Un après-midi, alors que je travaillais dans un café montréalais, je reçois un appel de mon patron: «De la porno audio? Vraiment?», me demande-t-il perplexe (bon, l’appel n’a pas commencé comme ça, mais presque). C’est qu’il venait de voir le communiqué de presse que je lui avais envoyé sur la venue de la réalisatrice de VOXXX (2018), Olympe De Gê, à Québec. Elle vient présenter son tout nouveau projet, une version québécoise de son balado porno, féministe et inclusif à succès. En plus, la communication provenait du Consulat général de France à Québec (encore plus curieux).
Pour commencer, je me dois de répondre aux interrogations de mon supérieur: qu’est-ce que c’est que de la pornographie auditive? Eh bien, ça peut prendre pas mal toutes les formes que vous imaginez: l’enregistrement audio d’ébats sexuels, des histoires érotiques récitées d’une voix suave, du Dirty Talk ou même de la masturbation dirigée (avec des techniques et tout). En gros, c'est de la porno pour vos oreilles (voici un petit exemple, avant que ça devienne olé olé):
Ce type de pornographie «alternative», une ode à la masturbation et à la découverte des sens, gagne en popularité depuis quelques années. La preuve, VOXXX en est à 19 millions d’écoutes. Je l’avoue, ce balado m’a aidée à traverser quelques soirées froides et solitaires de confinement. Je ne suis pas une très grande consommatrice de porno, mais vu le désert qu'était devenue ma vie sexuelle, disons que j’avais besoin d’un petit coup de pouce pour m’émoustiller.
Le truc, c’est que je trouve que l’on fait vite le tour de la pornographie grand public. Malgré l’infinité de catégories de vidéos, on se retrouve souvent avec des femmes qui crient de plaisir dès qu’on les effleure et des mecs qui baisent comme des machines de guerre. En plus, sur les sites pornos populaires, on peut très rapidement tomber sur des scènes qu'on ne voudrait pas voir. Des images qui peuvent nous marquer pendant longtemps, voire même nous traumatiser. VOXXX offre une expérience immersive plus sûre qui stimule l'imaginaire et les sens - un peu comme une séance de méditation ou un état de pleine conscience.
«Tu as ceux qui n’aiment pas le porno classique, et puis tu as ceux qui aiment beaucoup, mais qui sont devenus passifs devant toutes ces images, m'explique Olympe. Je trouve qu’à un moment, on a un peu le cerveau colonisé par l’imaginaire des autres».
Petite, elle a grandi sans télévision. Tout son imaginaire érotique s’est construit grâce à la littérature. «J’avais un recueil de nouvelles érotique du 18e siècle avec des prêtres qui mettent des saints cordons dans des chattes de vierges, le truc pas possible», me dit-elle en riant. Elle a donc imaginé les corps, les scénarios, les gestes, les ambiances.
Toutes sortes de plaisirs
«L’intérêt du porno audio, c’est d’être intime, d’avoir l’impression qu’il y a quelqu’un au creux de ton oreille, me dit la réalisatrice. C’est pourquoi elle a voulu créer une version québécoise de VOXXX. À son passage à Montréal en mai, au Festival Filministes, pour le visionnement de son film Une dernière fois, elle a échangé avec des Québécois et des Québécoises de son balado. «Ils m’ont dit qu’avec l’accent français, ça créait une distance.»
Les huit nouveaux épisodes de VOXXX Québec traitent des thèmes comme la non-binarité, le vaginisme, mais aussi les avantages du sexe en fauteuil dans des rapports qui sortent de l’hétéronormativité. Le tout, avec interprètes de Montréal.
Dans les différents épisodes, Olympe fait appelle à des comédiennes et comédiens pour les scènes simulées. Quand elles ne le sont pas, ce sont des actrices et des acteurs pornos qui s’enregistrent chez eux. «Je travaille avec des acteurs, des actrices, mais aussi avec des amateurs et actrices qui ont écouté le podcast et voulaient participer, indique la réalisatrice. Ce que j’adore, avec le porno, c’est quand tu apprends sur toi-même. Quand tu te dis: je ne savais pas que ça pouvait se passer comme ça, je ne savais pas que ça pouvait m’exciter».
Avec VOXXX Québec, Olympe De Gê veut s’ouvrir à la diversité de la francophonie, mais aussi montrer aux Français et Françaises à quel point l’accent québécois est sexy. «J’aimerais aussi faire un VOXXX marseillais, un VOXXX en Afrique de l’Ouest. J’aimerais que les gens s'ouvrent à d’autres intonations», ajoute-t-elle.
À tous les Parisiens qui m’ont demandé si je jouissais en criant «tabarnak» ou «tape dans le fond, chuis pas ta mère», je vous conseille ce balado. Ça vous rendra peut-être un peu moins cons (enfin, je l’espère).
Les versions québécoises de VOXXX seront diffusées tous les jeudis à minuit sur la bande FM, à CKIA 88,3.