L’étonnante poésie du chaos

Imaginée et mise en scène par Eliot Laprise, <em>Je veux participer au chaos</em> est une œuvre qui n’a pas besoin de mot pour charmer son public.

CRITIQUE / Imaginée et mise en scène par Eliot Laprise, Je veux participer au chaos est une œuvre qui n’a pas besoin de mots pour charmer son public. Le geste, la musique, la lumière et l’ombre se marient savamment sur la scène du Périscope pour créer des tableaux étonnamment poétiques.


On peut compter sur les doigts d’une main le nombre d’interventions orales au cours de ce spectacle d’une heure. C’était prévisible, car les cinq interprètes — Sonia Montminy, Nelly Paquetin, Fabien Piché, Alexandrine Warren et Léa Ratycz Légaré — cumulent ensemble plus d’expérience en danse qu’en théâtre.

C’est donc avec leurs corps qu’ils évoquent l’histoire de cet individu qui percute une voiture avec son vélo. Au-delà de son corps meurtri, cette personne est marquée par le sincère élan d’émotion de la conductrice à son égard.

Cette démonstration franche d’empathie éveille quelque chose en elle. Quelque chose qu’elle cherche ensuite à reproduire.

Dès le début du spectacle, on est épaté par la brillante utilisation de la lumière conçue par Émile Beauchemin. Celle-ci frappe da manière frontale une large toile au fond de la scène, puis s’éteint subitement. Le manège de répète plusieurs fois.

 Émile Beauchemin a fait un excellent travail à la conception des éclairages.

Dans l’obscurité aveuglante, les interprètes se déplacent furtivement. Quand la lumière revient, les silhouettes ne sont jamais là où on les imaginait. Ou encore, on remarque qu’un nouvel interprète a pris la place de celui qui se trouvait là juste avant.

C’est dans ce décor que les protagonistes font leurs premières expériences. Sans se toucher, ils s’observent s’élancer au sol, se tordre de douleur et boîter d’un bout à l’autre de la scène. On les sent sérieux dans leur démarche, attentifs à leurs sensations et aux réactions.

On bascule ensuite dans un tout autre tableau. La lumière vient maintenant du plafond et découpe un triangle poétique où dansent de la fumée et les interprètes. Cette fois, ils bougent en duo avec une tendresse et une bienveillance absolument touchante.



Une douceur inattendue enveloppe cette performance qui se veut «une recherche punk sur notre conscience de l’autre».

La scène se métamorphose encore. Elle se scinde à l’horizontale grâce aux ingénieux éclairages qui sont réellement une force de ce spectacle. Les interprètes jouent avec ces zones d’ombre et de lumière pour offrir des visions somptueuses.

Les contacts entre les protagonistes deviennent de plus en plus fréquents alors que la pièce avance et qu’ils tentent de reproduire les premières expériences. Leur proximité culmine alors qu’ils se retrouvent sous la toile qui était initialement accrochée au mur.

Les interprètes continuent leur chorégraphie sous le drap pendant qu’on y projette une captation vidéo de cette même chorégraphie.

Beaucoup d’émotions se dégagent de cette œuvre qui se veut «une recherche punk sur notre conscience de l’autre». 

Malgré les souffrances qui semblent traverser violemment les corps, une douceur inattendue enveloppe leurs mouvements. C’est notamment le cas lors du solo désarticulé de Fabien Piché qui est d’une grande beauté.

On peut avoir un aperçu de l’ambiance sonore grâce à la <em>playlist </em>qu’on trouve sur le site du Périscope.

Ses tableaux vivants sont magnifiés par la musique du disque-jockey Jean-Michel Letendre Veilleux qui nous fait passer par un large éventail de styles. Des pulsations électroniques mutent en musique dansante et entrainante qui rencontre éventuellement des cuivres et des cordes.

Présentée jusqu’au 4 février, Je veux participer au chaos est une œuvre «punk» étonnamment poétique qui frappe par la beauté des visions proposées et des émotions émulées.