Ainsi parle Emma (Julie de Lafrenière), l’un des quatre personnages féminins de la télésérie Les bombes, disponible en six épisodes d’une heure sur Séries+ à compter du 2 février. Écrite par Kim Lévesque-Lizotte (Avant le crash) et réalisée par Pascal L’Heureux, cette «dramédie» aborde le parcours à obstacles de quatre femmes débarquées dans un centre de thérapie nouveau genre pour guérir leurs dépendances.
Emma, donc, est accro aux réseaux sociaux. Elle s’invente des vies de rêves à des années lumière de la sienne. Sur Tinder, elle fait croire à un prétendant qu’elle est un pétard. Sauf que ses 150 000 followers sur Instagram ne parviennent pas à lui faire oublier le vide de son existence.
Juliette (Olivia Palacci), elle, souffre d’une dépendance au gambling. La série débute par une descente policière dans un maison de jeux illégale où elle assouvit sa passion pour le poker. Son chum (Fred-Éric Salvail) la place devant un ultimatum : tu suis une thérapie ou nous deux, c’est fini. Autrement dit, pour rester dans la thématique, il lui demande de miser sur leur couple.
De son côté, Vicky (Sarah Desjeunes Rico) est une procureure de la Couronne qui se donne corps et âme à son travail. Si elle réussit à se rendre au bout de ses semaines de 70 heures, c’est grâce aux tonnes de médicaments qu’elle ingurgite. Le point de rupture n’est pas loin.
Il y a enfin Claudine (Debbie Lynch-White) qui pense au cul jour et nuit. Hommes, femmes, trip à trois avec madame ou monsieur, les deux en même temps, tout est prétexte pour s’envoyer en l’air. Son vibrateur est son fidèle compagnon. Jusqu’au jour où son frère la somme de régler ce problème qui fait honte à leurs parents.
Ça passe ou ça casse
Ces quatre femmes sont justement arrivées à un stade de leur vie où ça passe ou ça casse. Ce sont des bombes à retardement, d’où le titre de cette série qui, sans rien révolutionner dans le genre, permet de mieux faire comprendre la mécanique des dépendances et la façon de les surmonter.
Le visionnement des deux premiers épisodes a suffisamment piqué notre intérêt pour qu’on veuille en savoir plus long. On est curieux d’en savoir davantage sur l’évolution de ces quatre femmes au fort tempérament, mais aussi sur celle de Grégoire (Jean-François Mercier), un homme de peu de mots, un vieux «bocké» comme on dit, dont la dépendance reste un mystère.
Deux personnages secondaires, Jacinthe (Laetitia Isambert), atteinte d’orthorexie, et Étienne (Félix-Antoine Duval), qui souffre de troubles obsessionnels-compulsifs, se greffent à l’intrigue
Train déjà en marche
Il y avait un moment que Kim Lévesque-Lizotte désirait écrire une télésérie sur les problèmes de dépendance. Sauf qu’il lui manquait un angle original et intéressant. Les drames, les larmes, les rechutes à profusion, très peu pour elle. D’où son enthousiasme lorsque la productrice Sophie Deschênes (Sovimage) lui a proposé d’embarquer dans un train déjà en marche, le projet des Bombes ayant été lancé par les quatre comédiennes.
«Ce sont quatre actrices qui avaient envie de jouer ensemble. Elles en avaient assez de toujours se retrouver en audition les unes contre les autres», explique la scénariste en entrevue téléphonique au Soleil. L’idée originale était là, les personnages étaient bâtis. Ma job a consisté à leur insuffler une vie, leur donner des mots, à approfondir leur vécu.»
Célébrer la diversité corporelle
Détail non négligeable dans l’histoire, les quatre comédiennes sont des femmes rondes et corpulentes. D’en voir une, cantonnée comme c’est la coutume dans le rôle de la meilleure amie ou de la comique de service, c’est un lieu commun au petit écran, mais d’en voir quatre partager les premiers rôles d’une télésérie est une chose plutôt inédite à la télé québécoise.
Kim Lévesque-Lizotte trouve importante de célébrer cette diversité à l’écran. «Ce sont des femmes grosses, mais elles ont d’autres préoccupations que de défendre ce qu’elles sont corporellement. Les problèmes qu’elles vivent sont extérieurs à leur corps.»
N’empêche, l’auteure n’a pu s’empêcher de jouer la carte de l’autodérision. « Vous êtes certaines qu’on n’est pas dans un centre d’amaigrissement?», lance l’une d’elles à ses compagnes en train de se brosser les dents, alignées devant le miroir de la salle de bain.
Quête identitaire
Jouant sur la fine ligne entre comédie et drame, Les bombes fait surtout mouche dans ses moments plus dramatiques. Dans ce centre de thérapie holistique dirigé par un couple (Lise Roy et Pier Paquette), il est intéressant de suivre les séances de thérapie collectives et individuelles du psy de la maison (Jean-Nicolas Verreault). Chaque personnage est appelé à s’ouvrir sur les raisons profondes, souvent reliées à un traumatisme de l’enfance, qui l’ont mené dans un cul-de-sac. En cela, la série fera certainement œuvre utile auprès du public.
«C’est une quête identitaire et existentielle, explique Kim Lévesque-Lizotte. Ce sont souvent des problèmes qui n’ont jamais été traités en amont qui finissent en auto-médicamentation. On est très bons pour intellectualiser et normaliser nos dépendances. On apprend à vivre avec, à les apprivoiser avec un p’tit verre de vin ou une pilule. Engourdir le mal c’est toujours plus facile que de remonter en thérapie dans l’enfance pour mieux le comprendre.»
En bout de ligne, dans le long chemin vers la guérison d’Emma, Juliette, Vicky et Claudine, c’est un message d’espoir que livre Les Bombes, conclut l’auteure. «Ensemble, elles sont plus fortes, c’est ça qui reste à la fin.»