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En réalité, il se passait principalement deux choses. Je complétais mon primaire à l’école Saint-Ernest et on était en voie de gagner la coupe.

À 12 ans, quand le Titan de Laval gagnait, j’avais l’impression de gagner aussi. C’est probablement la seule fois, dans toute ma vie, où j’ai utilisé le pronom «on» quand je parlais des performances de mon équipe favorite.

J’habitais à 14 minutes de route du vieux Colisée. Le samedi matin, mon équipe atome pratiquait juste avant le gros club. J’avais un peu l’impression de faire partie de l’équipe.

Et Gino Odjick était mon coéquipier favori.

On avait plein d’autres joueurs de talent.

Denis Chalifoux, avec sa vitesse et sa fougue, étourdissait les défensives adverses.

Martin Lapointe, une recrue de 16 ans, venait de connaître une saison de 42 buts.

Éric Raymond était le gardien le plus sous-estimé de la province.

Patrice Brisebois était un futur quart-arrière dans la Ligue nationale de hockey!

Gino comptait plus que tous ces joueurs. Il était notre joueur le plus important. C’était l’âme de notre équipe.

Quand il fonçait dans le fond de la zone pour mettre en échec un adversaire, il frappait pour faire mal. Ses coups d’épaule faisaient vibrer le building au grand complet.

Parfois, quand un adversaire en menait trop large, et quand un de ses coéquipiers encaissaient un coup douteux, Gino se bagarrait.

Ça se passait comme ça, à l’époque.

Mais Gino pouvait aussi marquer des buts.

Dans les séries de 1990, quand on a gagné la coupe, il en a marqué six. En 13 parties.

Je me souviens d’un match où il s’était démarqué un peu partout. Il avait tellement bien joué qu’il avait mérité la deuxième étoile. Quand il est revenu sur la patinoire pour faire son tour d’honneur, il avait retiré son casque. C’est là que, pour la première fois, j’ai vu sa coupe de cheveux des séries. Une impressionnante crête iroquoise. Un «mohawk», comme le veut l’expression populaire.

Et, pour rendre son look encore plus spectaculaire, il avait choisi de le teindre en rose. Un beau rose gomme balloune. Éclatant.

En quittant le Colisée, ce soir-là, nous avons passé devant un petit kiosque de fortune dans lequel une dame vendait des casquettes du Titan.

Toute la palette des couleurs fluorescentes. On était en 1990, après tout. Il en avait des jaunes, des vertes, des orangées...

Mon père a décidé de m’en offrir une. J’en ai pris une rose. Même si les gars ne portaient pas vraiment de rose, à cette époque.

Si c’était la couleur de Gino, c’était ma couleur aussi.

C’était, à mon sens, la couleur de la force et de la virilité.

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••••

Denis Chalifoux se souvient de la conquête de la Coupe du président de 1990. Il se souvient aussi, très bien, de la coupe de cheveux de Gino Odjick.

Le mohawk, c’était évident. «Il a toujours été fier de ses racines autochtones. Il voulait s’afficher le plus possible.»

La couleur?

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«Ça, par contre, je ne sais plus. Il voulait peut-être juste flasher un peu...»

J’ai passé un coup de fil à l’ancienne vedette du Titan, lundi matin. Comme tous ceux qui ont connu Odjick, il vit difficilement avec la nouvelle de son décès.

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Sa soeur Dina a confirmé la triste nouvelle au Droit dimanche soir, quelques heures après qu’il ait été emporté par une crise cardiaque. Il avait 52 ans.

«On lui avait parlé une heure plus tôt, c’est tout un choc d’apprendre qu’il est parti si vite, a-t-elle confié. Nos coeurs sont brisés, il est parti pour le monde des esprits. Il est à Vancouver, mais nous allons le ramener à la maison bientôt.»

Âgé de 52 ans, Odjick était en rémission d’une maladie rare, l’amylose, qui avait réduit la capacité de son coeur à environ 25% par rapport à la normale il y a neuf ans. Rentré dans ses terres à Maniwaki, il avait été sauvé par un traitement expérimental alliant chimiothérapie et médicaments effectué à l’Hôpital d’Ottawa.

En octobre 2020, il avait révélé que la maladie était revenue, mais une répétition du traitement lui avait permis de reprendre le contrôle sur la maladie. Il éprouvait cependant des problèmes de rétention d'eau dans ses jambes et c'est lors d'une visite à l'hôpital pour traiter ceux-ci qu'il a été terrassé par une attaque cardiaque, a rapporté le Vancouver Province.

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Choix de cinquième ronde des Canucks en 1990, après avoir joué son hockey junior avec les Hawks de Hawkesbury puis le Titan de Laval, il a joué huit saisons avec les Canucks, devenant le protecteur notamment de leur vedette russe Pavel Bure, avec qui il a établi une relation privilégiée. S'il était d'abord là pour défendre ses coéquipiers, il a aussi connu une saison de 16 buts et 29 points en 1993-1994, quand Vancouver s'est rendu jusqu'en finale de la coupe Stanley, s'inclinant devant les Rangers de New York.

Il a ensuite terminé sa carrière en portant les couleurs des Islanders de New York, des Flyers de New York et du Canadien de Montréal, son club favori en grandissant. Sa carrière de moins de deux saisons avec ces derniers a pris fin en 2002 en raison d'une accumulation de commotions cérébrales, résultat de plus de 150 combats dans la LNH, et de plusieurs autres auparavant chez les juniors. En 605 parties dans la LNH, il a récolté 64 buts et 73 passes, mais il surtout écopé de 2567 minutes de punition.

L’aréna de Maniwaki a été renommée en son honneur en 2014 tandis qu’il a fait son entrée au Temple de la renommée des sports de la Colombie-Britannique en juin dernier, sa plaque étant installée aux côtés de celle de feu Pat Quinn, qui l’a repêché comme directeur général avant d’être son entraîneur par la suite.

"},"type":"paragraph"},{"author":{"fr":"Bob Hartley, entraîneur de Gino Odjick avec les Hawks de Hawkesbury"},"position":3,"text":{"fr":"

J’ai perdu un de mes ‘kids’, un de mes favoris.

"},"type":"quote"},{"position":4,"text":{"fr":"

«Je suis pas mal fier et ma famille est pas mal fière de moi. Je pense à mon père (Joseph), s’il était encore vivant, il serait fier lui aussi que je sois honoré comme ça. Ma mère (Giselle) aussi le serait, elle qui est décédée l’an passé, dans son sommeil», avait-il alors confié au Droit.

«Tout est en rémission à nouveau, on va prier que ça va rester comme ça encore longtemps. J’obtiens une troisième chance de mordre dans la vie. C’est revenu après que j’aie eu ma deuxième chance», avait-il alors révélé au sujet de son état de santé.

Réactions

Quand il est parti de la réserve pour aller jouer avec les Hawks de Hawkesbury, son premier entraîneur avait été Bob Hartley, qui a plus tard connu une longue carrière dans la LNH. Celui-ci a été peiné d’apprendre la nouvelle de son décès: «J’ai perdu un de mes ‘kids’, un de mes favoris, a-t-il souligné. Gino, c’est mon premier joueur que j’ai envoyé du junior à la LNH. Il était tellement reconnaissant envers tout ce que j’avais fait pour lui. C’était un vrai. Il y aurait un livre de 400 pages à écrire juste sur son année à Hawkesbury.»

Après avoir opéré un terrain de golf sur une réserve près de Vancouver après sa retraite, Odjick a travaillé au sein de l’Association des anciens joueurs des Canucks au cours des dernières années,, s’occupant des relations de l’équipe avec la communauté en plus d’aller derrière le banc lors des parties de l’équipe des anciens, vu qu’il n’était plus en mesure de jouer lui-même.

«Gino a été un favori des partisans dès qu’il s’est joint à l’organisation, mettant tout son coeur et son âme à chaque présence sur la glace de même qu’en dehors de celle-ci. Il a inspiré beaucoup de gens et il incorporait ce que ça veut dire d’être un Canuck. Personnellement, il était un ami proche et un confidant, quelqu’un sur qui je pouvais me fier pour des conseils et des appuis. Il va nous manquer énormément», a déclaré le président du conseil et gouverneur des Canucks Francesco Aquillini par voie de communiqué.

«Merci pour tous les beaux souvenirs, Gino», a pour sa part écrit le Canadien sur son compte Twitter après avoir offert ses condoléances à ses proches.

Son ancien agent Allan Walsh a écrit sur le même réseau social que Gino était «un humain avec un grand coeur et une grande âme, gentil, plein d’empathie et un gros ourson en peluche en dehors de la patinoire».

Ayant réussi à se frayer un chemin à la force de ses poings jusqu’à la LNH, Gino Odjick cherchait aussi à aider les générations suivantes de joueurs issus des communautés autochtones, donnant notamment un coup de main à l’organisme First Assist mis sur pied par l’ancien du Canadien John Chabot, un Algonquin comme lui.

«J’étais justement sur un ‘Zoom’ avec lui le mois dernier pour l’Association des anciens de la LNH. Il était tellement un gars aimable, tout le monde l’aimait. Il était un joueur respecté et je finissais ma carrière quand il a commencé la sienne, on a joué des matches d’anciens ensemble et il avait tellement de bonnes histoires à raconter. Mais la sienne est remarquable et on la cite toujours en exemple aux jeunes lors de nos camps. C’est un choc qu’il nous ait quitté subitement comme ça, après avoir été sur une courte liste de transplantation cardiaque il y a plusieurs années, avant sa rémission. Il a eu un impact direct sur plusieurs jeunes autochtones, à Vancouver et ailleurs, juste en étant Gino... Gino, c’était Gino», a relaté le Gatinois d’origine, qui était dans une communauté du nord de l’Alberta pour un camp lorsque joint par Le Droit.

Gino Odjick était le père de huit enfants et il était le plus jeune d'une famille comptant ses cinq soeurs. Ses parents Joseph et Giselle sont décédés avant lui. Dans la LNH, il a porté le numéro 66 pour son premier match où il avait livré de furieux combats contre Dave Manson et Stu Grimson, des Blackhawks de Chicago. Mais peu après, il a demandé de porter le 29, numéro qui avait donné à son père quand il était à l'infâme école résidentielle de Spanish, en Ontario.

«C'est une perte énorme pour notre communauté. Mes condoléances à la famille, aux amis et à KZA. R.I.P. Gino Odjick», a écrit sur Twitter le chef de Kitigan Zibi Anishinabeg, Dylan Whiteduck.

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Près de 35 ans plus tard, il conserve une certitude.

«Durant toute ma carrière, Gino est le meilleur coéquipier que j’ai eu.»

«Je peux parler pour moi et je peux aussi parler pour Donald Audette. Nous étions deux attaquants plus petits, à une époque où le hockey junior brassait pas mal. Si Gino n’avait pas complété notre trio, nos statistiques n’auraient pas été aussi impressionnantes.»

«Ça, c’est bien vrai», a reconnu Audette, quand je l’ai contacté à son tour.

«Il a rendu toute notre équipe meilleure», a-t-il ajouté.

Denis Chalifoux a très vite compris qui était Gino Odjick. Très tôt, dans un de ses premiers matches dans le junior majeur, la recrue qui venait de Maniwaki lui a fait savoir qu’il comprenait son rôle.

«Il voulait qu’on lui donne des numéros. Il voulait se mettre au travail tout de suite. Donald et moi, on avait beau lui dire que personne ne nous avait encore dérangés, parce que la soirée venait à peine de débuter. Il ne voulait rien entendre.»

«On dirait qu’on avait toujours plus d’espace que les autres, sur la patinoire. On recevait des cheap shots, parfois, mais on en recevait un peu moins que les autres», dit Audette.

«Je n’ai jamais côtoyé un autre bagarreur comme lui, durant ma carrière. Je ne crois que je n’ai jamais vu Gino se battre de façon égoïste, pour régler ses comptes avec un adversaire qui l’avait frappé sournoisement. Il n’avait pas de comptes personnels à régler. Quand il se battait, c’était toujours pour les autres», fait valoir Chalifoux.

«Parfois, il n’avait pas besoin de se battre. Gino, c’était Gino. Il n’avait qu’à parler à l’autre équipe. C’était suffisant.»

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