La suspension est en vigueur depuis le 23 janvier. La décision a été prise après le processus d’examen d’une plainte reçue à l’UL à l’été 2022. Cette plainte concernait les propos de Patrick Provost pendant une entrevue sur les ondes de CHOI Radio X en juillet.
Le professeur au département de microbiologie-infectiologie et d’immunologie de l’UL avait notamment parlé au micro de son opposition à la vaccination des enfants contre la COVID, parmi d’autres choses.
Le chercheur en biochimie a signé un grief mercredi matin à l’endroit de son employeur, dans lequel il conteste la décision de le suspendre une deuxième fois. «Cette mesure est injustifiée et abusive. En m’imposant cette mesure, l’employeur porte atteinte à ma crédibilité, ma santé, ma sécurité, ma dignité et mon intégrité», peut-on lire dans la lettre dont Le Soleil a obtenu copie.
Comme lors de la première suspension, Patrick Provost peut compter sur l’appui du syndicat des professeurs de l’Université Laval.
Colère et impuissance
Des propos similaires contre la vaccination faits à l’automne 2021 lui ont déjà valu une suspension de huit semaines sans salaire, sanction achevée en août 2022. Cette suspension se retrouvera d’ailleurs devant l’arbitre Rosaire Houde du ministère du Travail lors de séances qui débuteront à la fin du mois de février.
La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) s’était notamment rangée derrière le professeur en sommant l’université de revoir sa décision. La Commission permanente sur la liberté académique (COPLA) avait aussi dénoncé la première suspension de Patrick Provost.
Dans une lettre envoyée aux institutions plus tôt ce mois-ci, la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, avait demandé aux dirigeants des universités québécoises de ne pas tolérer, «sous aucune condition», la censure dans les milieux académiques.
«Je suis surpris. Je m’attendais à ce que l’Université entende raison. Je pensais que ça allait porter fruit, que l’Université Laval allait être à l’écoute de la ministre et qu’elle allait respecter la Loi 32», lâche le professeur en entrevue avec Le Soleil, habité des sentiments de colère et d'impuissance.
Selon les principes de la liberté universitaire, il ne revient pas aux établissements de statuer ce qu’un professeur a le droit de dire ou non. L’article 3.3 de loi stipule : un professeur a le droit «d’exprimer son opinion sur la société et sur une institution, y compris l’établissement duquel la personne relève, ainsi que sur toute doctrine, tout dogme ou toute opinion.»
«C’est un entêtement. Ils ne révisent pas leur position. Ils me harcèlent. C’est vraiment invraisemblable», laisse tomber le chercheur. Il dénonce notamment que l’Université Laval ne subisse pas de sanction, même si elle contrevient selon lui à la Loi 32 sur la liberté académique.
«Je demande seulement à débattre, pas de me faire abattre. Si on parle d’environnement ou de COVID, les chercheurs se taisent. La société se prive de voix critiques extrêmement précieuses. On fait disparaître le débat. Peu importe le sujet, on doit débattre. […] L’université, ce n’est pas ça. C’est le dialogue, le débat d’idées, la pensée critique… et ça, on en a besoin», exprime le professeur, qui est en bataille pour la liberté d’expression des professeurs depuis plus d’un an.
Cette suspension entraîne «une pression financière sur ma famille» en plus d’engendrer plusieurs effets collatéraux sur sa carrière et sa réputation. Il contestera les décisions de son employeur jusqu’au bout, mais les procédures judiciaires peuvent s’avérer longues et ardues.
Dans toute cette affaire, et en raison de ses propos controversés, Patrick Provost a été étiqueté «antivax». Il espère que son histoire «ira au-delà des étiquettes».
L’UL garde sa position
Dans une longue déclaration envoyée par courriel au Soleil, l’Université Laval rappelle d’entrée de jeu le processus de plainte, qui a été respecté. La deuxième plainte concernant le professeur Patrick Provost a été analysée, retenue puis envoyée à un comité d’experts, tout comme la première.
L’UL maintient que M. Provost «est le seul à pouvoir fournir des informations sur la situation qui concerne son dossier personnel», élément qu’elle répète depuis le début de cette saga.
Concernant la liberté d’expression universitaire, l’UL indique que «toutes les personnes à l’Université Laval peuvent faire de la recherche qui met en cause la vaccination, s’exprimer publiquement sur la vaccination et émettre des opinions sur le sujet».
Elle précise aussi que le droit à la liberté académique doit «s’exercer en conformité avec les normes d’éthique et de rigueur scientifique généralement reconnues par le milieu universitaire et en tenant compte des droits des autres membres de la communauté universitaire».