{"accessibility":"METERED","authors":[{"coverUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F591d34b6-c406-47fa-9e81-7357ca832b25.png&width=1024&stripmeta=true","description":{"fr":"Collaboration spéciale"},"email":"flavoie@lequotidien.com","imageUrl":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fae052896-28a3-415c-995e-b15194245025.png&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true","name":"Frédérick Lavoie","source":"Le Quotidien"}],"channel":"Frédérick Lavoie","chapters":[{"position":0,"text":"

En vertu du Code criminel indien toutefois, leur mariage est illégal et Atul encourt une peine de sept années de prison pour bigamie.

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Les médias indiens ne spécifient pas si les mariés ignoraient la loi ou s’il et elles avaient sciemment choisi de l’ignorer. Ce que l’on sait, c’est que la cérémonie ne s’est pas déroulée dans le secret. Plus de 300 personnes y ont assisté. Des vidéos ont circulé en ligne.

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Twin sisters From Mumbai,got married to the same man in Akluj in Malshiras taluka of Solapur district in #maharashtra #maharashtranews #twinsisters #Mumbai #Viral #ViralVideos #India #Maharashtra pic.twitter.com/d52kPVdd5t
— Siraj Noorani (@sirajnoorani) December 4, 2022

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Sur l’une d’elles, on voit Rinky et Pinky tentant d’enfiler une guirlande de fleurs autour du cou de leur mari, qui esquive mollement leurs tentatives, monté sur les épaules d’invités. Ce rituel hindou ludique symbolise l’acceptation par les époux de leur union.

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À en juger par le sourire des trois mariés et des convives, tout le monde a l’air heureux de la tournure des événements. Bien sûr, ceci n’est pas une preuve irréfutable de consentement. Mais, toujours selon les médias indiens, l’époux, les épouses, tout comme leurs familles, ont tous donné leur aval pour ce mariage hors du commun.

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Beaucoup de gens en Inde et à travers le monde — surtout des femmes — joignent leur destinée à une autre personne sous la contrainte, en raison de pressions familiales ou, au mieux, sans grand enthousiasme, et ce, sans que la législation en vigueur ne s’y objecte. Des mariages tristes avant même d’avoir été célébré, il y en a des tonnes.

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Ce n’est visiblement pas le cas ici.

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En fait, l’idée du mariage à trois serait venue des jumelles elles-mêmes. Rinky et Pinky avaient récemment perdu leur père et la santé de leur mère était fragile. Atul, qu’elles connaissaient apparemment depuis l’enfance, aurait offert de les soutenir. (Quelques articles avancent même que les trois habitaient déjà ensemble à Mumbai depuis un moment.)

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Au départ, Atul ne devait épouser que l’une des sœurs. Mais craignant que le mariage ne les sépare l’une de l’autre, Rinky et Pinky, qui avaient toujours tout partagé depuis leur naissance, auraient proposé cet arrangement.

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Il n’existe pas une seule loi sur le mariage en Inde, mais plusieurs, qui reflètent la diversité des pratiques religieuses. Si le mariage avait été célébré en vertu du code civil musulman, personne n’aurait pu l’empêcher, puisque celui-ci autorise la polygamie. Un musulman indien peut marier jusqu’à quatre femmes. La loi hindoue, cependant, l’interdit.

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Apprenant la nouvelle de ce mariage à trois, un citoyen a cru bon de porter plainte à la police. Section 494 du Code criminel indien. Les accusations ont été déposées, mais pour l’instant, la police ne semble pas avoir procédé à l’arrestation d’Atul. L’enquête doit suivre son cours.

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Ce « mariage bizarre », comme le qualifient les médias indiens, soulève indubitablement des questions. Mais à mon avis, la plus intéressante est celle-ci : à moins qu’il n’ait été personnellement lésé par cette union — ce qu’aucun article ne laisse entendre —, pourquoi ce citoyen tente-t-il de l’empêcher ? Qu’est-ce qui le motive à vouloir à tout prix que la loi soit respectée, peu importe ce que peuvent penser et ressentir Rinky, Pinky et Atul à propos de leur propre mariage ?

Queer au carré

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Plus je voyage et plus je vieillis, plus mon rapport aux lois qui régissent les sociétés devient ambigu. Je comprends bien sûr la nécessité d’encadrer les activités humaines sur un territoire donné afin d’essayer de protéger les citoyens et citoyennes contre les crimes et autres injustices. Or, je ne peux m’empêcher de constater que souvent, l’application rigide de ces lois sert moins à protéger quiconque qu’à punir celles et ceux qui sortent des rangs, qui ne se conforment pas à l’arbitraire normatif en vigueur, même si leurs actions ne sont directement nocives pour personne.

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J’aime beaucoup le mot anglais queer. En français, on l’utilise presque uniquement pour référer aux gens qui refusent d’être mis dans des catégories binaires quant à leur identité de genre et leur orientation sexuelle.

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Historiquement toutefois, l’adjectif queer référait plus largement à tout ce qui ne cadre pas dans les normes. On le traduisait par les mots « étrange », « curieux », « singulier » ou « bizarre ».

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À l’oreille, queer semble appartenir à la même famille que le mot square (carré). Mais en réalité, ils sont de presque parfaits antonymes.

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Les lois n’aiment pas ce qui n’est pas carré. Elles n’aiment pas les exceptions, tout ce qui ne peut pas facilement être encadré, défini, normé. Pas étonnant donc que les combats pour la reconnaissance des droits des LGBTQ+ et autres communautés marginalisées aient pris tant de temps à mener à des victoires législatives.

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Début octobre, Le Devoir rapportait le cas d’un trouple (contraction de trio et couple) cherchant à ce que ses trois membres soient reconnus légalement comme les parents du même enfant. « Si leur démarche est couronnée de succès, notait la journaliste Stéphanie Marin, elle pourrait faire éclater les limites de la notion traditionnelle de la famille, alors que le droit québécois ne reconnaît pas la triparenté. »

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Plusieurs chroniqueurs et chroniqueuses de notre époque s’alarment de voir des gens militer pour que leur situation ou leurs préférences exceptionnelles soient acceptées, fassent jurisprudence et soient ultimement enchâssées dans la loi.

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À mon avis, ils et elles devraient plutôt s’en réjouir. Formaliser le queer après tout, c’est le rendre un peu plus carré, un peu moins menaçant pour la loi, l’ordre et la norme.

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Journaliste indépendant et écrivain, Frédérick Lavoie a réalisé des reportages dans plus d’une trentaine de pays. Il a publié quatre livres, dont les récits Ukraine à fragmentation et Avant l’après: Voyages à Cuba avec George Orwell, récipiendaire d’un Prix littéraire du Gouverneur général en 2018. Originaire de Chicoutimi, il partage son temps entre l’Inde, le Québec et ailleurs.

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