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«Enfin, les rôles sont inversés, de le voir tourné contre le mur, chose que j’ai faite pendant des semaines dans un coin… ça fait du bien», lâche Josh Seanosky.

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Au terme d’un procès-fleuve de 60 jours, amorcé en juin 2018 et qui s’est terminé au printemps 2022, le pasteur Guillot, 72 ans, avait été déclaré coupable de 18 des 22 accusations portées contre lui : de multiples voies de fait, du harcèlement, de la séquestration et une entrave à la justice. Les cinq victimes étaient âgées entre 4 et 20 ans durant la période des crimes. Deux garçons ont connu Guillot à l’école de la Bonne Semence de Victoriaville, dont il était le directeur. Les trois autres avaient été placés à l’école clandestine de Guillot, dans le quartier Neufchâtel à Québec.

Dans tous les cas, les parents, fervents baptistes, avaient autorisé le pasteur à administrer la correction physique à leur enfant.

La Couronne réclamait une peine globale entre 12 et 15 ans de prison. La défense plaidait pour une peine à l’autre bout du spectre, soit environ trois ans.

Tout au long de sa défense, Claude Guillot avait argumenté que les corrections physiques sur les victimes étaient justifiées par divers passages de la Bible.

«Aucune religion ne permet à celui qui la pratique de violenter et torturer un enfant!», lui a rappelé le juge Christian Boulet de la Cour du Québec jeudi matin en imposant au pasteur une peine de huit ans de pénitencier.

Aux yeux du tribunal, Claude Guillot savait que «ses délits réfléchis et ses comportements planifiés en vue de briser ces enfants étaient de nature à les faire souffrir, à leur causer des préjudices importants en plus de les conditionner et de les dépersonnaliser».

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«Aucune religion ne permet à celui qui la pratique de violenter et torturer un enfant!»

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Confinés debout

Pour une ultime fois, devant une salle d’audience remplie par les victimes et leurs proches, le juge Boulet a pris le temps de décrire les sévices infligés aux garçons pendant de nombreuses années. Parmi les plus importants, coups de palettes de bois sur les fesses, coups de poing au ventre, claques au visage et confinement passé debout dans un coin pendant 41 jours pour une victime. «À ces occasions, la douleur à ses pieds et à ses jambes est atroce et ses mains deviennent deux fois plus grosses que la normale à cause du sang accumulé dans les extrémités de son corps», relate le juge Boulet, qui ajoute que ces confinements s’apparentent «à une forme de torture», nullement autorisée par l’article du Code criminel permettant la correction physique avec une force raisonnable.

Par ces confinements, le pasteur Guillot a clairement séquestré les enfants, affirme le tribunal, tout comme il les a séquestrés en les empêchant de sortir de sa résidence pendant toutes ces années. Le pasteur rappelait à ses élèves qu’ils seraient engloutis dans la terre s’ils décidaient de quitter ou de le dénoncer. Guillot avait verrouillé les fenêtres du sous-sol avec des vis.

«L’accusé n’offrait pas un véritable choix aux victimes de retourner chez leurs parents, affirme le juge Boulet. Malgré un côté misérable de leur vie chez l’accusé, les enfants craignaient encore plus la vie chez leur mère ou en société avec tous les dangers réels ou imaginaires dont l’accusé les avait imprégnés.»

Au-delà des coups, l’accusé est aussi coupable de harcèlement. Guillot s’est comporté «de manière menaçante envers les victimes en raison du contexte global de domination, de manipulations sociales et spirituelles par un être contrôlant et colérique sans oublier le climat de menaces et de conséquences par lui et par Dieu en cas de tout manquement à ses règles ou à celle de la Bible», écrit le juge.

Lourdes séquelles

Selon un rapport du psychiatre Dr Sylvain Faucher, les victimes ont subi et pour certains subissent toujours les conséquences d’un syndrome de choc post-traumatique à cause du comportement de l’accusé.

L’un des jeunes est en arrêt de travail depuis des années. Un autre a plongé dans un état de détresse et de dépression, disant même avoir frôlé la folie. «Il éprouve encore aujourd’hui de la difficulté à remettre en place tous les morceaux que l’accusé a brisés dans sa tête», résume le juge Boulet.

Idées suicidaires, hypervigilance et toxicomanie ont miné la vie de plusieurs victimes.

À part le fait que le pasteur est sans antécédent judiciaire et qu’il a toujours le soutien de sa famille et de quelques fidèles, le juge Boulet ne voit aucun aucun facteur atténuant qui l'inciterait à adoucir le châtiment.

Le pasteur Guillot n’a pas eu de réaction particulière en entendant la peine. Sans broncher, il a laissé les constables spéciaux du palais de justice le menotter et le remettre entre les mains des agents correctionnels.

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Les châtiments infligés par le pasteur, Josh les connaît trop bien. «Il nous a confinés, séquestrés, martyrisés, torturés. C’est à son tour de perdre toute sa liberté», ajoute-t-il.

Marc Levasseur, lui, est heureux et triste à la fois. C’est encore difficile pour lui de trouver les bons mots.

«Au-delà de la sentence, il n’aura plus accès à des enfants, il ne pourra plus faire d’autres victimes et c’est un grand soulagement», exprime-t-il.

Pendant qu’il s’adressait aux médias, Marc Levasseur a pris de longues pauses afin de bien s’exprimer, ravalant ses larmes.

Pour lui, le pasteur aurait pu avoir une sentence plus sévère. La Couronne demandait un minimum de 10 ans derrière les barreaux. Somme toute, la décision du juge est «acceptable».

«Sincèrement, j’espère qu’il verra une petite lumière, qu’il réalise qu’il a fait quelque chose de mal. Pour lui, tout ce qu’il fait, c’était bien, il n’a exprimé aucun remords. J’espère que pendant son temps en prison, il va prendre le temps de réaliser, même si j’en doute fortement», souligne M. Levasseur.

Les deux hommes, ainsi que Michael Dionne et Jonathan Seanosky, espèrent maintenant regarder vers l’avenir. La sentence de Guillot est accueillie comme une délivrance. Même si elle n’efface pas toutes les séquelles, elle représente une étape cruciale vers la guérison.

Ils se disent heureux d’avoir été entendus, et surtout, qu’ils aient été crus.

«Je souhaite être capable de retrouver un équilibre de vie. Les procédures judiciaires, ça gruge beaucoup de temps, d’efforts, d’émotions. Je ne me définis pas par Claude Guillot, mais ça fait partie de mon cheminement. Le procès criminel, c’est terminé, on a eu de la reconnaissance, et ça fait grand bien», ajoute Josh.

La fin d’un chapitre, pas du livre

Le procès criminel du pasteur Claude Guillot est maintenant terminé, mais les victimes ont d’autres batailles à mener.

«On va aller au fond des choses. Il n’y a pas juste Claude Guillot, il a été soutenu par plusieurs organisations religieuses et elles devront rendre des comptes. Je vais fermer le livre quand justice va être rendue de façon complète. Ils vont se tanner avant moi», assure Josh.

Un recours collectif est notamment intenté contre Claude Guillot et les églises baptistes, par les anciens élèves de Québec et Drummondville. Ils réclament des dommages et dénoncent des années de sévices physiques et psychologiques.

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Une demande introductive d’instance a été déposée lundi, dans le recours collectif contre le pasteur Claude Guillot, l’Église évangélique baptiste de Victoriaville, celle de Québec-Est et l’Association d’Églises baptistes évangéliques au Québec.

On y dénonce notamment une «dérive» des dirigeants de ces institutions.

Le pasteur Guillot a déjà été reconnu coupable au criminel de multiples voies de fait, de harcèlement et de séquestration sur cinq jeunes garçons qui lui avaient été confiés, en avril 2022 par la Cour du Québec.

Les allégations soulevées dans la demande introductive d’instance n’ont pas été prouvées devant le Tribunal, puisque le recours collectif autorisé en octobre 2021 suit son cours.

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L’histoire de deux victimes

Deux victimes sont mises de l’avant pour piloter le recours collectif. L’une a subi les sévices de Guillot à Victoriaville de 1982 à 1984, l’autre à Québec de 2004 à 2014. Les deux hommes étaient alors enfants.

Marc Levasseur représente donc toutes les victimes d’abus physiques ou psychologiques du pasteur à Victoriaville alors qu’elles étaient mineures et fréquentaient l’école La Bonne Semence.

Entre 4 et 6 ans, Marc a fait l’objet d’agressions physiques systématiques et répétées par Guillot. Son «passage traumatisant» a laissé beaucoup de séquelles psychologiques, comme un trouble de stress post-traumatique et des problèmes majeurs d’attachements et de confiance. Il vit aussi avec des périodes d’angoisse grave.

Jonathan Seanosky représente toutes les victimes d’abus physiques ou psychologiques ou de harcèlement sexuel de la part de Guillot entre 2000 et 2015, alors qu’elles étaient mineures et fréquentaient l’école clandestine tenue par le pasteur à Québec.

Jonathan a été pensionnaire au domicile personnel de Guillot pendant une période d’un peu plus de 10 ans, entre 2004 et 2014, soit de l’âge de 5 ans jusqu’à l’âge de 15 ans. Il fréquentait alors l’église-école l’Académie et il a fait l’objet d’abus physiques, psychologiques et de harcèlement sexuel de la part du pasteur. Il vivait sous «le contrôle total» de Guillot.

Vers l’adolescence, le pasteur lui demandait notamment de décrire toutes ses pensées sexuelles et de calculer la quantité de sperme lorsqu’il éjaculait après s’être masturbé.

À la demande des autorités, cette église-école a fermé ses portes en 2015, soit après l’arrestation de Claude Guillot pour des accusations au criminel.

Silence

Les deux hommes estiment que les églises baptistes ont fait la promotion de méthodes éducatives dangereuses, notamment de châtiments corporels sur des enfants à l’aide d’objets contondants. Elles connaissaient et encourageait les pratiques douteuses du pasteur Guillot.

«La complaisance, le silence et la négligence de ces institutions ont permis aux abus du défendeur Claude Guillot sur les enfants de survenir, de continuer et de s’aggraver, causant ainsi de graves préjudices aux enfants abusés», peut-on lire dans le document consulté par Le Soleil.

Les coups de palette de bois sur des enfants de tout âge étaient notamment encouragés à l’école Bonne Semence de Victoriaville. On incitait notamment les parents à «corriger» les mauvais comportements des enfants à la maison avec la même méthode. En mai 1984, Guillot a été congédié de son poste de directeur par le pasteur principal de l’Église.

L’Association d’Églises Baptistes Évangéliques au Québec connaissait donc «tout aussi bien les abus commis par Guillot sur les élèves de l’École la Bonne Semence que l’Église Victoriaville». Pourtant, personne n’a dénoncé les abus de Guillot, déplorent les victimes dans la demande introductive d’instance.

«Elles ont continué de le soutenir et c’est même avec la bénédiction de l’Association que Guillot a été mis en place comme pasteur dès 1989 à L’Église évangélique baptiste de Québec-Est.»

À l’automne 1999, une église-école appelée l’Académie, dirigée par Guillot, a été mise en place par les hauts dirigeants. Le pasteur s’occupait des enseignements à même son domicile. Comme exemple de châtiment, il obligeait les enfants à demeurer «debout» pendant de longues heures, pendant plusieurs jours.

«Cette dérive a fait de ce milieu un endroit dangereux pour les enfants où un agresseur a été protégé par des institutions de ce mouvement, au détriment des enfants qui, eux, méritaient d’être protégés», note-t-on dans le document déposé au palais de justice de Québec.

Au moins 4 millions $

Une somme de 2 millions $ est demandée pour chaque victime, en pertes non pécuniaires et en dommages-intérêts punitifs. Le montant doit «compenser la douleur, la souffrance, l’angoisse, la perte d’estime de soi, la honte, l’humiliation et les nombreux inconvénients», dans le contexte de l’abus de pouvoir et de confiance qui accompagnait les agressions répétées.

Il est aussi demandé que tous les membres du groupe soient indemnisés pour toute la souffrance vécue et les dommages subis, incluant la perte de productivité et les frais de thérapie passés et futurs, par exemple.

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La Cour d’appel vient d’autoriser le recours, refusé par une juge de première instance, qui ne voyait pas un fil conducteur unique parmi les plaignants. Chaque plaignant devrait poursuivre sur une base individuelle, concluait la juge Johanne April de la Cour supérieure.

Devant la chambre criminelle, Claude Guillot, 70 ans, est présentement en attente de son jugement pour des accusations de voies de fait armées, menaces, harcèlement et séquestration sur six garçons qu’il avait la charge d’éduquer, entre 1983 et 2014.

En parallèle, deux plaignants ont initié une action collective au nom de toutes les personnes «qui ont été victimes d’abus physiques ou psychologiques ou de harcèlement sexuel par Claude Guillot».

Ils réclament chacun des dommages de deux millions $ à Guillot ainsi qu’aux églises baptistes de Victoriaville, de Québec et à l’Association des églises baptistes qui, disent-ils, n’ont jamais dénoncé les abus et ont permis qu’ils se perpétuent dans le temps.

Claude Guillot a été pasteur dans un premier temps à l’école La Bonne Semence de Victoriaville, dans les années 1980, puis dans une école clandestine chez lui, à Québec, à partir du début des années 2000.

La nature des gestes reprochés à Guillot et le contexte sont semblables pour tous les plaignants, notent les trois juges de la Cour d’appel. Alors qu’ils étaient enfants ou adolescents, ils auraient tous subi des châtiments corporels par Guillot, un homme en situation d’autorité.

La Cour d’appel a toutefois décidé de scinder l’action collective en deux groupes, où seront représentés d’un côté les plaignants de Drummondville et de l’autre, les plaignants de Québec.

Dans les deux cas, le juge qui entendra l’action collective devra notamment trancher si Claude Guillot a commis des abus physiques ou psychologiques envers les membres du groupe et si les églises baptistes sont tenues de réparer les préjudices subis.

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«Au niveau personnel, le dossier est fermé. Il reste des choses par rapport aux lois qui ont permis à cet homme-là de faire ces gestes-là», insiste Marc Levasseur.

L’article 43

Selon l’article 43 du Code criminel, entré en vigueur en 1892, il est légal «pour les parents et leurs représentants légaux d’employer la force pour infliger des châtiments corporels, pour frapper physiquement leurs enfants, pourvu que la force soit raisonnable».

Cette loi est «outrageusement dépassée», selon les victimes. Claude Guillot a utilisé l’article 43 pour sa défense. Une partie de ses gestes a même été justifiée par l’article.

«Nous sommes des exemples vivants des conséquences qui se produisent lorsque des dérives idéologiques et religieuses entrent en relation avec la largesse que donne le Code criminel», soutient Marc Levasseur, dans une déclaration.

Les victimes réclament l’abolition de l’article 43 et interpellent le gouvernement de Justin Trudeau d’agir vite. «Les enfants devraient jouir des mêmes protections contre les violences et les menaces d’agression que tous les autres citoyens canadiens, ce qui n’est pas le cas actuellement», insiste Marc Levasseur.

«Les enfants sont vulnérables, encore plus lorsque le gouvernement néglige ses responsabilités de protection en ne s’assurant pas d’avoir la meilleure législative pour les protéger», ajoute-t-il.

«Avec un tel article dans le Code criminel, on ouvre une porte que les abuseurs utilisent. Le gouvernement doit faire quelque chose, il doit avoir le courage politique et la volonté de changer ça», termine Josh.

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