«J’étais toujours à une minute du dernier cinq minutes de vie»

Après deux visites à l’urgence, Réjean Dupont obtient enfin son diagnostic à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec en octobre 2011.

Attacher des lacets, traverser la rue et couper un rôti de porc. Ces tâches banales représentent un énorme défi pour Réjean Dupont. Pourquoi? Il est atteint d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), une maladie rare qui doit être diagnostiquée rapidement pour être traitée. En partageant son histoire, il espère sauver des vies.


À 49 ans, Réjean Dupont était propriétaire d’un commerce à Shawinigan. «J’étais en forme, je m’entraînais trois fois par semaine et faisait des randonnées avec ma femme régulièrement», se souvient-il.

C’est lors d’un voyage dans les rocheuses en juillet 2011 qu’il ressent ses premiers symptômes. «Pendant notre randonnée, je devais prendre des pauses à tous les dix pieds tellement j’étais essoufflé.»

Rapidement, il consulte sa médecin de famille, qui le réfère à une pneumologue, puis à un cardiologue. Des dizaines de tests plus tard, le personnel médical ne comprend pas ce qui cloche.

M. Dupont lui-même évoque la possibilité de l’hypertension pulmonaire lors d’un rendez-vous chez le médecin. Il était familier avec la maladie, car certains membres de sa famille en souffraient. «Mon médecin me disait que c’était de l’asthme ou que c’était psychosomatique, je lui ai dit : “non, c’est de l’hypertension pulmonaire”».

Après deux visites à l’urgence, Réjean Dupont obtient enfin son diagnostic à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec en octobre 2011. Mais en quelques mois, sa qualité de vie s’était déjà grandement détériorée. «Je n’étais plus capable de rien faire, dit-il, même pas traverser la rue.»

Pour franchir un boulevard, M. Dupont avait besoin de deux périodes piétonnes. Il n’était pas capable de couper la viande pour aider sa femme à préparer le souper ni de transporter des meubles, ce qu’il faisait fréquemment avant l’âge de 49 ans. «C’était vraiment drastique. Du jour au lendemain, je n’avais plus de force, j’étais essoufflé à rien.»

Le médecin lui a tout de suite dit qu’il ne pourrait plus jamais travailler. «C’était comme un coup de poing dans le front. Je me disais, faut que je ferme mon commerce. Je ne sais pas comment je vais faire.»

À cinq minutes de la mort

Après deux visites à l’urgence, Réjean Dupont obtient enfin son diagnostic à l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec en octobre 2011.

L’HTAP étant une maladie très rare, les traitements ne sont pas nombreux. À l’époque où Réjean Dupont a été diagnostiqué, le seul remède était un médicament intraveineux qui devait être injecté à toutes les minutes, parce qu’il n’était efficace que cinq minutes dans le corps.

«Si la pompe arrêtait de fonctionner, j’avais une deuxième pompe, mais si elle ne fonctionnait pas, j’avais cinq minutes pour me rendre à l’hôpital. J’étais toujours à une minute du dernier cinq minutes de vie», résume Réjean Dupont.

«Le 25 octobre 2011, j’avais le choix de mourir dans la journée ou de vivre avec une pompe accrochée après mois sept jours par semaine, 24 heures sur 24, avec toutes les contraintes que ça apporte, affirme-t-il. J’ai vécu sept ans comme ça.»

En 2018, M. Dupont a réussi à changer de médication. Il contrôle maintenant sa condition avec des comprimés oraux qu’il prend deux fois par jour. Ces traitements lui ont permis de survivre pendant toutes ces années, mais les symptômes d’essoufflement et de faiblesse musculaire demeurent.

«C’est encore difficile, admet le patient. Ceux qui sont seuls, je ne sais pas comment ils font. Si ma femme n’avait pas été là, j’aurais peut-être tiré la plug sur ma pompe il y a longtemps», dit-il sombrement.

L’HTAP, c’est quoi?

Dr Steeve Provencher est directeur de la clinique d’hypertension pulmonaire à l’IUCPQ, une des deux seules au Québec.

«L’hypertension pulmonaire, c’est de la haute pression dans les vaisseaux sanguins des poumons», explique-t-il. Le sang s’écoule mal à travers les poumons pour être oxygéné, ce qui cause des symptômes comme l’essoufflement et l’incapacité à faire des efforts soutenus.

Le Dr Steeve Provencher

L’HTAP est une maladie extrêmement mortelle, soutient le Dr Provencher. «Sans traitement, les gens vivent en moyenne deux ans et demi», dit-il. Et souvent, «ça touche des jeunes dans la vingtaine, trentaine, quarantaine.»

Depuis 20 ans, les recherches ont permis d’augmenter considérablement la durée de vie des patients. Mais l’important, c’est d’aller se faire diagnostiquer le plus rapidement possible, urge le médecin. «Souvent, les gens qui arrivent chez nous sont très essoufflés et la maladie est très avancée», déplore-t-il.

Steeve Provencher recommande à ceux qui ceux qui ressentent un essoufflement anormal de consulter leur médecin immédiatement.