Violations des droits humains au Pérou: le Canada doit se prononcer

POINT DE VUE / Le gouvernement du Canada doit dénoncer la violente répression de manifestants au Pérou par le gouvernement de Dina Boluarte. Le 7 décembre 2022, l’ancien président Pedro Castillo (2021-2022) a été évincé de ses fonctions après avoir tenté de dissoudre temporairement le Congrès et d’établir un gouvernement d’urgence.

POINT DE VUE / Le gouvernement du Canada doit dénoncer la violente répression de manifestants au Pérou par le gouvernement de Dina Boluarte. Le 7 décembre 2022, l’ancien président Pedro Castillo (2021-2022) a été évincé de ses fonctions après avoir tenté de dissoudre temporairement le Congrès et d’établir un gouvernement d’urgence.


Quelques heures après la destitution de Castillo, l’ancienne vice-présidente Boluarte a prêté serment. En tant que présidente, Boluarte a noué des alliances avec des représentants de partis politiques ultraconservateurs.

  • Le 8 décembre, elle a annoncé que son administration ne prioriserait plus les projets visant à lutter contre les inégalités structurelles qui étaient au cœur de la plateforme de son parti. Suite à ce virage inattendu, les mobilisations citoyennes ont gagné en substance et pris de l’ampleur.

Les revendications des manifestants sont plurielles et hétérogènes, mais beaucoup se rejoignent dans leur appel à la démission de Boluarte, à la clôture du Congrès, à de nouvelles élections et à une Assemblée constituante plurinationale.

Le gouvernement Boluarte a répondu par la répression militaire et la violence meurtrière. À ce jour, les violations documentées des droits humains comprennent environ 44 exécutions extrajudiciaires de civils et neuf autres décès enregistrés entre le 11 dà=cembre et le 18 janvier, la plupart d’entre eux en raison de l’usage disproportionné de la force par la police et l’armée. 

  • La violence d’État a particulièrement touché la population civile des communautés autochtones et rurales. Tous les décès sont survenus à l’extérieur de Lima, la capitale du Pérou. Certaines des personnes tuées étaient des mineurs ou des passants. L’un d’eux était un étudiant en médecine qui faisait partie d’une brigade de secouristes volontaires. La violence d’État continue à ce jour.


  • L’utilisation d’armes meurtrières et l’usage disproportionné de la force pour disperser les foules et éloigner les manifestants des infrastructures critiques. Selon un document de 2020 du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, seules les armes à létalité réduite sont autorisées en réponse aux manifestations, sauf lorsqu’une menace identifiable et spécifique met la vie en danger imminent.


  • L’utilisation d’agents de police en civil lors de manifestations pour intensifier la violence et permettre des techniques de répression de plus en plus dangereuses. Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a expressément recommandé l’interdiction de cette pratique.


  • Détentions arbitraires, raids et autres violations flagrantes du droit à une procédure régulière. L’Office national de coordination des droits humains a signalé que les avocats de la défense n’étaient pas présents lorsque les détenus ont été placés en garde à vue et interrogés. Dans certains cas, les avocats de la défense ont été empêchés d’aider les détenus, en violation de leur droit à un avocat. L’Office signale également que la police a introduit de fausses preuves pour incriminer les détenus.


  • Arrestations ciblées de dirigeants communautaires par des forces de police spécialisées dans la lutte contre le terrorisme. Des dirigeants arrêtés en province ont été illégalement transférés dans des centres de détention à Lima.


  • Le recours à des procureurs spécialisés dans le crime organisé pour enquêter sur les manifestations et les incidents violents qui s’y produisent, conformément aux instructions émises par le ministère public le 15 décembre. Cette approche privilégie la criminalisation des organisateurs communautaires aux enquêtes sur les pratiques policières. Notons que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a exhorté le gouvernement péruvien de laisser des procureurs spécialisés dans les droits humains diriger ces efforts.


  • Fausses accusations de «terrorisme» portées contre les manifestants et les organisateurs communautaires et utilisées pour justifier des détentions arbitraires et justifier un usage disproportionné de la force par l’armée et la police. Ces allégations sont amplifiées par les médias privés, dont la propriété est très concentrée. La Commission interaméricaine des droits de l’homme a condamné ces allégations et l’utilisation d’un langage stigmatisant contre les manifestants.


  • Des médias alternatifs et des journalistes indépendants ont fait l’objet de menaces et d’attaques physiques pour des reportages sur la violence d’État, souvent de la part de la police. L’Assemblée générale des Nations Unies a condamné ce type de violence contre les journalistes, notamment dans le cadre de leurs travaux sur les manifestations et les conflits. 

De plus, avec une presse d’entreprise presque monopolisée, la mésinformation et la désinformation sont devenues courantes dans différents circuits d’information.

Il est également important de mentionner que le 18 décembre, dans sa première entrevue télévisée, Boluarte a déclaré que tous les décès liés aux manifestations seraient du ressort d’une juridiction militaire. Cette affirmation a cependant été retirée en raison de l’arrêt de la Cour interaméricaine des droits humains selon lequel tous les cas de violence de l’État contre des civils devraient faire l’objet d’enquêtes par des institutions civiles et non militaires.

Nous exhortons le gouvernement canadien à rejeter toute violation des droits humains commise par le gouvernement Boluarte au Pérou et à ajouter sa voix aux appels de la communauté internationale pour mettre fin à la répression violente des civils exerçant leur droit de manifester.

Alonso Gamarra, doctorant en anthropologie, Université McGill
Rossio Motta-Ochoa, professeure adjointe, École de travail social, Université de Montréal
Lucia Flores Echaiz, avocate et candidate à la maîtrise en droit à l’UQAM

Pour le Collectif Solidarité Québec-Pérou + 195 signataires