Pour l’heure, seulement 4 des 18 Espaces bleus que doit compter le Québec sont sur les rails :
- La maison-mère du réseau dans le pavillon Camille-Roy du Séminaire de Québec ;
- La villa Frederick-James de Percé, en Gaspésie;
- Le Vieux-Palais d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue;
- Le bloc 6 de l’ancien couvent des Petites Franciscaines de Marie de Baie-Saint-Paul, dans Charlevoix.
Ces dossiers avancent lentement, mais sûrement, dans le dédale de la gestion étatique des grands projets d’infrastructure.
Nous avons donc voulu savoir si leur budget respectif a engraissé depuis les annonces officielles de ces chantiers. Autre question : est-ce que l’enveloppe globale dévolue aux Espaces bleus suffira ?
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LE MUSÉE ET LE MINISTÈRE NE DIVULGUENT PAS
Pour dénicher les réponses, nous avons d’abord transmis une requête en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics au Musée de la civilisation, maître d’œuvre du déploiement des Espaces bleus.
Quoique mandaté par le gouvernement de la Coalition avenir Québec pour mener le dossier à bon port, le Musée a refusé de nous fournir les budgets et échéanciers mis à jour.
On nous a dit que les données financières appartiennent à la Société québécoise des infrastructures. «Pour les coûts de construction, c’est la SQI. Le budget qu’on a, on n’est pas les propriétaires des documents.»
Puis on nous a précisé qu’il n’était pas nécessaire de contacter la SQI puisqu’il n’y aurait «pas eu de nouveaux développements au niveau budgétaire».
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La Culture également
Le ministère de la Culture et des Communications, que nous avons également interpellé, nous a livré une réponse similaire.
Révéler les données financières pourrait être économiquement préjudiciable au gouvernement, nous a-t-on écrit. Et, de toute façon, la SQI gère les chantiers, a-t-on ajouté.
Alors, allons cogner à la porte de la SQI !
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DES DONNÉES À JOUR
Finalement, la Société québécoise des infrastructures a bel et bien en main de données budgétaires mises à jour. Nous les avons reçues à la suite du dépôt d’une autre requête en vertu de la Loi.
⇨ À Québec, la transformation des 5 étages du principal Espace bleu devait coûter 47,25 millions $ aux contribuables. D’ailleurs, le gouvernement a déjà octroyé ce montant par décret au Musée de la civilisation, en spécifiant qu’il s’agit d’une «aide financière maximale». Pourtant, selon les nouvelles données que nous avons consultées, «le coût du projet estimé» est maintenant de 60 millions $ ;
⇨ La transformation de la villa Frederick-James de Percé en Gaspésie devait être réalisée pour 20,8 millions $. La facture est aujourd’hui évaluée à 25,5 millions $ ;
⇨ Et le Vieux-Palais d’Amos, en Abitibi-Témiscamingue? La crue est ici mieux endiguée. L’État devait décaisser un peu moins de 25 millions $. La plus récente évaluation est de 26,3 millions $;
⇨ Finalement, l’Espace bleu de l’ancien couvent des Petites Franciscaines de Marie de Baie-Saint-Paul dans Charlevoix avait un budget de 30 millions $. Ce projet est en démarrage, mais déjà il est question d’un débours de 41 millions $.
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QUEL MONTANT TOTAL ?
À la genèse des Espaces bleus, en 2021, François Legault et ses proches célébraient. Un budget global de 259 millions $ devait suffire à disséminer 18 nouveaux lieux de diffusion culturelle dans toutes les régions du Québec.
Une somme qui devait permettre d’aménager les Espaces bleus «en grande majorité» dans des «bâtiments patrimoniaux requalifiés», rêvait-on.
Ce jour-là de juin 2021, l’ancienne ministre de la Culture Nathalie Roy espérait l’ouverture aux visiteurs de la maison-mère du Séminaire de Québec «à l’automne 2022».
Faisons la mise à jour :
- Pour les 4 dossiers en cours, la facture préliminaire grimpe déjà à près de 153 millions $. Il ne resterait ainsi qu’un peu plus de 100 millions $ dans la petite caisse pour donner vie aux 14 Espaces bleus restant ;
- Les échéanciers de livraison des 4 premiers Espaces bleus s’étirent maintenant de juin 2023, pour celui de la Gaspésie, à juin 2025 dans le cas de Baie-Saint-Paul. C’est juin 2024 pour la tête du réseau située dans la capitale.
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LES CHIFFRES NE CONCORDENT PAS
Donc, le 10 juin 2021, le gouvernement de François Legault parlait des Espaces bleus en tant que «projet d’une ampleur inédite […] reposant sur un financement de 259 millions $».
Un montant qui ne concordait déjà pas avec ce que le premier ministre lui-même avançait ce jour-là en conférence de presse.
«Pour l’Espace bleu de Québec, on parle d’un coût pour les infrastructures de 48 millions $», évaluait François Legault. «Les autres Espaces bleus vont être à peu près à moitié de la grandeur d’ici. Donc évidemment le budget va être à peu près la moitié de ce qu’on a ici.»
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Sortons la calculatrice : une maison-mère à 48 millions $ plus 17 succursales régionales à plus ou moins 24 millions $; total : 456 millions $.
Sauf que, comme nous venons de l’apprendre, les Espaces bleus en construction coûtent plus cher que prévu, ce qui laisse entrevoir une facture plus salée.
Brèche
En fait, le gouvernement semble ne pas savoir combien il faudra dépenser pour les Espaces bleus. Au début de l’été 2022, Québec a admis que l’enveloppe nécessaire serait d’au moins 300 millions $, tel que le rapportait la collègue Jocelyne Richer de la Presse Canadienne.
Dans l’article, le PDG du Musée de la civilisation, Stéphan La Roche, convenait cependant que «fixer le montant de la facture totale des Espaces bleus serait “de la pure fiction”».
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C’EST QUOI ?
Définition d’un Espace bleu pour François Legault : «C’est un lieu où on va célébrer la fierté d’être Québécois.»
Dans le Web, le Musée de la civilisation précise :
«Les Espaces bleus sont des pôles culturels qui placent l’histoire, les héros, les bâtisseurs de la société québécoise au centre de leur action. Les personnages, les objets, les événements propres à chaque région seront mis en valeur. L’approche immersive et les moyens numériques déployés offriront une expérience unique dans chaque région du Québec.
Chaque Espace bleu comportera :
- une exposition permanente
- une exposition temporaire
- une salle multifonctionnelle
- un local administratif
- un café mettant en valeur les produits locaux.»