Mercredi, le ministre du Travail, Jean Boulet, annonçait la hausse du salaire minimum à 15,25$ à compter du 1er mai. Une augmentation de 1$. Son plus grand bond depuis 1995.
Cette bonification du plancher salarial québécois pourrait toucher autour de 7% des travailleurs. «Soit ceux qui gagnaient entre 14,25$ et 15,25 $ de l’heure à la fin de 2022», explique Suzie St-Cerny, professionnelle de recherche à la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
«Ceux qui par exemple gagnaient 15$ de l’heure [donc en haut du salaire minimum] en 2022, vont profiter d’une augmentation, mais il ne font pas partie des statistiques de ceux au salaire minimum».
Cette statistique, dont fait référence Suzie St-Cerny, provient de l’étude sur le salaire minimum et les coûts de la vie publiée annuellement par la chercheuse et Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.
L’an dernier, la recherche avait établi qu’un peu plus de 200 000 travailleurs québécois étaient payés à la plus basse échelle de salaire au Québec en 2021. Représentant 4,8% des emplois totaux au Québec.
Et selon des données pour 2022, reçues par Mme St-Cerny dans le cadre de la prochaine étude, prévue au printemps, le nombre de travailleurs qui dépendent directement du salaire plancher est en pente descendante. Il pourrait se trouver en bas du taux de 2021.
Mme St-Cerny rappelle toutefois que les données ne sont pas encore analysées en détail.
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«Je n’oserais pas tout vous dévoiler ce que nous avons pour l’instant, mais ça va clairement être en baisse pour 2022», confirme-t-elle néanmoins.
Mais si la hausse du salaire minimum touche de moins en moins de travailleurs directement, elle n’est pas sans avantage pour ceux dont la rémunération horaire est de quelques sous supérieurs, ajoute Mme St-Cerny.
Puisque la hausse «devient un argument» afin de demander une augmentation pour «maintenir l’écart» avec le salaire plancher, explique-t-elle.
La guerre des salaires
On le répète souvent : les employés ont maintenant le gros bout du bâton quand vient le temps de choisir un employeur.
La démographie du Québec n’aide pas. La population vieillit. Le taux de natalité reste bas. Et le taux de chômage s’approche du plein emploi, en ayant atteint 4% en décembre dernier.
Le ministre Jean Boulet avait d’ailleurs signalé que le Québec pourrait vivre «un creux historique» en 2030, lors d’un précédent point de presse.
L’employeur doit donc mettre les bouchés doubles pour attirer l’intérêt de potentiels travailleurs, qui eux, ont l'embarras du choix. Ainsi, payer ses employés 15,25$ de l’heure pourrait s’avérer ne pas être la meilleure technique de recrutement.
Pour pallier le manque de travailleurs, les efforts que font les entreprises pour attirer leur regard passent de plus en plus souvent par le portefeuille. En d’autres mots, ils laissent de côté le salaire minimum.
Au début de 2022, Statistiques Canada avait également prélevé des échantillons auprès de la communauté d’affaires.
Parmi les questions posées aux entreprises se trouvait celle-ci : «Au cours des 12 prochains mois, cette entreprise ou cet organisme prévoit-il commencer à faire ce qui suit?»
Parmi les répondants, près de 46% ont prévu d'augmenter le salaire offert aux nouveaux employés. Et près de 65% ont considéré gonfler celui des employés actuels.
Une technique que plusieurs semblent avoir appliquée.
En quelques clics sur les sites de recherche d’emploi au Québec, les offres sont nombreuses. Et un constat se répète. Les emplois au salaire minimum se font un peu plus rares et ceux «au salaire concurrentiel» gagnent en popularité. Et ce, peu importe le secteur.
Rappelons que le salaire minimum doit correspondre à 50% du salaire annuel moyen. Mais en raison des enchères salariales sur le marché du travail «si les salaires augmentent tous beaucoup dans le prochaine année, et bien le salaire minimum va suivre cette augmentation-là», rappelle Suzie St-Cerny.
«Est-ce qu’éventuellement il n’y aurait plus personne au salaire minimum? Peut-être, mais ce serait surprenant», nuance-t-elle.