L’enquête et la quête de Magalie Lépine-Blondeau

Magalie Lépine-Blondeau tient le rôle principal dans la télésérie <em>Les Yeux fermés.</em>

La blessure laissée par un deuil peut prendre un long moment avant de guérir. C’est souvent aussi le travail d’une vie. Celle qui afflige Élise (Magalie Lépine-Blondeau) et sa mère Lorraine (Anie Pascale) dans la télésérie Les Yeux fermés dure depuis près de 30 ans. Plus rien n’a été pareil après le suicide de celui qui était le frère de l’une et le fils de l’autre. Mais l’adolescent s’est-il vraiment enlevé la vie? Que se cache-t-il derrière sa disparition qui a fait voler en éclats la cellule familiale?


Le visionnement des deux premiers épisodes ne permet pas d’apporter de réponses à ces intrigantes questions. Aussi nous tarde-t-il de découvrir les quatre autres volets qui permettront de savoir qui a fait quoi, comment et pourquoi dans ce drame psychologique de très belle tenue écrit par Anita Rowan, réalisé par Jeanne Leblanc et produite par le tandem Fabienne Larouche-Michel Trudeau. La série est disponible à compter de jeudi sur ICI Tou.tv. Extra.

Dans la demeure familiale des Dénommé, rien n’a changé depuis un certain mois de septembre 1994, comme si le temps s’était arrêté. La chambre de Simon (Léokim Beaumier-Lépine) est restée la même. «Elle est dans le formol. Même chose pour le reste de nos vies», lance sèchement Élise à cette mère vieillissante qui a décidé de casser maison pour aller vivre en institution. «Je veux partir, je souffre ici», avoue-t-elle.

On devine rapidement que les relations entre les deux femmes ne sont pas au beau fixe. À l’incapacité de la mère d’oublier le drame s’ajoute une foule de reproches adressés à mots couverts à sa fille. La jeune enseignante traîne elle-même une lourde culpabilité, non seulement en lien avec le drame, mais aussi pour son rôle dans le divorce de ses parents, ce qui expliquerait son refus de s’attacher à aucun homme que ce soit, préférant les histoires d’un soir.

De fil en aiguille, troublée par une mystérieuse note laissée à son attention, la tourmentée Élise se fera détective afin de faire la lumière sur ce drame toujours aussi vif. Une enquête citoyenne qui se transformera en quête personnelle. Elle fouillera dans les vieux albums photos, lire le journal intime de son frère, se rendra à la soirée de retrouvailles des anciens de son école. Ses découvertes changeront radicalement sa perception des événements.

Les yeux fermés délibérément?

Au gré d’allers-retours dans le temps, entre ce tragique automne 1994 et aujourd’hui, Les yeux fermés fait se croiser différents personnages qui forment les pièces du casse-tête. Au premier rang, l’ancien animateur de pastorale devenu évêque (Benoît McGinnis) qui a bien connu le disparu à l’époque de la polyvalente.

«Le deuil n’est pas une ligne droite, dit-il à Élise. On peut rester pris dans la même étape, on peut même revenir en arrière.» Le religieux a-t-il eu un rôle à jouer dans la tragédie? Encore une sordide histoire de prêtre pédophile? Rien n’est moins sûr.

L’intrigue distille avec habileté les indices à petites doses. Le spectateur en arrive à se demander si certaines personnes auraient délibérément fermé les yeux à l’époque sur les circonstances entourant le suicide de Simon. D’où la signification du titre.

Un Polaroïd des années 90

À titre d’«enfant survivant» de ce clan familial dysfonctionnel, où le père (Patrice Dubois) cache aussi un mystère, Magalie Lépine-Blondeau explique que la démarche de son personnage est mue par «un désir d’avancer et de comprendre cette affaire figée dans le temps».

En table ronde virtuelle depuis Montréal, Anita Rowan parle des Yeux fermés comme d’une plongée au coeur de la «mythologie familiale» et de tous ces événements du passé qui en viennent à forger notre personnalité.

À titre d’«enfant survivant» de ce clan familial dysfonctionnel, où le père (Patrice Dubois) cache aussi un mystère, Magalie Lépine-Blondeau explique que la démarche de son personnage est mue par «un désir d’avancer et de comprendre cette affaire figée dans le temps».

En jouant à saute-mouton entre le passé et le présent, la série ramène le téléspectateur au coeur des années 90, que ce soit au plan des décors, de l’environnement musical (Vilain pingouin) que des mœurs.

C’est une série qui parle du deuil, mais c’est aussi un Polaroïd d’une époque, explique Anita Rowan. Ça fait 30 ans, mais on dirait une autre vie. J’ai été émue de voir à quel point la vie a changé.»

L’équipe de production a trimé dur afin de dénicher les jeunes acteurs appelés à jouer les personnages de Simon et d’Élise à l’âge de 10 ans (Laurence Ménard). «Léokim a été un coup de coeur. C’est un mélange de grande fragilité et de force, explique Jeanne Leblanc. Pour Laurence, on a cherché à travers une vingtaine de candidates quelqu’un qui avait une ressemblance avec Magalie. Laurence avait une petite lueur dans l’oeil.»

«Elle est vraiment plus cute que moi...», conclut Magalie Lépine-Blondeau dans un éclat de rire.