs qui ont envie de sortir de la maison ont l’embarras du choix.

Dans bien des domaines, on verrait dans cette offre foisonnante quelque chose de négatif… Mais pas dans le milieu culturel. Plusieurs intervenants rencontrés par Le Soleil y voient une compétition saine et un succès global pour toutes les scènes de la capitale. 

«Je pense que ça suscite la curiosité des gens et que ça crée un effet d’entraînement», soutient Astrid Chouinard, en rappelant que le bassin de population de la grande région de Québec est vaste et loin d’être saturé par les projets artistiques.

Pour Astrid Chouinard, présidente-directrice générale de l'OSQ, l'année 2023 déterminera les nouvelles tendances dans les habitudes des spectateurs de la capitale.

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Les musées remontent la pente

Dans la plupart des cas, bien des musées ont été fermés un peu moins longtemps que les salles de spectacle. Or, ils font face au même enjeu principal : ramener les gens sous leur toit, dans leurs expositions. 

Selon la plus récente enquête de l’Institut de la statistique du Québec, la fréquentation des musées a connu une baisse de 55 % en 2021, par rapport aux années prépandémie. Dans la Capitale-Nationale, l’ISQ constate une diminution de 58 %.

Si les inquiétudes sont nombreuses, l’heure n’est toutefois pas au découragement. Depuis 2022, un bouillonnement se fait sentir dans le milieu qui retrouve tranquillement ses visiteurs et le caractère événementiel de certaines activités. 

«On sent vraiment une effervescence dans les musées au Québec. Parce qu’on est ouvert à pleine capacité. Parce que c’est le retour des expositions temporaires, itinérantes ou internationales. 

«[…] Les musées ont regagné une partie de leur public et ils en sont très contents», affirme Stéphane Chagnon, directeur général de la Société des musées du Québec (SMQ), un OBNL qui regroupe quelque 300 institutions à travers la province.

Selon la plus récente enquête de l’Institut de la statistique du Québec, la fréquentation des musées a connu une baisse de 55 % en 2021, par rapport aux années prépandémie. Dans la Capitale-Nationale, l’ISQ constate une diminution de 58 %.

Il y a également une nette amélioration en ce qui a trait au nombre de visiteurs qui était de 3,9 millions, en 2020, et qui est monté à 6,8 millions, en 2021.

M. Chagnon note aussi le «retour progressif» des touristes internationaux. Selon un sondage réalisé par la SMQ à l’été 2022 auprès de 68 institutions muséales, les voyageurs provenant de l’étranger représentaient 13 % des gens sondés.

Dans tous les cas, les musées ne sont pas complètement tirés d’affaire avec l’inflation qui les guette et «impacte le développement de leur offre muséale».

«Il y a une hausse importante des coûts de production et des coûts d’assurance. Qu’on parle d’assurer le transport d’œuvres d’art ou les locaux dans des bâtiments patrimoniaux. 

«Il faut également penser au coût des matériaux. Concevoir une exposition aujourd’hui coûte plus cher qu’avant la pandémie», indique M. Chagnon, tout en soulignant la pénurie de main-d’œuvre qui touche ses membres au même titre que tous les commerces du Québec. 

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