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Sur les médias sociaux, on l’a comparé à un réfrigérateur, à un bunker nucléaire, à un cube Minecraft. Voire à un cube Rubik sans les couleurs…

Je me suis même imaginé Cyrano de Bergerac en faire la description.

«C’est un bloc de glace, un fer à repasser, un iceberg, que dis-je, c’est un tombeau géant!» aurait-il pu clamer, dans le style de la fameuse tirade du nez.

Je comprends très bien que la fonction utilitaire d’un centre d’archives doit primer sur sa beauté.

C’est un lieu de mémoire, un lieu essentiel destiné à préserver de l’usure du temps nos archives pour les 500 prochaines années. Une mission cruciale en cette ère de désinformation.

N’empêche, je n’arrivais pas à trouver la moindre once de beauté ou de charme à ce sinistre bunker de béton armé qu’on dirait tout droit extrait du Mur de l’Atlantique…

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Jusqu’à ce que je parle à une architecte.

On devrait parler plus souvent à des architectes.

Ne serait-ce que pour comprendre comment sont pensés et conçus nos bâtiments.

Anne Cormier est prof à l’école d’architecture de l’Université de Montréal.

Elle a vu le projet de Gatineau de loin. Mais assez pour s’en faire une idée. Assez pour en dire que c’est un bon projet.

Tellement qu’à la fin de notre conversation, j’avais complètement changé d’idée. Ce gros bloc de béton armé n’est pas si dénué de charme finalement.

••••

J’ai parcouru le Web pour trouver d’autres exemples de centres d’archives dans le monde.

Pour tout dire, ce type de bâtiment n’est jamais aussi inspirant qu’une bibliothèque, un opéra ou un musée d’art contemporain.

Il y a trop de contraintes liées à la température et à l’humidité contrôlée pour que les architectes puissent s’aventurer dans des concepts fantaisistes.

À Gatineau, on voulait un centre d’archives hyper moderne, imperméable à la lumière du soleil et de l’humidité. Et carboneutre en prime.

Ça se fait au prix de certaines concessions. La beauté, tiens.

Les gens ont beaucoup réagi à l’aspect extérieur de l’édifice.

À ces murs aveugles, rébarbatifs, presque intimidants.

Or, il est possible qu’en hiver, m’a expliqué Anne Cormier, une partie de la neige s’accroche à la texture des murs.

«Ça peut créer des effets lumineux très intéressants entre les surfaces lisses et les surfaces texturées. Le bâtiment va offrir une texture qui peut changer au fil de la journée, au fil des saisons. La façade va s’animer…»

Vous remarquerez que le bloc de béton massif est posé sur une assise plus étroite, là où les gens peuvent pénétrer à l’intérieur du bâtiment.

De nuit, dit-elle, on aura l’impression que le bunker repose sur une assise lumineuse. Que de la lumière émerge de sa base.

Et ça, c’est beau.

••••

Dans le cas du centre d’archives de Gatineau, il s’agissait d’une addition puisque le nouveau centre d’archives est en fait un ajout à celui existant.

Or, ajouter un édifice à un autre est toujours un peu casse-cou en architecture, m’a expliqué Anne Cormier. Surtout quand on travaille sur un site restreint.

Pour connecter un édifice à un autre, on peut choisir le contraste. «On n’essaie pas d’imiter, mais de répondre à ce qui est déjà là, d’y réagir», dit-elle.

C’est ce qu’on a fait à Gatineau. Il faut voir la grosse boîte carrée comme une réponse contrastée au premier édifice, tout en courbes et en baies vitrées lumineuses.

En fait, il faut voir tout le site - les deux édifices, l’ovale autour - comme… un monument.

Un monument à la conservation de la mémoire collective.

C’est la clé pour en saisir l’essence.

«Avant de tirer des conclusions hâtives, il faut laisser vivre l’édifice, m’a dit Anne Cormier. Laisser passer les saisons, regarder ce qui se passe avec la façade, les textures, de jour comme de nuit…»

En l’écoutant, je me suis dit que même un réfrigérateur peut finir par devenir beau. À condition de le contempler assez longtemps.

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