Il est tout à fait légitime de remettre en question la présence de représentants des industries fossiles dans un tel événement. L’une des finalités des COP est justement de réduire au maximum le recours à ces sources d’énergies dans nos économies!
Mais il sera difficile à court terme d’écarter cette industrie des échanges et des forums portant sur les enjeux climatiques, car ils touchent directement à son avenir et les intérêts financiers et politiques liés à ses activités demeurent considérables.
D’une part, l’industrie pétrolière et gazière tire une grande richesse financière de l’exploitation des hydrocarbures. Ce n’est pas une surprise. Une étude publiée cette année révèle que l’industrie pétrolière a engrangé environ trois milliards de dollars par jour en profits, en moyenne, au cours des 50 dernières années.
Les entreprises d’énergie fossile relevant des États (Algérie, Arabie saoudite, Iran, Malaisie, Nigéria, Russie, etc.) sont responsables pour plus de la moitié de la production mondiale de pétrole et de gaz, et ceux-ci misent encore largement sur les revenus de la vente d’hydrocarbures pour renflouer leurs caisses (60% pour l’Arabie, 50% pour le Nigéria, par exemple). Ils ne lâcheront pas le morceau de sitôt.
Il y a fort à parier que le petit Qatar, par exemple, avec ses trois millions d’habitants, n’aurait pu supporter le poids financier relié à l’organisation de la Coupe du monde de la FIFA cette année sans les énormes bénéfices tirés de l’exploitation de ses ressources fossiles.
D’autre part, cette industrie reste un poids lourd sur le plan politique. L’année 2022 nous a d’ailleurs rappelé la réalité un peu oubliée que les énergies fossiles mondialisées que sont le pétrole et le gaz restent un enjeu central de la géopolitique.
Lors de sa prise du pouvoir à l’an 2000, Poutine n’a pas fait mystère de sa volonté d’utiliser le pétrole et le gaz pour redonner à la Russie son statut de grande puissance, de se donner un levier politique à exploiter au moment voulu. On l’a vu en 2022, avec son pari d’utiliser entre autres la dépendance de l’Europe envers son gaz pour tenter de lui faire avaler l’invasion de l’Ukraine…
Aux États-Unis, bien que l’industrie soit entre les mains du secteur privé, la révolution du pétrole et du gaz de schiste dans la décennie 2010 a offert à Washington de nouvelles options en politique étrangère. Notamment celle d’adopter de vigoureuses sanctions contre les pays pétroliers avec lesquels ses intérêts divergent: l’Iran, le Venezuela et la Russie, par exemple.
Cette nouvelle puissance énergétique se transpose à présent en Europe par l’exportation de quantités massives de gaz afin de remplacer les exportations russes. Les États-Unis sont ainsi devenus un pilier de la sécurité énergétique du continent européen, amenuisant probablement pour des générations le poids historique de la Russie.
Les acteurs de l’industrie voient leur pétrole et leur gaz comme des énergies indispensables pour combler les besoins de l’économie mondiale. Principalement dans les pays en développement, dont la population et les économies sont en croissance continue.
Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que l’industrie pétrolière et gazière reste bien active dans les prochains événements de la COP. On peut s’en désoler. Mais s’il y a un avantage, c’est que la société civile pourra lui demander directement de rendre des comptes sur ses engagements en matière de décarbonation et exercer une plus forte pression pour que l’industrie en fasse bien davantage pour la transition énergétique, en vue de développer des projets d’énergie à grande échelle sans émission de carbone.
Avec des revenus annuels qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars, les entreprises pétrolières et gazières ont largement la capacité financière et l’expertise technique pour en faire bien davantage dans ce domaine.