La voici engagée dans un nouveau bras de fer juridique avec le propriétaire du terrain. De l'argent public devra à nouveau y être consacré.
En attendant, le terrain de l'ancienne église au clocher byzantin reste désespérément vacant aux portes de la Grande Allée. Personne n'y gagne.
Le promoteur Loik Lessard reproche à la Ville sa lenteur et ses messages ambigus sur les orientations autorisées.
La Ville voudrait de son côté une meilleure collaboration du promoteur pour assurer l'acceptabilité d'un projet sur le site.
À première vue, cela ne semble pas irréconciliable, mais il faudra que chacun y mette du sien.
Après l'embellie qui avait suivi un premier procès mené par le même promoteur et l'élection d'une nouvelle équipe, la chaîne vient de dérailler.
On retrouve les mêmes acteurs dans le même film que sous l'administration Labeaume. Le ton est moins acrimonieux peut-être. Et les contraintes moins lourdes maintenant qu'il n'y a plus d'église patrimoniale à protéger. Ça devrait être plus facile pourtant.
Comme souvent à Québec, le litige de fond porte sur la hauteur d'un futur immeuble.
Le promoteur Lessard a déposé le printemps dernier une nouvelle mouture de projet d'habitation sur ce site. Une dixième en dix ans. Il prévoyait cette fois 140-150 logements sur 16 étages.
La Commission d'urbanisme et de conservation de la Ville (CUCQ) a dit non.
Le Programme particulier d'urbanisme (PPU) ne permet que neuf étages sur ce terrain.
L'administration Marchand souhaite respecter cette limite.
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Un PPU est un «contrat social» avec les citoyens, plaide la conseillère du district Vieux-Québec, Mélissa Coulombe-Leduc.
La Ville et le promoteur ont discuté au cours des derniers mois sans arriver à s'entendre. «On souhaite que le promoteur discute aussi avec les citoyens», argumente la conseillère.
M. Lessard ne s'y objecte pas, mais il aurait voulu s'entretenir d'abord avec les élus. Une telle rencontre n'a finalement jamais eu lieu. Le promoteur a fini par s'impatienter et a décidé de passer à son plan B.
Le 17 octobre, il a demandé à la Ville un permis de construction pour un stationnement de neuf étages. La Ville était normalement tenue de délivrer ce permis, car le zonage autorisait cet usage.
L'administration Marchand en a cependant décidé autrement.
Plutôt que d’accorder de permis, elle a amorcé une révision du PPU et de la règle de zonage pour interdire l'usage exclusif de stationnement sur ce terrain.
La Ville est d'accord pour des stationnements qui serviraient les besoins propres d'un nouvel immeuble résidentiel et/ou commercial.
Mais pas avec un stationnement étagé. Cela ne correspond pas aux orientations du PPU et à la vision d'un centre-ville habité, plaide le directeur de la planification du territoire François Trudel.
Si la Ville n'en voulait pas, pourquoi l'avait-elle autorisé dans son PPU, peut-on se demander?
L'explication est qu'à l'époque, l'église Saint-Coeur-de-Marie était toujours debout. La Ville n'avait pas réalisé qu'un projet de stationnement y était possible.
Elle l'a découvert seulement cet automne, lorsque le promoteur Lessard a déposé sa demande de permis.
Il appartiendra au tribunal de juger de la légalité de la démarche de la Ville et le cas échéant, de dédommagements à verser au promoteur.
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Après 10 refus de la Ville pour un projet résidentiel, le promoteur Lessard a déposé l'automne dernier une demande de permis pour un stationnement étagé.
Des marchands de la Grande Allée ont pris la balle au bond et se sont mobilisés. Pour eux, ce projet n'est pas le plan B d'un promoteur exaspéré.
Ils y trouvent une réponse à un problème de manque de stationnement dans le quartier, ont-ils expliqué lors de la consultation de lundi soir.
Ils plaident que de tels stationnements étagés sont courants dans les grandes villes.
Que cela peut même aider à faire disparaître des stationnements de surface ailleurs au centre-ville.
Ils insistent. Ce stationnement est nécessaire pour leurs clients. Nécessaire aussi pour recruter de la main-d'oeuvre qui autrement, va aller travailler en banlieue.
Ce stationnement pourrait aussi compenser des cases sur rue qui seront perdues à cause du tramway.
Il y a ici matière à débat.
Le président du Comité des citoyens du Vieux-Québec, M. Michel Masse est d'accord avec la Ville pour interdire le stationnement étagé. Il tient aussi au plafond de neuf étages sur le site.
Le Conseil de quartier appuie les orientations générales du PPU, dont la limite de neuf étages.
Le Conseil a cependant choisi à l'unanimité de s'abstenir sur la modification touchant le stationnement exclusif. Une posture inédite et étonnante qui trahit le malaise face à la démarche actuelle.
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J'ai entendu les arguments des commerçants sur le besoin de stationnement.
Je pense cependant qu'un stationnement étagé à l'entrée de Grande Allée, aussi joli soit-il, est peu compatible avec l'objectif d'améliorer la qualité de vie des résidents du quartier.
Ce qui me paraît le plus intéressant pour le site de l'ancienne église Saint-Coeur-de-Marie, ce serait un projet résidentiel avec commerces en rez-de-chaussée.
Le défi, comme souvent, est que promoteur et citoyens puissent y trouver leur compte.
On retrouve dans le voisinage immédiat du terrain vacant de l’ancienne église un immeuble de 17 étages et un Concorde de 22 étages. On retrouve aussi dans l'architecture de cette portion de Grande Allée une grande variété de styles et d'époques.
Serait-il si grave d'aller un peu au-delà des neuf étages prévus du PPU pour rendre un nouveau projet résidentiel viable?
Je n'ai pas de réponse définitive, mais cela vaut certainement la peine d'y réfléchir et de consulter. Encore faudrait-il que la Ville et le promoteur puissent se parler autrement qu'au tribunal.