«L’âme du Casse-Croûte Pierrot, c’est Denise»

Denise Morissette travaille au Casse-Croûte Pierrot depuis 1972.

Véritable institution dans le quartier Limoilou, le Casse-Croûte Pierrot fête ses 50 ans. Une longévité qui ne passe pas inaperçue alors que le secteur de la restauration fait face à de nombreuses difficultés. Le Soleil a remonté le temps avec Denise Morissette, employée du casse-croûte depuis ses débuts.


Le Soleil a rendez-vous à la nouvelle adresse du Casse-Croûte Pierrot sur la 1re avenue avec Denise Morissette et Nancy Harvey, la directrice. La salle n’est pas encore montée, mais dès qu’on pénètre dans cette institution de Limoilou, on se sent comme à la maison. 

Toutes les personnes qui sont allées au moins une fois au Pierrot connaissent Denise. Son père, Lucien Morissette, a acheté en 1972 le restaurant, qui servait à l’époque juste des repas le midi, la semaine. M. Morissette transforme le local de la 10e rue en véritable casse-croûte ouvert 24h/24 avec un service de livraison. Le succès est immédiat. 

Denise Morissette et son papa Lucien Morissette.

«Ça ne dérougissait pas, se souvient Denise. Des gens de tous les âges, des familles, des travailleurs. C’était un endroit de rencontres. Les déjeuners avaient beaucoup de succès. Les gens aiment beaucoup la cuisine maison pour le lunch ainsi que la pizza et la poutine.»

Au fil du temps, Denise a appris les prénoms de ses clients. Elle se souvient de chacun et de leurs goûts.

Les petites histoires du Pierrot

Même les clients de passage n’échappent pas à la fabuleuse mémoire de Denise. «J’ai un monsieur qui venait aux six mois. Il mangeait des hot-dogs. Il capotait. Il me disait : “Tu m’impressionnes, j’ai rarement vu ça et j’en ai fait des restaurants”.»

Lorsque Nancy rencontre des personnes et qu’elle parle du Pierrot, elles ont toute une anecdote à raconter. «Ils me disent avec un petit sourire en coin : “Oui oui, je connais ça le Pierrot. À 3h du matin, quand le bar finissait, on venait prendre notre petite poutine ou notre déjeuner”.»

L'ancien Casse-Croûte Pierrot sur la 10e rue

«Mon conjoint est parti à rire quand je lui ai dit que j’avais appliqué. “J’allais là à 5h30 du matin. C’était toujours la même serveuse qui me servait.” Son café l’attendait sur la table. Pas besoin de passer la commande, elle savait qu’il prenait une poutine Pierrot», poursuit-elle.

Un ancrage pour la vie sociale

Malgré son jeune âge (16 ans) lorsque son père est devenu le propriétaire, Denise s'est très vite imposée comme une incontournable dans le casse-croûte. 

«Au début, c’est arrivé plusieurs fois que je prenais les commandes puis j’allais en cuisine pour préparer les plats parce qu’on n’avait pas de cuisiniers. Je travaillais de 7h à 2h du matin. Mais j’aimais ça. Je suis une passionnée», confie-t-elle. 

Denise Morissette dans le premier local du Pierrot. 

En 50 ans, le restaurant a changé huit fois de propriétaires. Denise, elle, est restée fidèle au poste. Les clients aussi. «Denise, c’est l’âme du Pierrot, dit Nancy. Elle est très importante pour les clients.»

«À un moment, je partais trois mois l’hiver. La clientèle baissait de 50 %. Ma soeur ne voulait plus me remplacer», évoque Denise.

Avant le déménagement, le casse-croûte assurait le service en salle. Pour Denise, ces moments privilégiés avec la clientèle ont nourri sa passion pour la restauration. «J’ai toujours aimé écouter les clients. C’est gratifiant de les voir partir heureux. Je connais leurs secrets, mais j’ai toujours tout gardé pour moi», assure-t-elle.

«Les gens viennent prendre un café, jaser avec le monde. Pour les personnes seules, c’est un moment important dans leur journée. Certains reviennent dans la journée. Ils regardent ce qui se passe. Ils discutent avec d’autres personnes», relate la directrice du Pierrot. 

La salle à manger du nouveau local du Casse-Croûte Pierrot

Des changements, mais des habitudes bien enracinées

Depuis la pandémie, le restaurant ne sert plus de déjeuners. Les propriétaires, Jean Grondin et Ghislain Boulet, ont mis fin également à l’ouverture 24h/24. 

«C’était de l’ouvrage et des coûts supplémentaires. On manque aussi d’employés», justifie Nancy.

En juin 2021, Pierrot a également déménagé sur la 1re avenue. La fin du service à la table en salle en a déçu aussi plusieurs. La directrice ne s’en cache pas, le casse-croûte «a perdu des clients de la salle à manger. Mais on s’est refait une clientèle», rassure-t-elle. 

Denise a eu un petit pincement au coeur de ne plus servir ses clients directement à la table. «Je me suis habituée, mais je prends toujours le temps d’aller leur piquer une petite jasette», affirme-t-elle. 

Le Casse-Croûte Pierrot au 1996, 1re avenue. 

«On a gardé une certaine proximité. On met les noms des clients sur la facture, et non un numéro. Quand c’est prêt, on les appelle par leur nom, c’est un service personnalisé», fait valoir Nancy. 

«Pas de flafla» avec les plats

Malgré les changements, les clients restent fidèles au Pierrot. «Lorsque les gens déménagent, ils viennent chercher une commande si la livraison ne se rend pas chez eux ou ils s’installent en salle lorsqu’ils sont de passage dans le coin», souligne Denise. 

Mais pas question de changer la carte. «On ne peut pas sortir d’une certaine zone de confort. Faut pas de flafla. Notre chef Gaël [Éon] est Breton. Il a voulu proposer des plats de chez lui, mais ça n’a pas fonctionné. Les gens aiment les plats très simples et traditionnels canadiens», reconnaît la directrice. 

L'enseigne du Casse-Croûte Pierrot

Et si le chef ose toucher à la sauce brune : «On reçoit des appels pour nous dire qu’on a changé la sauce. “Qu’est-ce qui s’est passé? Votre chef est-il malade? Vous avez des nouveaux cuisiniers?” Quand on veut faire des changements, on doit vraiment y aller d’une façon détournée», glisse Nancy.

Il y a quelques jours, le Casse-Croûte Pierrot a reçu le prix Reconnaissance décerné par la Fondation de l'association Restauration Québec afin de souligner les 50 ans du restaurant. Le Pierrot est ouvert tous les jours (et les nuits), de 11h à 4h.

Nancy Harvey avec le prix remis par la Fondation ARQ