Deux projets majeurs de graphite annoncés à Baie-Comeau

Un morceau de graphite

L’espace d’une journée, Baie-Comeau est devenu le centre du monde dans l’univers du graphite. En effet, deux projets d’importance ont été dévoilés mardi, soit celui de Nouveau Monde Graphite de produire 500 000 tonnes de concentré de graphite par an dans la région et celui de Northern Graphite de potentiellement construire une usine de matériaux d’anodes pour batteries lithium-ion.


«On vient d’annoncer la même journée l’un des plus grands projets de production de graphite au monde et le plus grand projet d’usine de matériaux d’anodes en Amérique du Nord», rayonnait le directeur du développement industriel chez Innovation et développement Manicouagan (ID Manic), Guy Simard.

En ce qui concerne Nouveau Monde Graphite (NMG), l’entreprise reprend le projet de mine de graphite du lac Guéret initialement proposé par Mason Graphite, mais à la puissance 10. En effet, si Mason songeait à produire 50 000 tonnes de concentré de graphite par année, NMG vise 10 fois plus, soit 500 000 tonnes, avec ce projet renommé Projet minier Uatnan. L’ensemble de la production est destinée à la fabrication de matériel d’anodes

«Le projet de Mason était trop petit pour attirer les investisseurs. Les gros joueurs dans le marché du graphite, comme notamment des constructeurs automobiles, ont besoin de grosses capacité de production. Nouveau Monde apporte un nouveau souffle à ce projet» d’enchaîner M. Simard.

Avec le projet Uatnan, NMG ambitionne de devenir le plus important producteur de graphite de qualité batterie en Amérique du Nord et un acteur incontournable dans le domaine. «Nous avons l’intention de saisir la plus grande part de marché possible pendant cette période historique de croissance de la fabrication de batteries au lithium-ion en Amérique du Nord et en Europe», a fait valoir le président et chef de la direction de NMG, Éric Desaulniers, dans un communiqué.

Si le projet de Mason Graphite prévoyait une usine de seconde transformation du graphite à Baie-Comeau, il n’en est pas question dans le projet de NMG. Il n’y aura pour l’instant qu’un concentrateur à proximité du gisement du lac Guéret, à 220 kilomètres à vol d’oiseau au nord de Baie-Comeau et pas très loin de Manic-5, qui pourrait assurer ses besoins en électricité. «C’est important de générer beaucoup de volume de concentré de graphite», ajoute le directeur du développement industriel.

Dans son état actuel, le projet minier Uatnan procurerait autour de 300 emplois directs. Nouveau Monde Graphite a entamé un dialogue avec la communauté innue de Pessamit pour la création et l’exploitation du projet. D’ailleurs, le changement de nom du projet découle de ce dialogue, uatnan signifiant mélèze en innu, un arbre qui pousse en abondance dans le secteur du lac Guéret.

Une usine de matériaux d’anodes

Quant à Northern Graphite, elle a conclu une entente avec ID Manic afin de dénicher un site dans la zone industrialo-portuaire de Baie-Comeau pour construire une usine capable de produire 200 000 tonnes par année de matériaux d’anodes pour batteries lithium-ion.

Cette usine deviendrait la plus grande du genre en Amérique du Nord et Northern passerait au rang de troisìème plus grand producteur de ce type de matériau en dehors de la Chine, qui règne en maître actuellement sur ce marché.

Si l’entreprise a choisi Baie-Comeau «après avoir étudié plusieurs options, c’est en raison de sa position stratégique», a déclaré le président-directeur général de Northern Graphite, Hugues Jacquemin. L’entreprise a une mine au Québec et des projets de développement de deux autres mines en Ontario et en Namibie et, selon elle, Baie-Comeau offre des possibilités ferroviaires et maritimes qui permettront d’acheminer facilement la matière sur la Côte-Nord.

Et à l’autre bout du processus, «une fois transformé en matériaux d’anodes, on va pouvoir exporter notre produit au Canada, aux États-Unis et en Europe. Baie-Comeau est le meilleur endroit en fonction de nos ressources et de notre logistique», a poursuivi le pdg. La production est totalement destinée aux producteurs de batteries lithium-ion pour l’industrie automobile.

M. Jacquemin reconnaît que le projet est ambitieux, mais on ne peut aller plus bas selon lui si on veut rivaliser avec les Chinois, qui accaparent 95 % du marché des matériaux d’anodes grâce à leurs phénoménales capacités de production. «Si on veut des économies d’échelle, il faut voir grand. Il ne faut pas rêver. Si on veut avoir du succès (face aux Chinois), il faut être compétitif.»

Se développer au rythme du marché

Northern veut donc créer sur la Côte-Nord une infrastructure qui pourra connaître une croissance modulaire afin de se développer au rythme du marché. Au début du projet, il pourra peut-être y avoir quelques dizaines d’employés, suivis par une centaine et, à terme, de plusieurs milliers d’emplois. «Produire 200 000 tonnes de matériaux d’anodes demande une quantité significative d’emplois», soutient le patron.

En vertu de cette entente avec ID Manic, Northern a 12 mois pour évaluer plusieurs sites autour de Baie-Comeau, variant entre 200 000 et 450 000 mètres carrés de superficie, disposent d’un accès ferroviaire et portuaire ainsi qu’un accès à de l’énergie hydroélectrique verte qui permettra d’obtenir l’une des plus faibles empreintes de CO2 dans l’industrie.

Ces 12 mois permettront aussi à l’entreprise de dénicher les partenaires nécessaires pour que le projet aille de l’avant. Sans vouloir le chiffrer, M. Jacquemin indique qu’il s’agit d’un «projet ambitieux» qui aura besoin «d’investissements majeurs». On parle à tout le moins de «quelques centaines de millions» de dollars.

À terme, Northern Graphite veut que le projet de Baie-Comeau devienne un centre d’excellence à grande échelle où on pourra traiter du graphite autre que celui de Northern. Toutefois, Hugues Jacquemin a assuré au passage que les deux annonces de mardi ne sont pas liées, même si elles proviennent toutes deux du monde du graphite.

«Ça dépend si c’est dans leurs intentions, ils ont aussi leur stratégie, mais oui, nous pourrions absolument collaborer avec Nouveau Monde», a-t-il indiqué.