Une révolution dans le monde de l'hygiène féminine

Lanna Last et Rashmi Prakash ont collaboré depuis un an avec Innofibre à Trois-Rivières afin de créer une serviette hygiénique entièrement compostable.

Une véritable révolution est en marche dans le monde des serviettes et tampons hygiéniques. Une jeune entreprise, Aruna Revolution, démarrée par deux finissantes de l’Université de la Colombie-Britannique, a travaillé en collaboration avec le centre de transfert technologique Innofibre du Cégep de Trois-Rivières afin de créer une serviette hygiénique entièrement compostable, sans plastique, fabriquée à partir... de matières compostables exactement comme celles que l’on s’apprête à déverser dans notre nouveau bac brun.


Nos pelures de pommes de terre, nos cœurs de pommes et rognures de légumes, mais surtout les résidus végétaux de diverses entreprises agricoles ou de transformation alimentaire, auront un tout nouveau destin, car la cofondatrice de l’entreprise, Rashmi Prakash, qui est ingénieure biomédicale, explique que son produit final sera fabriqué à partir de leurs fibres.

«La sécurité du produit est notre priorité», assure Mme Prakash.



La jeune entrepreneure ne cache pas que ce n’est qu’un début puisque son entreprise s’intéresse également à la production de couches, de serviettes de maternité et autres produits faits de fibres non tissées.

Aruna Revolution, l’entreprise qu’elle a démarrée avec sa collègue Lanna Last, diplômée en arts, vient d’être choisie parmi les six finalistes canadiennes du Défi de réduction du gaspillage alimentaire pour les volets des technologies novatrices d’Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Au cours de sa vie fertile, une femme utilisera entre 5000 et 15 000 serviettes sanitaires et tampons. Le plastique qu’ils contiennent prendra entre 500 et 800 ans à se dégrader dans l’environnement. Ceux qui n’auront pas été envoyés dans des lieux d’enfouissement peuvent se retrouver éventuellement dans les océans et contribuer au problème des microplastiques.

Rashmi Prakash et sa collègue Lanna Last sont deux personnes sensibles à la question environnementale et au problème de gaspillage alimentaire. «Nous étions étudiantes à l’Université de la Colombie-Britannique et nous suivions toutes les deux un cours de MBA durant nos études de maîtrise et c’est alors que nous avons étudié l’entrepreneuriat et il fallait créer un projet. Nous avons pris conscience que nous étions toutes les deux préoccupées par la santé menstruelle parce qu’il manque de recherche et d’innovation dans ce domaine et ça nous fâchait toutes les deux de constater que les produits sanitaires aboutissent dans les lieux d’enfouissement. Pour nous, les produits durables, c’est important, alors nous avons décidé de nous attaquer au problème à la fin de ce cours, en 2020», raconte Mme Prakash.



Après beaucoup de recherches, il leur est apparu que les matières compostables représentaient une matière première de choix pour aller de l’avant avec leur projet. «Il y a des tonnes de nourriture qui sont gaspillées. L’occasion est belle d’en tirer des fibres utiles», explique-t-elle. «Nous utilisons un procédé pour extraire les fibres au cours duquel toute forme de bactérie est éliminée», ajoute-t-elle. Le procédé n’est pas tellement différent de celui qui nettoie le coton avant qu’il soit transformé en différents produits. «Nous surpassons les exigences de l’industrie en matière de propreté», assure-t-elle.

Les serviettes hygiéniques produites ainsi présentent des avantages, soit une meilleure thermorégulation.

Lorsque l’entreprise sera prête à les mettre en marché, les serviettes hygiéniques seront enveloppées individuellement dans de petites enveloppes fabriquées elles aussi de matières compostables qui ont des propriétés hydrofuges tout en étant compostables.

Rashmi Prakash estime que c’est Innofibre qui a fait toute la différence dans le projet d’Aruna Revolution. Il n’y avait aucun autre endroit au Canada «même dans le monde», insiste-t-elle, où il était possible de faire de la recherche et du développement de la façon dont ces installations de Trois-Rivières ont permis de le faire. L’idée, pour cette entreprise, «c’est de faire des serviettes hygiéniques compostables et non pas biodégradables, car biodégradable signifie que ces produits vont seulement se décomposer en petites particules et il n’y a pas de garantie que ces particules seront utiles. C’est le cas pour beaucoup de plastiques qui sont biodégradables. Mais compostable veut dire que ça peut être transformé en compost utile et il y a une grosse demande sur le marché pour ça, surtout chez la jeune génération qui se préoccupe de l’environnement», fait valoir l’entrepreneure.

Aruna Revolution veut construire une usine de production à Trois-Rivières prochainement, mais l’année 2023 sera un banc d’essai pour le produit. C’est principalement son partenariat avec Innofibre qui incite l’entreprise à venir s’établir dans la région. «C’est une installation incroyable qui nous offre beaucoup d’aide et d’accès aux technologies. La façon dont Innofibre peut nous aider est tellement unique que nous n’avons pas trouvé d’équivalent ailleurs dans le monde», souligne Mme Prakash. Ça fait un an que l’entreprise travaille avec Innofibre.