Le Québec est rendu à sa troisième Stratégie gouvernementale de développement durable, mais les résultats concrets se font toujours attendre, estime Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale et porte-parole du collectif G15+. « Le gouvernement n’a pas livré les résultats escomptés, parce qu’il n’y a pas eu d’intégration dans toutes les sphères de l’administration publique », dit-elle, ajoutant que la dernière stratégie n’a pas réussi à faire adhérer concrètement les autres ministères au concept de développement durable.
« Le Commissaire au développement durable a écrit en plusieurs occasions que les ministères et les organismes publics ne font pas du développement durable leur priorité, renchérit Denis Bolduc, secrétaire général de la FTQ et également porte-parole du G15+. On aura beau avoir la meilleure stratégie. Si la machine n’arrive pas à l’appliquer, on n’aura pas les résultats qu’on veut avoir. »
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Il existe pourtant un consensus sociétal pour faire mieux et pour en faire plus, poursuit Béatrice Alain. La marche pour le climat, qui a regroupé 500 000 personnes, en est un bon exemple. Le consensus réalisé par plus de 15 organisations majeures qui ont des motivations fort différentes en est un autre exemple. « Le G15+ regroupe des organisations très différentes, dont le Conseil du patronat, la Fédération des chambres de commerce, des grands syndicats, des acteurs sociaux comme le Chantier de l’économie sociale et des organisations environnementales comme Équiterre et la Fondation David Suzuki, dit-elle. Malgré les différents points de vue sur certains enjeux, on travaille ensemble vers un futur plus solidaire, plus prospère et plus vert. »
Pour y arriver, Québec doit se doter d’objectifs et d’indicateurs ambitieux et novateurs, selon le G15+, qui propose « une approche de mesure du bien-être à l’échelle gouvernementale, laquelle serait fondée sur des principes de dialogue, de rigueur, de transparence, de simplicité et d’imputabilité. Une telle approche existe ailleurs dans le monde, notamment en Nouvelle-Zélande. Des initiatives similaires existent aussi en Écosse, en Islande et au pays de Galles, des pays qui font partie d’un regroupement dénommé Wellbeing Economy Alliance – WEGo.
Selon le G15+, le Québec pourrait devenir la première société en Amérique du Nord basée sur la recherche du bien-être. « Les indicateurs de bien-être permettent de concilier les intérêts des acteurs sociaux, économiques et environnementaux, et de mesurer les impacts globaux de nos décisions », remarque Béatrice Alain.
Plusieurs de ces indicateurs existent déjà et le G15+ les a d’ailleurs regroupés sur une page web (https://indicateurs.quebec/), « avec l’objectif d’encourager le gouvernement du Québec à intégrer le bien-être au coeur des politiques publiques ». D’autres indicateurs devraient toutefois être développés pour compléter le tableau, notamment sur le plan environnemental et de l’économie sociale.
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Des objectifs louables, mais...
Denis Bolduc admet que la Stratégie inclut de beaux objectifs, collés sur ceux des Nations Unies. Le gouvernement doit tout de même mieux définir comment il arrivera à atteindre ces objectifs. Il ajoute que le gouvernement utilise un vocabulaire qui n’est pas très contraignant dans sa stratégie, plutôt que de forcer les ministères et les organismes à l’action.
Claude Villeneuve, titulaire de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), salue aussi la référence des objectifs aux cibles de l’ONU. « C’est beaucoup mieux articulé que les premières stratégies, qui parlaient alors d’écologisation des différents ministères », dit-il, notant que la Stratégie fait davantage de place à la culture autochtone et à l’éthique, notamment.
Le choix des indicateurs est toutefois primordial pour des avancées concrètes. Par exemple, le gouvernement mentionne dans un rapport au Conseil du trésor avoir accru de 158 % l’achat de mobilier usagé, alors que sa cible était de 12 %. En chiffre, le gouvernement a acheté 80 meubles usagés en 2021-2022, contre 31 l’année précédente. « Ce n’est pas avec l’achat de 80 bureaux usagés que l’ensemble de la société va devenir plus circulaire, image Claude Villeneuve. La force de la stratégie ne réside pas nécessairement dans les mots utilisés, mais dans les actions et la rigueur du suivi. »
De plus, le chapitre sur l’implication financière gouvernementale se chiffre à zéro, souligne-t-il. « Aucune transformation ne se fait à coût zéro », note l’expert.
Du côté positif, ce dernier souligne que le ministère de l’Environnement n’est plus celui qui gère la Stratégie, mais celui qui mesure les avancées.
Les demandes de l’UMQ
L’Union des municipalités du Québec (UMQ) était aussi de passage aux auditions publiques de la Commission des transports et de l’environnement de l’Assemblée nationale du Québec, dans le cadre des consultations particulières sur le projet de Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, mardi.
L’UMQ y a présenté un mémoire qui comprend 23 recommandations. Le président de l’UMQ et maire de Gaspé, Daniel Côté, a profité de sa présence à l’Assemblée nationale pour en souligner quelques-unes. L’UMQ recommande de prévoir un programme de 100 millions de dollars par année pour la réalisation de la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire, ainsi qu’une enveloppe de 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour un nouveau programme pour la construction et la rénovation d’installations sportives.
L’UMQ demande aussi à Québec de moderniser la Loi sur l’expropriation pour favoriser la protection des espaces naturels, et ainsi contribuer à l’atteinte de 30 % de protection du territoire en 2030.