Chronique|

Le (lent) retour de la couche d’ozone

SCIENCE AU QUOTIDIEN / «Est-il exact que la couche d’ozone se rétablit rapidement ? Quelles sont les actions qui ont mené à ce succès ?», demande Charles R. Amyot, de Québec.


Il y a des signes clairs que la couche d’ozone est effectivement en train de récupérer, mais «rapidement» est un mot un peu fort. D’après le dernier rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur le sujet, paru plus tôt ce mois-ci, il faudra attendre jusqu’en 2066 avant que les quantités d’ozone au-dessus de l’Antarctique (où la situation est la pire) ne reviennent à leur niveau de 1980. Au-dessus de l’Arctique, ça n’arrivera pas avant 2045, et vers 2040 pour le reste de la planète.

L’ozone, s’il faut le rappeler, est une molécule composée de trois atomes d’oxygène (O3) — contrairement à l’«oxygène moléculaire» que nous respirons, qui n’en compte que deux (O2). Il s’agit d’une molécule instable, très réactive et qui ne dure pas longtemps avant de se briser. 

Dans la haute atmosphère, l’ozone joue tout de même un rôle crucial pour la vie sur Terre. En plus de la lumière visible et de la chaleur, le Soleil émet en effet des radiations cancérigènes, les ultraviolets (UV). 

Quand ce rayonnement arrive dans l’atmosphère, sa partie la plus dangereuse, nommée UVC, a tellement d’énergie qu’elle brise les molécules d’O2 en deux atomes d’oxygène séparés (on parle alors d’«oxygènes libres»). Heureusement, toute l’énergie des UVC est dissipée de cette manière entre 15 et 30 km d’altitude, si bien qu’aucun n’atteint le sol.

Les «oxygène libre» sont cependant extrêmement réactifs et ne demeurent jamais seuls longtemps : ils vont rapidement se greffer à des molécules d’O2 pour former de l’ozone. Ensuite, cet ozone sera éventuellement frappé par un rayon d’UVB (pas aussi nocifs que les UVC, mais vraiment «pas santé» non plus), qui va défaire l’O3 en un O2 et un atome d’oxygène seul, et le manège recommence. La plupart des UVB sont absorbés de cette façon dans la haute atmosphère.

Le problème de la couche d’ozone vient du fait que certains composés, comme les chlorofluorocarbones (CFC) dont on s’est longtemps servi dans les appareils réfrigérants, notamment, relâchent du chlore (et d’autres choses aussi, mais le chlore est le principal coupable) quand ils sont exposés à l’intense rayonnement ultraviolet de la stratosphère. Ce chlore réagit alors avec l’ozone et vient court-circuiter son cycle.

La chlore (Cl) va effectivement «voler» un oxygène du O3 (qui devient alors du O2 «normal») pour former du ClO, mais ce ClO va rapidement «céder» son atome d’oxygène à un de ces oxygènes libres qui flottent là-haut pour former une molécule de O2 et ainsi… libérer le chlore, qui pourra alors détruire une autre molécule d’ozone.

À cause des courants atmosphériques qui font s’accumuler les polluants vers les pôles et de facteurs locaux — en particulier les «nuages stratosphériques polaires», dont la composition chimique accroît l’action du chlore —, la dégradation de la couche d’ozone est beaucoup plus grave au-dessus de l’Arctique et, surtout, de l’Antarctique.

Lents progrès

C’est dans les années 1970 que l’on a commencé à se rendre compte des dommages à la couche d’ozone. Le Protocole de Montréal a été signé par 24 pays en 1987 justement pour ça : réduire la consommation/production de CFC. Plusieurs autres composés se sont ajoutés à la liste par la suite.

Mais, d’une part, l’élimination ne fut pas instantanée : l’objectif initial était de réduire la consommation de 50 % (par rapport au niveau de 1986) avant 1998, de 90 % avant 2015 et de 100 % d’ici... 2030 seulement. Et d’autre part, les CFC sont des gaz qui peuvent persister longtemps dans l’atmosphère. Une étude récente du Massachussetts Institue of Technology a trouvé que le CFC-11, qui est la principale source de chlore dans l’atmosphère, reste dans l’air autour de 49 ans avant d’être éliminé, et d’autres CFC peuvent persister pendant des siècles.

C’est pour ces raisons que la situation n’évolue que lentement. D’après le rapport de l’OMM, les concentrations de chlore dans la stratosphère ont atteint un sommet en 1993, à 3660 parties par trillion, et se situait à 3240 ppt en 2020, une baisse de 12 % — signe que le Protocole de Montréal donne des résultats, mais qu’il faudra être patient.

La même idée vaut aussi pour les quantités d’ozone mesurées dans la colonne d’air. Une étude parue en 2016 dans Science a constaté que la baisse très nette mesurée depuis les années 1970 au-dessus de l’Antarctique s’était arrêtée vers 2000, et qu’elle fut suivie d’une légère tendance à la hausse. L’OMM confirme la tendance dans son rapport, mais note qu’elle est embrouillée par de grandes variations interannuelles. C’est sans doute ce qui explique, d’ailleurs, pourquoi le record en Antarctique a été observé aussi tard qu’en 2015, ce qui avait fait douter momentanément de la reprise.

L’OMM n’a toutefois observé que des changements «négligeables» dans l’ozone au-dessus de l’Arctique. C’est ailleurs dans le monde (entre les 60e parallèles nord et sud) que la récupération est le plus claire : presque 2 % d’ozone de plus en stratosphère à chaque décennie en moyenne.

* * * * *

Vous vous posez des questions sur le monde qui vous entoure ? Qu’elles concernent la physique, la biologie ou toute autre discipline, notre journaliste se fera un plaisir d’y répondre. À nos yeux, il n’existe aucune «question idiote», aucune question «trop petite» pour être intéressante ! Alors écrivez-nous à : jfcliche@lesoleil.com.