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Dépression, anxiété, troubles du comportement: les travailleurs sociaux peuvent jouer un rôle clé pour les enfants ayant des besoins particuliers. Là où ça devient plus compliqué, c'est quand la relation entre les parents est conflictuelle.
Amélie Chabot, finissante à la maîtrise en travail social, est bien placée pour le savoir. En faisant un stage en pédopsychiatrie, elle a été sensibilisée aux enjeux des jeunes ayant à la fois des troubles de santé mentale et des parents séparés. «Souvent, un des deux parents ne s'impliquait pas dans les rencontres, ce qui m'amenait à poursuivre mon suivi avec l'autre. La garde de l'enfant était partagée entre sa mère et son père, mais je ne pouvais l'aider que dans un seul des deux milieux.»
Cette expérience l'a incitée à s'intéresser davantage à la réalité des travailleurs sociaux qui interviennent auprès de parents séparés dont les enfants présentent des problèmes de santé mentale. Sous la direction de la professeure Marie-Christine Saint-Jacques, elle a mené des entrevues avec 11 travailleuses sociales. Ces professionnelles, issues de différents établissements au Québec, cumulent en moyenne 17 années d'expérience, que ce soit au sein de la Direction de la protection de la jeunesse, d'un programme de CLSC, en pédopsychiatrie ou en pratique privée.
L'objectif de l'étudiante était de mieux comprendre les obstacles vécus par ces travailleuses sociales. «Environ la moitié des enfants vont vivre au cours de leur vie la séparation parentale. La littérature se penche beaucoup sur les effets de la séparation sur l'enfant, sur les façons d'intervenir en santé mentale, sur l'importance d'impliquer les parents. Même si le phénomène de la séparation est fréquent, quand on parle d'intervention familiale en santé mentale jeunesse, on ne parle jamais des enfants qui ont des parents séparés, d'où l'importance de jumeler ces deux sujets», souligne Amélie Chabot.
Au fil de ses entrevues, l'étudiante a constaté à quel point un conflit entre deux parents peut venir complexifier le soutien fourni à l'enfant. «Les travailleuses sociales rencontrent énormément de parents séparés qui assument ensemble leur rôle de façon positive, mais c'est surtout leur expérience auprès des familles conflictuelles qui ressort. Une relation conflictuelle entre deux parents représente un défi et une charge de travail supplémentaire pour ces professionnelles. Alors que leur objectif est d'aider l'enfant, certaines en viennent à jouer le rôle de médiatrice familiale.»
D'autres, en revanche, préfèrent diriger les parents vers des ressources spécialisées. Ou encore poursuivre les suivis avec un seul des deux parents afin d'éviter que les enjeux de la séparation teintent les rencontres. «Il est difficile de tracer la ligne entre ce que doit faire une travailleuse sociale dans ce genre de situation. Chacune doit se positionner et trouver son équilibre, ce qui n'est pas toujours évident.»
Autre défi constaté par l'étudiante: le manque d'engagement de certains pères dans les interventions. «Pourtant, les statistiques témoignent de la présence de plus en plus accrue des pères dans la vie quotidienne de leurs enfants. Est-ce les pères qui s'impliquent moins ou les intervenantes qui ne sont pas outillées pour s'aventurer dans la relation conflictuelle des parents et qui préfèrent poursuivre les suivis avec seulement la mère? Chose certaine, il y a plusieurs enjeux par rapport à l'implication parentale.»
Amélie Chabot insiste sur l'importance de mieux encadrer les pratiques. «Le message que je veux transmettre, ce n'est pas que les familles séparées représentent une complexité ou une lourdeur dérangeante pour les professionnels de la santé. Elles ont besoin de services et il est essentiel d'y répondre. Les travailleurs sociaux devraient avoir un guide de pratique plus clair afin de pouvoir se préparer efficacement aux défis. Pour l'instant, ils jonglent avec les problèmes et tentent de trouver des solutions en se basant sur ce qui fonctionne ou non dans leurs expériences», conclut-elle.