«Le profilage racial, c’est partout, partout, partout»

La sixième édition du Sommet des Jeunes Afro s'est déroulée au musée de la Civilisation de Québec, samedi.

Que ce soit à Montréal, à Québec ou à Saguenay, le profilage racial est «partout, partout, partout», assure le président du Sommet des Jeunes Afro, Édouard Staco. C’est pourquoi l’organisation a voulu sortir de la métropole pour son 6e congrès, qui se déroulait au musée de la Civilisation de Québec, samedi.


«Même si certains aimeraient qu’on arrête d’en parler, ça n’arrêtera pas d’arriver. Et ce sera à nous tous d’en ramasser la facture sociale», souligne M. Staco, qui a présidé le Sommet des Jeunes Afro, auquel ont participé 270 personnes, samedi. 

L’événement, qui sortait pour la première fois de Montréal, regroupe une cinquantaine d’organismes communautaires et plusieurs intervenants qui œuvrent à l’essor socio-économique du Québec. Il se concentre sur l’apport des jeunes des communautés noires. 

Lors de la sixième édition du Sommet, la volonté du gouvernement du Québec de porter en appel la décision invalidant les interceptions aléatoires était au centre des discussions. Le sujet a entre autres été au cœur d’un panel et d’une discussion citoyenne, samedi. 

«On a voulu aborder les sujets chauds», convient Édouard Staco. «Le gouvernement oppose le profilage racial et la sécurité, mais on ne nous a jamais présenté d’étude qui montre qu’un crime majeur a été évité à la suite d’un profilage racial», a plaidé l’intervenant. «Quand vous traitez mes enfants comme des criminels potentiels, vous créez de la frustration et nuisez à la collaboration», a-t-il mis en garde.  

Le président du Sommet des Jeunes Afro, Édouard Staco.

Et il serait faux de penser que ces enjeux se limitent aux frontières de la métropole. «C’est partout, partout, partout», assure M. Staco. «Même si le nombre [d’interpellations aléatoires] est plus marqué à Montréal, le profilage est un outil qui est utilisé partout. On donne à un individu le pouvoir arbitraire d’arrêter des personnes, et souvent, ce n’est pas au hasard», juge-t-il. 

Le Sommet des Jeunes Afros a également tenu des ateliers et des présentations sur les entraves à la diplomation des jeunes noirs en sciences infirmières, sur les opportunités économiques des communautés noires et sur d’autres sujets d’actualité. 

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Les organisateurs ont également déployé une exposition au Grand Marché de Québec, qui témoigne de la présence des communautés noires au Québec depuis 400 ans. Elle sera exposée jusqu’au 28 février.

Les personnes noires surqualifiées et sous-payées à Québec

La tenue du Sommet dans la Capitale-Nationale a également été l’occasion pour les intervenants de discuter d’une situation qui touche les personnes noires : l’écart salarial avec la population blanche pour le même niveau d’éducation. 

Selon Édouard Staco, au Québec,  les diplômés universitaires noirs auraient accès à des postes beaucoup moins payants que leurs camarades caucasiens, limitant les opportunités d’essor économique. Ainsi, les diplômés universitaires noirs auraient un salaire moyen de 54 900$ par an selon Statistiques Canada (2021), comparativement à 83 300$ pour leur contrepartie blanche.

«On ne parle pas de collègues qui ont des salaires différents, mais plutôt d’opportunités d’avancement inégales», précise le président du Sommet des Jeunes Afro. 

Cette situation toucherait particulièrement les personnes noires de la région de Québec, qui jouissent d’une meilleure scolarisation que les communautés du reste de la province, notamment puisque bon nombre d’entre eux arrivent dans la capitale par l’Université Laval. «Une grande partie de la population noire de Québec est tombée en amour en étudiant dans la région», explique M. Staco. 

Il donne en exemple la situation d’un diplômé en ressources humaines de l’Université Laval, présentement attitré à un emploi de saisie de données dans une entreprise de la région, dont il préfère taire le nom. «Ce n’est pas quelqu’un qui est au chômage, mais c’est un diplômé universitaire qui occupe un poste qui demande un secondaire cinq», souligne-t-il. «C’est une perte de talent.»

«Et puisqu’à Québec, la communauté noire est généralement très éduquée, il y a beaucoup de pertes de talents», déplore-t-il.