Pourquoi pas de masques dans les écoles?

Pour l’heure, on ne dispose d’aucune preuve montrant que les masques seraient nocifs pour le développement, l’apprentissage ou la santé mentale des enfants.

La Santé publique du Québec a recommandé mercredi de recommencer à porter le masque dans les lieux publics achalandés, sauf dans les écoles et les services de garde. Considérant que ces milieux souvent mal ventilés sont d’importants vecteurs de transmission virale, pourquoi la Santé publique les a-t-elle exclus de sa recommandation?


En conférence de presse, le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau, a dit avoir eu à ce sujet «beaucoup de discussions avec des pédiatres», notamment avec la présidente de l’Association des pédiatres du Québec (APQ), la Dre Marie-Claude Roy, ainsi qu’avec la pédiatre et microbiologiste-infectiologue Caroline Quach.

«Nous savons avec les données qu’on a cumulées au cours des deux dernières années que ça pose des difficultés de porter le masque en permanence à l’école. On a en déjà parlé, [c’est] une question de contacts et tout ça. […] On a regardé ça […] et nous avons convenu de dire que systématiquement, dans le milieu scolaire, on ne recommande pas en ce moment de porter le masque, ni à la garderie [sauf en cas de symptômes]», a déclaré le Dr Boileau en réponse à la question d’un journaliste, sans offrir plus d’explications.

Ce n’est pas la première fois que l’APQ s’oppose au port du masque dans les écoles et qu’elle intervient à ce sujet auprès de la Santé publique et du gouvernement Legault, qui lui prêtent une oreille attentive.

Nous avons voulu savoir sur quelles données exactement l’Association appuyait sa position, sans succès. «Nous n’avons aucune information supplémentaire à partager à la suite de la conférence de presse», nous a simplement répondu par courriel le directeur administratif intérimaire de l’association, Philippe Viel. 

L’APQ n’a pas non plus voulu nous dire ce qu’elle pensait de la situation qui prévaut actuellement dans plusieurs urgences et unités de soins intensifs pédiatriques du Québec, qui débordent de jeunes patients infectés par le virus respiratoire syncital (VRS), l’influenza ou la COVID-19. Pas plus qu’elle n’avait de recommandations à nous partager afin de mieux protéger la santé des enfants dans le contexte actuel.

Pour l’heure, on ne dispose d’aucune preuve montrant que les masques seraient nocifs pour le développement, l’apprentissage ou la santé mentale des enfants. 

À l’Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec (OOAQ), on reconnaît qu’il n’y a «pas eu d’études qui ont fait la démonstration claire que le port du masque entraîne directement une difficulté d’apprentissage, puisqu’il y a d’autres variables qui peuvent entrer en ligne de compte». 

«La démonstration n’a donc pas été faite. Par contre, c’est sûr que le port du masque entraîne une difficulté de communication, ça, je pense qu’on le vit tous, qu’on soit des enfants ou des adultes. C’est un fait avéré qu’on a beaucoup moins de sons qui viennent à nos oreilles, on n’a pas la lecture labiale […] et on a la perte de l’expression faciale. Ces trois facteurs-là engendrent bien évidemment des difficultés de communication pour tout le monde», souligne en entrevue le président de l’OOAQ, Paul-André Gallant. 

La majorité habile en communication «va se trouver des alternatives» pour comprendre et se faire comprendre, «mais on soupçonne que chez des enfants déjà vulnérables, qui ont déjà des difficultés de langage ou d’apprentissage, cette barrière à la communication [le masque] risque de ne pas améliorer les choses», dit M. Gallant.

Cela étant, «c’est vraiment une question de risques, et c’est la santé publique qui gère ce fardeau-là», ajoute le président de l’OOAQ. 

«Quel est le risque, qui est probablement très élevé, d’attraper certaines maladies dans les écoles, et quel est le risque qu’on engendre certaines difficultés supplémentaires pour des enfants qui sont déjà vulnérables? Même si on n’a pas la preuve tout à fait [que le masque engendre des difficultés supplémentaires pour certains enfants], on doit gérer le risque pareil. Ce n’est pas une question évidente que la santé publique doit se poser, à savoir quel est le moins pire des maux», expose Paul-André Gallant.

Une chose est sûre, l’OOAQ ne s’est jamais opposé et ne s’opposera jamais au port du masque dans les écoles et les services de garde, dit M. Gallant. 

«Nous, ce qu’on dit à la santé publique, c’est : voici les risques qui sont engendrés par le port du masque. Évidemment qu’on ne s’oppose pas au port du masque dans la situation où on est dans des enjeux endémiques. Ce qu’on dit, c’est qu’il faut être sensibilisé au fait que ça peut avoir des effets, et il faut s’assurer qu’on minimise ces effets-là», résume-t-il.