Les faits
Il y a toujours eu des vols qui passent au-dessus de Charlesbourg. En fait, les avions qui utilisent la «piste 06-24», qui est considérée comme la piste principale, ont une trajectoire qui les fait passer par ce secteur de la ville. Celui-ci est toutefois situé à une assez bonne distance de l’aéroport, si bien que les appareils y volent à une altitude relativement élevée. Conséquemment, les plaintes pour le bruit provenant de Charlesbourg ne représentent qu’une très petite partie du total : 16 sur les 656 reçues au cours des cinq dernières années, ou un peu plus de 2 %, selon des chiffres que m’a fournis l’Aéroport de Québec.
Il y en a tout de même eu un tout petit peu plus que d’habitude en 2022. Pas par grand-chose, et les nombres demeurent extrêmement petits, mais quand même : YQB en a reçu 7 (dont 3 provenant d’une même adresse) provenant de Charlesbourg depuis le début de l’année, alors que cela variait entre 0 et 4 les années précédentes. Comme le montre le tableau en page 7, le nombre de vols qui passent au-dessus de Charlesbourg ne semble pas être en cause. S’il y a eu, certes, un peu plus de mouvements cette année qu’en 2020 et 2021 (15 000 vs 12 500 environ), on est encore très loin des niveaux d’avant la pandémie (32 à 35 000).
Il ne semble pas y avoir eu de changement dans l’altitude ou la trajectoire des vols qui augmenterait le bruit au-dessus de Charlesbourg. Au contraire, indique la porte-parole de l’Aéroport de Québec Catherine Bernier, «un ajustement aux approches des appareils à YQB a [...] été fait en 2018 par NAV Canada [l’organisme qui chapeaute l’aviation civile, NDLR] dans le cadre [d’une] révision des procédures d’atterrissage [...]. Cet ajustement implique que les appareils restent plus haut et utilisent moins de moteurs pour la descente finale, ce qui diminue le bruit des appareils à l’atterrissage. L’été dernier, NAV Canada a aussi révisé les procédures de décollage afin d’optimiser la trajectoire pour limiter le bruit au décollage entre 0 et 3000 pieds».
S’il n’y a pas tellement plus de plaintes qu’avant, pas vraiment plus de trafic aérien et que les trajectoires au-dessus de Charlesbourg n’ont pas changé (en tout cas, pas autrement que pour réduire les impacts sonores), il est possible que l’on ait affaire à une question de perception. On sort de la vérification factuelle pour entrer dans le domaine des hypothèses, mais deux éléments permettent de le penser.
Le premier est que la pandémie, en stoppant presque complètement le trafic aérien, peut avoir un peu faussé les perceptions. Par rapport à 2019, le nombre de voyageurs qui sont passés par YQB fut de 70 % plus faible en 2020, et de plus de 80 % en 2021. Pendant cette «pause» de plus de deux ans, certaines personnes ont pu s’habituer à un environnement plus silencieux, et ils remarqueraient davantage le bruit des avions maintenant que les voyages aériens reprennent.
Le deuxième élément, c’est qu’au-delà du nombre d’appareils qui survolent Charlesbourg, le type d’avion pourrait avoir changé. Avant la pandémie, le ratio du nombre de passagers sur le nombre de mouvements aériens empruntant la piste principale (il n’y en a que deux à YQB) tournait autour de 50, alors qu’il fut plutôt d’environ 30 en 2020 et 2021.
Cela suggère que les appareils qui circulaient étaient en moyenne plus petits (donc possiblement moins dérangeants), ce qui est cohérent avec le fait ce sont les voyages internationaux qui ont été les plus touchés par la pandémie. D’après le site de Statistiques Canada, le nombre de passagers aériens sur des vols domestiques a chuté d’environ 60 % au pays par rapport à 2019, alors que la plongée fut plutôt d’environ 80 % pour les voyageurs internationaux.
En outre, en plus de reprendre petit à petit ses activités habituelles (même si le rattrapage n’est pas encore terminé), l’Aéroport de Québec a ajouté de nouvelles routes cet été vers Londres, Paris et l’Ouest canadien. Alors si les longs vols sur des avions plus gros et, présume-t-on, plus bruyants que les petits appareils des vols régionaux, sont devenus plus fréquents tout de suite après une «pause» de plus de deux ans, cela peut créer l’impression qu’il y a plus de bruit — même si rien ne permet de penser qu’il y en a vraiment plus qu’avant la pandémie.
Chez NAV Canada, on me confirme «que le retour progressif de la circulation à ses chiffres prépandémiques n’a engendré aucun changement dans l’espace aérien du secteur [de Charlesbourg] ou dans le type d’opérations qui y sont effectuées. Il est possible que des résidents aient remarqué des avions de transporteurs qui reprennent leurs activités. Il semble cependant que les types d’aéronefs utilisés soient similaires à ce ceux qui étaient utilisés avant la pandémie».
Mentionnons pour finir que les appareils utilisés pour les nouvelles destinations de YQB appartiennent à une «nouvelle génération» moins bruyante, dit Mme Bernier. «Air Canada opère principalement des Airbus 319 pour ses vols au départ de Québec, dont les nouveaux vols vers Calgary et Vancouver. Air Transat utilise des Airbus A321neoLR pour ses nouveaux vols vers Londres ainsi que ses liaisons vers Paris. Air France opère des Airbus A330-200 pour sa liaison Québec-Paris», indique-t-elle.
Il semble entièrement vrai que cette «nouvelle génération» d’appareils fait moins de bruit que les modèles plus anciens. Un document du ministère des Transports du Maryland, aux États-Unis, a comparé le niveau de bruit des Boeing 737 (plus vieux) à celui des Airbus 320, et l’amélioration est évidente (voir p. 6 et 7 du PDF). Le site du groupe de consultants en aviation Air Insight confirme lui aussi que les nouveaux modèles sont moins bruyants.
Verdict
Comparé à avant la pandémie, non. Le nombre de plaintes pour le bruit provenant de Charlesbourg a à peine crû en 2022, et les nombres restent très petits. Il n’y a pas plus de vols qui passent au-dessus de Charlesbourg, leur trajectoire n’a pas été modifiée d’une manière qui aggraverait les nuisances sonores (c’est le contraire) et le type d’appareils est globalement le même qu’avant la pandémie. Il demeure toutefois possible que la «pause» forcée des vols pendant deux ans ait créé l’impression que le bruit est pire qu’avant.
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